A huit mois du premier tour de l’élection présidentielle, les équilibres politiques se redessinent dans une France traumatisée par le terrorisme et à l’économie convalescente. L’identité risque de faire partie des thèmes centraux de la campagne. Tour d’horizon avant la bataille.
Cette année, la rentrée se fait en pleine campagne. Les 23 avril et 7 mai prochains, les Français doivent se rendre aux urnes pour élire leur président de la République. Et la période qui nous sépare de ce grand rendez-vous démocratique promet d’être mouvementée. Les équilibres politiques se redessinent face à un peuple qui exprime une grande défiance vis à vis de ses dirigeants. Alors que la France peine à se remettre d’une crise économique qui dure, la lutte contre un terrorisme se réclamant de l’islam occupe le devant de la scène. En ce début de campagne présidentielle, les questions sur l’identité et les valeurs du pays sont au centre du débat.
Depuis janvier 2015, la France est secouée par une série d’attentats. La lutte contre le terrorisme islamiste est devenue une priorité politique absolue. L’hexagone vit sous le régime de l’état d’urgence depuis dix mois. Le discours sécuritaire est omniprésent, alors que les attentats déjoués ou avortés font régulièrement les gros titres dans la presse.
Sur le front de l’économie, en juillet 2016, le pays compte 3 506 600 de chômeurs sans aucune activité (10,3% des actifs). La banque de France anticipe une croissance de 1,3 % pour l’année. La dette publique est de 2 137 milliards d’euros (soit 97,5 % du PIB). La sixième puissance économique de la planète est encore éprouvée par la crise économique mondiale qui a éclaté en 2008. Mais le chômage diminue légèrement (-1,2 % sur un an), la croissance devrait continuer son pénible redressement (+0,2 % depuis 2015) et la dette augmenter un tout petit peu moins rapidement, selon les hypothèses du gouvernement.
Dans la rue, l’année scolaire 2016 s’était terminée sur fond de contestation sociale contre la loi travail. Un incendie qui a peu de chance de repartir en cette période de rentrée, mais les syndicats n’ont pas officiellement posé les armes. Par ailleurs, l’opinion publique exprime un rejet sans nuance de la politique sous sa forme actuelle. Selon la dernière vague du Baromètre de la confiance politique du CEVIPOF, publié en janvier 2016, 82 % des Français éprouvent des sentiments négatifs vis à vis de la politique, 81 % expriment les mêmes sentiments à l’égard des hommes et femmes qui en sont les acteurs, et 89 % des sondés n’avaient pas confiance en les partis.
La cuisine politique
Depuis 2010, le Front national (FN), extrême droite, n’a cessé de gagner du terrain. Au point de devenir l’un des trois partis autour desquels s’articule la vie politique du pays. À en croire les sondages, Marine Le Pen, présidente du FN, est sûre d’être au second tour. Ils la donnent pourtant perdante au deuxième round, mais sa position lui permet d’imposer ses thèmes de campagne.
Les grandes formations historiques, elles, cherchent à retenir les électeurs qui leur tournent le dos. Le parti Les Républicains (LR) organise des « élections primaires de la droite », pour désigner le candidat qui représentera son courant à la présidentielle. Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, fait la course en tête avec Alain Juppé (37% pour les deux, selon un sondage Haris Interactiv du 15 septembre). Il pourrait néanmoins être freiné par les affaires judiciaires dans lesquelles il est empêtré.
A gauche, François Hollande n’apparaît pas comme le candidat naturel de son camp, bien qu’il soit le président sortant. Il n’a pas encore déclaré sa candidature, mais il devra de toute façon passer par l’élection primaire du Parti socialiste (PS). Très bas dans les sondages, il est nettement devancé par plusieurs figures de la gauche, dont Emmanuel Macron, son ancien ministre de l’économie. Avec ses multiples partis, la gauche présentera de nombreux candidats, au risque d’éparpiller les voix et de ne pas envoyer un champion solide au second round. Une configuration qui rappelle celle de 2002, qui avait vu Jean-Marie Le Pen accéder au second tour contre toute attente. Selon le dernier sondage TNS-Sofres OnePoint pour Le Figaro, en 2017, aucun représentant de la gauche ne passerait le premier tour.
Les grands thèmes de campagne
C’est dans ce contexte que les thèmes de la campagne présidentielle prennent forme. Dans un climat de peur face à un terrorisme se réclamant de l’islam, le débat sur la définition de la laïcité fait rage, et laisse apparaître une crispation croissante autour de la religion musulmane.
La question de l’identité est omniprésente chez les cadors de la droite. Pour Nicolas Sarkozy il faut exiger « l’assimilation » : abandonner sa culture d’origine pour adopter la culture française. Marine Le Pen, elle, se prononce « contre le multiculturalisme dans un seul pays » et dénonce le communautarisme. Alain Juppé prône pour sa part une « identité heureuse », « ouverte sur son voisinage et sur le monde ».
En matière d’immigration, le ton change au pays du droit de l’Homme. Le FN milite pour une réduction drastique du nombre d’entrées en France. Il compte accueillir beaucoup moins de réfugiés, expulser de nombreux étrangers et mettre fin au droit du sol. Les positions de Nicolas Sarkozy sont relativement proches. Ces propositions s’enracinent dans un contexte où une vague majeure de migrants, dont beaucoup fuient des pays en guerre, touche l’Europe depuis l’été dernier. Depuis la semaine dernière, la « Jungle » de Calais s’est invitée dans la campagne. Entre 6 500 et 10 000 migrants cherchant à rejoindre le Royaume-Uni y sont bloqués dans des conditions catastrophiques. Le gouvernement veut les répartir sur le territoire français. Nicolas Sarkozy s’y oppose, Le FN aussi. De son côté, Alain Juppé n’y est « pas hostile ».
A droite, on dénonce le « laxisme » de la gauche et de l’appareil judiciaire en termes de sécurité. Les partisans de la ligne dure veulent durcir la loi… quitte à s’émanciper parfois des principes de base de « l’état de droit ». La revendication demandant à enfermer des personnes « fichées S » par « précaution », avant même qu’elles n’aient commis une faute pénale, va à l’encontre du principe de la présomption d’innocence, selon lequel un justiciable est innocent jusqu’à preuve du contraire.