Accompagné de Paul Maréchal, stagiaire en journalisme à l’Université Lumière Lyon 2, le journaliste Nicolas Barriquand, est venu à la rencontre des journalistes du Lyon Bondy Blog et de CCC Média. L’occasion est de discuter de « Mediacités », journal d’investigation en ligne dont il est l’un des co-fondateurs.
Entouré de la rédaction du LBB et de CCC Média, deux journalistes de « Mediacités » sont venus nous rendre visite autour d’un café. L’occasion d’aborder avec eux leur média, le journalisme d’investigation et la construction d’une enquête aujourd’hui. Cela nous a permis de questionner certaines problématiques liées à l’évolution des médias : le financement d’un pure-player ,la protection des sources, la participation des lecteurs…
« Notre ligne éditoriale, c’est appliquer une démarche d’enquête »
D’abord étudiant à l’IEP (Sciences Politiques) de Lyon puis à l’IPJ (Institut Pratique de Journalisme) de Paris, Nicolas Barriquand devient pigiste pour l’hebdomadaire L’Express pendant 8 ans et correspondant au Vietnam pour divers médias comme Libération, Le Temps, Le Soir, L’AFP. En décalage avec les orientations de L’Express sur certains sujets, Nicolas Barriquand co-fonde avec cinq des journalistes de la rédaction le journal en ligne d’investigation indépendant « Mediacités » en 2016. « On a investi une partie de nos primes de licenciement, 35 000 euros, pour créer la société, le site internet. On a eu ensuite une subvention du Ministère de la Culture de 50 000 euros et un crowdfunding de 25 000 euros. Nous sommes arrivés à 100 000 euros, la base de départ ». Une levée de fonds a permis au média de récolter la somme de 430 000 euros. Une soixantaine de soutiens et de premiers lecteurs ont donné, via une collecte de fonds participative, entre 500 et 5000 euros.
La ligne éditoriale de « Médiacités » s’inscrit dans une démarche consistant à ne pas être prisonnier de l’actualité ou de l’agenda. Implantée dans 4 villes (Lille, Toulouse, Lyon et Nantes), l’équipe de « Médiacités » produit une grande investigation par semaine ainsi qu’une revue de presse et un deuxième article. Ce dernier peut être la suite d’une publication précédente ou une interview. « On suit nos sujets et nos enquêtes ne sont jamais bouclées », témoigne Nicolas Barriquand. Le sujet d’un article peut faire l’objet d’un investissement journalistique sur plusieurs jours ou mois. La rédaction de « Mediacités » privilégie le temps long et le suivi des dossiers (ou « Slow Journalism »), au détriment de l’actualité brûlante. « Notre ligne éditoriale, c’est appliquer une démarche d’enquête, quel que soit le domaine qu’on aborde. Nous ne nous interdisons aucun domaine ». Parmi les thèmes traités, l’olympique lyonnais, la métropole de Lyon, des maires de communes, entreprises, universités…
Un média financé par ses lecteurs
Nicolas Barriquand constate une évolution de la manière de s’informer des lecteurs. « La presse traditionnelle est confrontée à l’évolution des usages, de notre manière de nous informer. C’est la numérisation ». Certains médias, comme Le Monde, possèdent un nombre d’abonnés numérique supérieur à celui de l’édition papier. D’autres parviennent à avoir un nombre d’auditeurs important grâce au podcast. « Je travaille pour un pure player mais continue à croire en l’avenir du papier ».
En tant que pure-player, le souhait des journalistes est d’être indépendant. Pour y parvenir, le média choisit de fonctionner sur le principe de l’abonnement. Les lecteurs financent l’indépendance du média, capital pour l’investigation. Cela permet de se passer de publicité ou d’être financé par un gros investisseur : « On place les lecteurs dans une situation de responsabilité ». De plus, à l’ère actuelle de la presse, « l’enjeu est l’information, pas le support. Elle passe par la confiance des lecteurs envers le média, quelle que soit la manière dont il se la procure », ajoute Nicolas Barriquand. C’est pour cela que « Mediacités » a mis en place « La Fabrique ». Cette dernière a pour objectif de montrer le « making of » des enquêtes dans un souci de transparence et créer la confiance avec les lecteurs.
Par ailleurs, « Mediacités » met en place des initiatives pour créer des interactions avec les lecteurs. Ceux-ci peuvent devenir des sources spécifiques. Le média possède un fichier de contact de lecteurs volontaires proposant leurs compétences si une enquête nécessite des connaissances spécifiques. Par exemple, un sujet sur la gentrification des centres-villes en construction a reçu 80 réponses.
Durant la rencontre, la question de la gestion des sources a été évoquée. Comment construire une enquête ? Tout d’abord, pour le journalisme d’investigation, l’important est de comprendre les motivations de la source, mais aussi et surtout la valeur de l’information. Elle doit être vraie, vérifiable et posséder de l’intérêt à être divulguée. Pour les lecteurs collaborateurs, ainsi que pour toutes les personnes en contact avec le média, le secret des sources les protègent. Il faut pour autant faire attention à ce que l’information ne permettent pas de remonter à la source et les multiplier pour vérifier l’information.
Nicolas Barriquand revient sur l’affaire du professeur Freyer en exemple. Le co-fondateur de « Mediacités » aborde aussi la question du verrouillage de l’information qu’ils ont pu rencontrer. Par exemple au niveau des grands groupes économique comme l’entreprise Lactalis ou avec la sphère publique. Mais ce verrouillage est aussi le signe d’une information de valeur qui mérite d’être creusée.