De passage à Pôle Emploi, j’entends un jeune homme, d’une vingtaine d’années, demander une attestation de paiement à la personne chargée de l’accueil. Cette dernière, lui répond de se servir de l’ordinateur et de l’imprimante qui sont en libre-service. Toutefois, le jeune homme, un peu gêné, lui répond : « Je ne sais pas m’en servir ».
La chargée d’accueil insiste : « C’est simple, c’est comme lorsque vous vous servez de Facebook ou autre ». Le jeune homme lui rétorque de nouveau : « Je ne sais pas m’en servir » et la dame, grimaçant car croyant que le jeune se moque d’elle, lui dit : « Comment faites-vous habituellement ? », il répond : « Je demande à ma mère » puis s’en va.
Je le rattrape alors, lui proposant de l’aider à le faire, mais il me répond : « Merci, mais c’est bon ma mère le fera, je suis tombé sur une conne… !!! ».
Je venais de comprendre qu’il y a des analphabètes, mais aussi des ordiphabétes, petit nom que je pourrais donner à des personnes ne sachant pas se servir d’un ordinateur.
Cet épisode me fait alors penser que se tient, le soir même, une rencontre avec ATD quart monde organisée par Michèle Ferrand de l’association doc-forum afin d’échanger sur l’expérience du projet Internet débutée il y a un an, dans le nord de la France, projet qui a été financé à hauteur de 80% par l’Union Européenne, l’Etat et la Région, le but de ce projet est de développer l’accès de populations très défavorisées à l’information, aux services publics en ligne et à la prise de parole sur Internet pour peser sur le débat local, régional et national.
Ainsi, lors de cette rencontre, se présente, comme faisant partie des bénéficiaires de ce projet, Gaëtane, 39 ans, mère de cinq enfants et déjà grand-mère, elle raconte : « Avant, je ne savais même pas ce qu’était une touche d’ordinateur, maintenant j’ai terminé l’atelier internet et je commence la formation vidéo, je suis contente car désormais je peux surfer sur Facebook et surtout aider mes enfants à faire leurs devoirs… » Puis elle nous raconte ses débuts à ATD Quart Monde, via l’Université populaire qui est un lieu d’échange, et déplore que l’accès à internet par l’intermédiaire de formations gratuites, voir payantes (pour un euro symbolique par exemple) soit si peu répandu. Elle indique aussi qu’elle doit se rendre dans des cybers café pour accéder au net et que c’est couteux. Toutefois, elle est ravie de nous dire qu’elle peut suivre l’actualité de sa région par les diverses activités et conférences qui s’y déroulent. Elle ajoute enfin qu’elle n’a connu qu’une seule personne qui a abandonné le projet, en effet, cette dernière ne voyait aucun intérêt au projet, faute de moyens pour celle-ci de pouvoir s’acheter un ordinateur.
Puis intervient et réagit un membre du personnel de la bibliothèque de Jean Macé (Lyon 7ème) en rappelant que l’accès à internet est gratuit dans les bibliothèques de Lyon et que chaque personne peut y accéder, ainsi qu’aux 22 ateliers d’une heure chacun pour une initiation à internet. Enfin, une formatrice du nord ajoute : « Il faut, au minimum, savoir lire. Nous nous adressons à des personnalités différentes mais très souvent solidaires qui sont toutefois méfiantes dès lors qu’il s’agit d’utiliser les divers services administratifs via le net (formulaires à remplir pour la Caf, la Sécurité Sociale etc…) et elles préfèrent se rendre sur place pour faire leurs démarches. Et pour précision, Atd quart monde offre un module de 20 heures pour l’initiation à internet et 10 heures pour la formation vidéo ».
Atd quart monde Lyon cherche actuellement à développer cette formation à Lyon.
Azzedine Benelkadi