Jule Le Mener étudie à Lyon. Il était 41ème sur la liste menée par Prosper Kabalo à Villeurbanne, qui avait recueilli 29,62% des suffrages. Le 21 octobre, il revenait avec nous sur les 100 premiers jours de Grégory Doucet en tant que Maire de Lyon, dont il dresse un bilan “contrasté”.
Cet entretien a été réalisé le mercredi 21 octobre 2020. Il est important de le remettre dans son contexte, notamment au regard des annonces municipales (annulation de la Fête des Lumières) ou gouvernementales (deuxième confinement).
Quel regard portez-vous sur le début de mandat de Grégory Doucet ?
Relativement contrasté. Avec des idées fortes et une mise en place assez rapide sur tout ce qui est relatif à l’écologie comme la piétonnisation. Il y a aussi eu des paroles fortes sur le moratoire de la 5G, chose qu’il avait évoquée dans son programme. Il y a un certain nombre de points où je l’ai trouvé relativement ambiguë. Notamment sur ses approximations quand il n’a pas voulu rentrer à la basilique de Fourvière. Il a quand même prononcé un discours à la fin de cette cérémonie, où il dit que pour des raisons de laïcité ce n’est pas son rôle de rentrer à l’intérieur de la basilique. Mais le lendemain, il pose la première pierre de la mosquée de Gerland. Je trouve ça particulier, on ne voit pas trop où il veut en venir. Est-ce qu’il a une position claire sur la laïcité, ou est-ce qu’il y a une laïcité à deux vitesses ?
Quel est selon vous le dossier principal que la Mairie doit traiter en priorité et faites-vous confiance à Gregory Doucet et son équipe pour y faire face ?
Le sujet le plus important c’est la sécurité. Malgré les évènements récents,on le voit encore hier soir avec un règlement de compte à la Guillotière. On a le sentiment d’une montée de l’insécurité que ce soit à Lyon ou dans les communes alentours. Pour ce qui est de ma confiance en Grégory Doucet sur ce sujet, actuellement il ne donne pas l’image d’un homme fort qui veut combattre l’insécurité par la police municipale ou par d’autres moyens. Donc non, je ne lui fais pas particulièrement confiance lorsqu’il s’agit de sécurité.
Le Maire et le président de la Métropole ont demandé jeudi 1er octobre au Premier Ministre l’assouplissement des mesures sanitaires dans la Métropole lyonnaise. Gregory Doucet s’était prononcé contre la fermeture des bars, qu’avez-vous pensé de sa position sur le sujet et quel impact pensez-vous que le couvre-feu aura sur les Lyonnais ?
Je suis relativement contre la fermeture des bars. Même si de nombreux clusters ont lieu dans ces bars, les chiffres montrent que la plupart des contaminations ont lieu dans les cercles familiaux. Donc Grégory Doucet a eu une bonne position en demandant la réouverture. Il a justement pris son rôle de maire au sérieux en demandant leurs avis aux commerçants. Donc je le soutiens complétement dans sa demande au Ministre. Ce n’est pas lui qui prend les décisions mais le fait qu’il montre son désaccord, j’ai trouvé que c’était une bonne chose.
En septembre, Gregory Doucet a signé une tribune pour un moratoire sur la 5G, afin qu’il y ait un débat démocratique avant son développement. Êtes-vous d’accord avec cette tribune ?
Je ne suis pas d’accord avec la tribune de la 5G. Il me semble important que la France reste au top sur ce qui concerne les nouvelles technologies. La 5G en fait partie et il ne faut pas louper le changement qui arrive. Grégory Doucet au même titre que Bruno Bernard ou Cédric Van Styvendael ont signé cette tribune, je trouve ça aberrant. Pourquoi toujours retarder des échéances, pourquoi un moratoire alors que la question a déjà été débattue, que des scientifiques se sont prononcés sur le sujet. Ce ne sont pas les médias, ou des personnalités qui confisquent le débat médiatique, qui doivent faire pression de la sorte.
Dernièrement, Gregory Doucet pensait maintenir la fête des Lumières à une jauge de 5000 personnes. Pensez-vous qu’il est encore possible de la maintenir, et dans quelles conditions ?
Le maintien de la fête des lumières je pense que c’est utopique, à tout moment on sent que ça peut être annulé. En tant que Lyonnais je souhaite le maintien mais il faut penser aussi à la santé, et aux professionnels qui travaillent. A un mois et demi de l’échéance, ne pas connaître les conditions dans lesquelles cette fête pourrait se faire, c’est une situation anxiogène pour les professionnels. Il faut prendre des mesures rapidement. On peut se poser la question de la légitimité des prochains rassemblements sanitairement parlant. Dans le cas de la manifestation de dimanche, il y avait un appel d’unité, mais les personnes à risques n’auraient pas dû s’y rendre.
Voyez-vous une différence dans vos capacités à discuter avec la majorité lyonnaise depuis que les équipes de Grégory Doucet sont au pouvoir ?
Complètement, les contacts sont beaucoup plus complexes avec la majorité. On voit une rupture du dialogue entre la majorité et l’opposition. Il y a une discussion, et il y a certes la possibilité d’avoir un débat démocratique et d’exposer ses idées mais il s’est fortement dégradé par rapport à la précédente majorité. Les enjeux ne sont plus les mêmes, et la priorité n’est plus donnée aux mêmes enjeux.
Grégory Doucet souhaite recruter 20 policiers municipaux supplémentaires, parallèlement il projette d’implanter dans tous les quartiers une antenne de police municipale. Faites-vous confiance aux élus écologistes pour traiter les questions de sécurité et pourquoi ?
J’entends bien ce que M. Doucet veut faire avec ces policiers municipaux en plus mais c’est dérisoire. On voit bien qu’il manque des gens pour protéger la population. Je sais bien que les budgets c’est quelque chose de très complexe. Mais il faut aller plus loin au niveau de la sécurité. Une partie des Lyonnais en ont marre de ces petites incivilités, de ces petites dégradations et délits qui font que dans certains quartiers, dans certaines rues, c’est devenu très compliqué ne serait-ce que de vivre. Bien sûr ça ne fait que 100 jours que Doucet est là, mais dans ce qu’il propose je ne lui fais pas confiance.
La Mairie souhaite renforcer son action pour l’égalité à travers la mise en place d’un “budget sensible au genre” sur l’éducation et le sport, la valorisation du travail des femmes à travers la commande publique ou encore l’ouverture d’un débat sur l’écriture inclusive. Pensez-vous que ces initiatives sont efficaces ou qu’il s’agit d’une campagne de communication ?
Ce n’est pas tout blanc ou tout noir. Ici, il y a une partie de communication. Par exemple l’écriture inclusive, une mesure facile à mettre en place qui fait grand bruit. Sur la question sociale et sur cette égalité femme-homme, ce sont des bons points pour faire avancer l’ensemble de la ville et des mentalités. On peut aussi parler de son budget genré, c’est un budget assez conséquent qu’il faudrait détailler plus précisément. Il faut faire quelque chose, puisqu’on a un retard sur ces problématiques. Il faut qu’il y ait des moteurs, des gens qui prennent position… que M. Doucet le fasse, je pense que c’est aussi sa place au niveau de la ville de Lyon. En tout cas c’est tout à fait son rôle de prendre ces initiatives. Le budget alloué peut sembler excessif.
La métropole de Lyon a fait plusieurs propositions d’aide aux quartiers populaires tels que la création de Maison de l’alimentation dans les 37 quartiers prioritaires de la ville ou encore l’augmentation significative du nombre de logements sociaux. Que pensez-vous du fait que la Métropole semble prendre les décisions les plus importantes en la matière ?
La question des quartiers populaires c’est une question importante aussi bien sur la Métropole que sur la ville de Lyon. Ce qui me dérange c’est que j’ai l’impression que la Métropole aspire l’ensemble ou presque des pouvoirs qu’a la ville. Un grand nombre de décisions se font à la Métropole et je trouve cela dommage. Les élus de la ville connaissent plus particulièrement les problèmes de ces quartiers. C’est aux élus municipaux d’y réfléchir et de décider.
Pour redynamiser la démocratie participative à Lyon, la Mairie travaille sur la création de conseils des aînés, de conseils d’arrondissement des enfants ou encore d’un baromètre du bien-être des lyonnais. On peut aussi noter la création d’un budget géré par les citoyens représentant au total 5% du budget d’investissements. Que pensez-vous de ces initiatives ?
Il faut voir avec le temps, ça ne fait que 100 jours qu’il est élu. Qui va participer réellement à ces scrutins aussi divers et variés qu’ils soient ? Est-ce que ça va vraiment marcher ou pas ? J’ai espoir qu’une large partie des citoyens puisse s’exprimer régulièrement sur ses envies. Lyon est une ville importante avec des budgets conséquents et faire participer la population est une très bonne idée. Après, on va prendre le recul pour regarder tout ça, qui va se déplacer, qui va prendre les décisions, est-ce que des décisions qui vont aller à l’encontre de la Mairie seront quand même prises en compte ?
Concrètement, quels changements espérez-vous encore dans la gestion municipale de Gregory Doucet ?
Un durcissement de la sécurité, une ligne forte et des actions fortes. Des actions sans doute coûteuses ou pas forcément appréciées par l’ensemble de la population. J’aimerais que M. Doucet affirme sa volonté de lutter contre ces incivilités, de lutter contre l’ensemble des petits délits qui font qu’aujourd’hui dans certains lieux des personnes ont peur de se promener la nuit. Il ne faut pas que la peur soit chez les Lyonnaises et les Lyonnais, il faut que la peur change de camp. Ce n’est pas normal qu’encore hier soir, trois personnes soient blessées au couteau à Guillotière.