Ce 28 avril se tenait, à l’institut Lumière (Lyon, 8ème arrdt), une soirée de soutien au cinéaste iranien Jafar Panahi. Condamné à six ans de prison par la justice iranienne, et à vingt ans d’interdiction d’exercer son métier, le cinéaste purge sa peine pour participation à des rassemblements et pour propagande contre le régime en place. Son dernier film, ‘’Hors Jeu’’ (2006) est présenté ce soir là…
La foule se presse, s’engouffre dans la salle. Les retardataires qui n’ont pas réservé leur place patientent pour acheter une place sur les marches de la salle du cinéma, vendue 5€. Une centaine de lyonnais, en masse silencieuse et affectée par la juste cause est venue soutenir l’illustre cinéaste.
Serge Toubiana, le directeur de la cinémathèque française, qui ouvre la séance précise une chose : Panahi est un symbole, celui de l’indépendance d’esprit, de la créativité. Il faut le défendre, et la meilleure manière de la défendre dans notre monde actuel est de parler de lui, à travers nos médias nationaux. D’autres hommes et femmes n’ont pas cette chance, les geôles iraniennes sont extrêmement dures : blessures et coups, vétusté des lieux, enfermements psychologiques, certains font mêmes état d’actes de torture. Des journalistes, des opposants, des artistes, des intellectuels purgent leurs peines ou attendent d’être jugés dans les prisons iraniennes, notamment celle d’Evin, la plus connue si l’on ose dire. La raison de ces enfermements ? Ces personnes contestent, critiquent ou simplement montrent les divers aspects du régime d’Ahmadinejad, au pouvoir depuis plus de 5 ans.
Une iranienne intervient à ce moment et y va de sa propre précision : ‘’Nos politiques européens, qui se disent démocrates, laissent faire cette situation et ne s’émeuvent ni du sort de Jafar Panahi, ni des centaines d’autres prisonniers d’Etat’’. Le ton est donné, la projection du film commence : une jeune fille cherche à s’introduire dans un match de football alors que les stades en Iran sont interdits aux femmes. Elle se déguise, hésite, et très tôt se fait rattraper par les gardes – en fait de jeunes soldats en exercice de leurs services militaires -.
Panahi développe ici un style burlesque : cinq jeunes filles sont par la même situation, mises à l’écart, et, pas dénuées de caractère, elles s’appliquent à détruire et contredire les arguments des soldats. On rit beaucoup, tout en se rendant compte de l’absurdité de la situation en Iran.
Tiré de faits, de tensions réelles, l’histoire se pose comme métaphore de la société iranienne et ce grâce aux multiples anecdotes habilement placées par le cinéaste. Dans une esthétique documentaire, Panahi, porteur d’espoir invite le spectateur à prendre conscience de la vie des hommes et des femmes en Iran, parsemée d’embûches sciemment posées par l’Etat.
Laura Tangre