Les jeunes n’ont aucun repère concernant la relation de couple. C’est le constat de l’association Filactions qui agit depuis 9 ans maintenant dans toute la région Rhône Alpes en interrogeant et sensibilisant des jeunes de 15 à 25 ans sur leurs rapports à l’autre sexe. Suite à leurs interventions, l’association met en lumière un aspect de notre société assez troublant et pas vraiment surprenant.
L’association Filactions s’attaque en particulier aux violences conjugales par le moyen de la prévention de la jeunesse. Elle s’inscrit dans la continuité de la structure Femmes Informations Liaisons (Fil) qui fait essentiellement de l’accueil, de l’écoute ainsi que de l’accompagnement pour les femmes et enfants victimes de Violences, qu’elles soient conjugales ou familiales.
Susciter le débat: un premier pas
On peut s’en affliger, notre société est loin de s’être débarrassée de certains comportements absurdes. Il est possible de porter plainte pour viol contre son propre conjoint. Alors certes la loi existe pour protéger les victimes, mais n’est-ce pas avant d’en arriver là qu’il faut agir ? Est-ce la faute d’une société patriarcale où la femme devrait se soumettre à l’autorité de son conjoint ? D’ailleurs, quelle responsabilité pour une une femme subissant ce type de violences ?
Sans nier l’influence de notre héritage culturel, ni minimiser le rôle qu’une femme peut parfois avoir dans ces relations de violence ; il ne faut pas oublier que les cas de violence extrême sont très rares, ni tomber trop vite dans des préjugés.
« Si une femme reste avec un mari qui la frappe, c’est qu’elle est faible. Voilà le premier préjugé que l’on retrouve chez les jeunes » dira Claire Fahys, coordinatrice de l’association Filactions. « ça ne correspond pas à une réalité, mais à une interprétation qu’on s’en fait par rapport à notre propre expérience« .
L’association existe justement pour faire ressortir les idées communément acceptées, qu’elles soient fausses, déformées ou pertinentes, sur des questions qui touchent à la relation amoureuse. Ceci suscite le débat entre des jeunes qui n’ont que rarement l’occasion de confronter leurs points de vue sur ce sujet: « Avec eux, nous travaillons sur ce qu’est la violence pour éviter sa normativité, sa banalisation… et sur les préjugés, les stéréotypes femmes/hommes. On dit que les jeunes sont de plus en plus violents ; moi je ne m’aventurerais pas à dire ça. Ils sont très en demande de repères propres pour pouvoir avancer dans la vie. Ils ne parlent généralement pas de ça à la maison, ni à l’école. Nous on en parle souvent seulement entre garçons ou entre filles. En fait, les points de vue ne sont jamais confrontés… »
Les jeunes sont les plus enclins à être victimes ou à infliger des violences à l’autre car ils sont en pleine construction affective et manquent de repères. Mais la violence conjugale, ce n’est pas simplement la violence physique comme on pense spontanément. Et chez les jeunes elle n’est pas tout à fait la même que chez les adultes.
La jalousie prédomine dans les relations
Il est des termes qu’on prononce tellement qu’il ne nous vient pas à l’idée de les définir. Rappeler leur définition est parfois bien utile. La violence conjugale se décline sous six formes: physique, verbale, morale, sexuelle, économique et administrative….et fait référence à une relation de dominant-dominé entre l’auteur et la victime. « C’est important de noter cette précision car il faut bien faire la différence entre le conflit normal dans un couple et la violence conjugale« .
« On retrouve chez les jeunes, beaucoup de harcèlement, de contrôle, de jalousie mais de façon réciproque, remarque Claire Fahys. On constate qu’ils n’ont aucun repère sur ce que c’est d’aimer, sur ce qu’est un couple. Ils ont un tas de préjugés qui faussent dès le départ la relation. L’image de la femme dans la société, au travers la publicité, et l’omniprésence de la sexualité dans l’industrie du disque, les amène à avoir une vision totalement déformée de la relation. La jalousie est vraiment un gros problème. La plupart des jeunes partent du principe qu’on ne peut pas faire confiance à l’autre et qu’on peut se tromper. Donc les deux mettent en place un certain nombre de règles pour pouvoir contrôler l’autre. Et ce n’est pas un phénomène qui touche une classe sociale particulière puisque dans tous les collèges de Rhônes-Alpes les comportements sont les mêmes, ça va des élèves de 3ème jusqu’à l’âge de 25 ans.« Ce n’est pas du jour au lendemain que les choses vont changer mais il y a une grande volonté de la part des jeunes à être guidés dans leurs relations.
Aimer, ça s’apprend
L’influence de la société et l’omniprésence de l’image féminine incarnant sensualité et perfection jouent un rôle considérable dans la représentation de l’autre sexe et dans notre façon de le traiter. Ajouter à cela le manque de communication dans la famille, la peur ou la honte d’en parler. Et on en arrive vite à un résultat désastreux dans les relations, dû à sur une conception totalement factice et erronée de l’autre.
En point positif, les jeunes que rencontre l’association Filactions (lien facebook) sont loin d’être fermés à un quelconque enseignement ou à des conseils. Au contraire, ils ne demandent qu’a être orientés car ils sont dépassés à ce niveau-là.
Claire Fahys ajoute pour finir que « l’écoute et la participation sont hallucinantes. Ils ont besoin d’en parler… Les jeunes sont avides de discussions, de connaissances, de repères. Ce qu’il y a d’encore plus intéressant, c’est quand il y a des oppositions de points de vue dans la classe, lorsque même entre potes ils n’ont pas les mêmes points de vue« …. Ce qui conforte la coordinatrice de l’association Filactions à penser que ce qu’elle fait est utile.