Une journée ordinaire au TGI de Lyon, 14ème chambre, comparutions immédiates
Jean* comparait pour tentative de vol par effraction dans une habitation en récidive légale. Le président débute : « Vous êtes là pour être jugé. Voulez-vous être jugé aujourd’hui ou souhaitez-vous un délai pour préparer votre défense ? » Le prévenu n’a pas l’air de trop savoir. Il discute avec son avocate. « Quel est votre choix ? » Poursuit le juge. Michel et son avocate discutent encore. C’est long. « Si vous ne
choisissez pas, nous choisirons pour vous ! Dans votre intérêt bien sûr … ». Il faut enchainer, il reste beaucoup d’affaires à juger aujourd’hui. Finalement, l’accusé répond : « La prochaine fois. – Monsieur a exercé son choix. »
L’affaire sera jugée sur le fond une autre fois. Aujourd’hui, on statut sur les mesures de sureté. Comme c’est bien souvent le cas en comparutions immédiates, les faits sont « relativement simples ». Jean est mis en cause par la victime, qui l’a par ailleurs mis en fuite alors qu’il était dans son jardin. Elle l’a vu suffisamment pour l’identifier.
Le président : « Monsieur n’a pas expliqué pourquoi il se trouvait à 23 heures à Meyzieu. Il pleuvait pas mal. Ses chaussures étaient mouillées avec de l’herbe dessus. » Il concède : « Bien sûr, tout le monde a le droit de se promener à Meyzieu… » Michel demande au président s’il peut ajouter quelque chose. Ce dernier acquiesce. « Je suis rentré dans le jardin. Je ne suis pas rentré dans la maison. – Pourquoi ne pas l’avoir dit aux policiers. Le magistrat s’arrête. Greffier, notez qu’il avoue être entré dans le jardin. » S’adressant à l’accusé : « Pourquoi ? – Par curiosité … – Vous avez confondu avec un parc public ! – Il n’y avait pas de portail. » Ce que la victime, présente dans la salle, rejette : « Il y a un portail, avec un verrou, mais il s’enlève facilement. Je ne sais pas comment il a vu le portail caché par la végétation. »
Un casier avec mention
Le point sur son casier : une amende pour conduite sans permis et trois mois de sursis pour vol par effraction dans un lieu d’habitation. « C’était quoi ce vol ? – J’ai cassé la vitre et je suis rentré. – On a fait le tour ? » La victime souhaite par ailleurs se porter partie civile et demander des dommages et intérêts. « Car j’ai eu la peur de ma vie. Je vis seule avec mes enfants. » Visiblement touchée, la victime pleure à chaudes larmes. La proc’ met en exergue un casier significatif : « Avec deux mentions de recel. Il est au fait des risques encourus. Je comprends la réaction de la victime (…) Ses parents ont déménagés pour l’éloigner de ses mauvaises fréquentations ! » Elle enchaîne : « Pas de travail, départ volontaire du précédent. Une famille qui ne le contient pas. Il est livré à lui même (…) Il y a tout lieu de craindre une répétition des faits. Je sais qu’il est jeune… » Jeune ou pas, elle demande la mise sous mandat de dépôt.
La défense souligne quant à elle les « éléments très favorables de son attitude au travail. » Travail qu’il pourrait d’ailleurs réintégrer selon son père. Si elle n’a rien à dire sur les faits, l’avocate enchaine sur les dégradations des volets, signifiées par la victime. « Vous avez besoin de certitudes. Ces dégradations étaient présentes avant peut-être. Les éléments du dossier ne permettent pas de suivre les réquisitions. Je vous demande de laisser à Monsieur une chance de venir libre à l’audience. » Le président : « Merci Maitre. Il regarde l’accusé. Quelque chose à ajouter ? – J’ai pas touché les volets. J’ai pas volé. » Jean sera finalement placé sous mandat de dépôt jusqu’à l’audience, qui aura lieu quelques semaines plus tard. Il a dix jours pour faire appel. « Vous êtes déjà allé en prison ? – Jamais – Vous avez des problèmes de santé – Non – Vous suivez un traitement ? – Non – Vous êtes dépressif ? – Un peu ». On peut le comprendre.
Au suivant
*Les noms sont changés