Villeurbanne, première ville de France à signer la déclaration des Droits des personnes sans-abris.

Ce samedi 17 octobre, c’est la journée mondiale du refus de la misère. La veille, le maire de Villeurbanne Cédric Van Styvendael et Christophe Robert, directeur général de la Fondation Abbé Pierre, se retrouvaient au Phare à Villeurbanne pour signer la Déclaration des Droits des personnes sans abri.

Cette déclaration proposée au niveau européen en 2016 par la Fondation Abbé Pierre et la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les personnes sans-abri (Feantsa) est enfin signée par une ville française : Villeurbanne. La première à ce jour dans l’hexagone, mais pas au niveau européen où des villes telles que Barcelone ou Gdansk ont d’ores et déjà signé cette charte. Pendant les municipales, la Fondation Abbé Pierre avait sollicité les candidats pour qu’ils l’incorporent à leur programme. C’est ce qu’avait fait Cédric Van Styvendael avant les élections, qui a d’ailleurs remercié aujourd’hui la Fondation Abbé Pierre pour cette interpellation. 

Le lieu choisi pour signer cette déclaration est un symbole, il s’agit du Phare (Point Hygiène Accueil Reliance) à Villeurbanne. Ce lieu est ouvert depuis le 27 janvier suite aux propositions du jury citoyen villeurbannais. Il s’agit d’un ancien vestiaire du stade de Rugby transformé en lieu d’accueil de jour pour les plus démunis. Ils ont l’occasion de se doucher, faire leur lessive, se reposer et passer des moments conviviaux. Le Phare propose aussi une aide pour la scolarisation, pour trouver un lieu d’hébergement ou encore une domiciliation pour que les personnes sans-abris puissent avoir une adresse fixe. La Mairie de Villeurbanne participe à ce projet depuis ces débuts. Il était donc logique que la signature de cette déclaration s’y fasse.

Cette déclaration contient 14 articles, parmi lesquels : Le droit au logement, la liberté de se déplacer et de s’installer dans l’espace public, le respect des besoin fondamentaux ou encore l’accès aux services et aux droits sociaux. A l’occasion de la signature, le maire de Villeurbanne a promis qu’aucune personne sans abri ne recevrait d’amende pendant le couvre-feu. Il entend ainsi montrer sa volonté de respecter ses engagements électoraux.

 

Le Lyon Bondy Blog est allé interroger le maire de Villeurbanne Cédric Van Styvendael et Christophe Robert, le directeur général de la Fondation Abbé Pierre.

Le rapport du Secours Populaire montre que la pauvreté a significativement augmenté avec la crise sanitaire. Partagez-vous ce constat ?

Christophe Robert, directeur général de la Fondation Abbé Pierre : Evidemment, la situation économique sur le front de l’emploi est telle qu’au-delà des 9,3 millions de pauvres que compte notre pays, il y a tout un pan de la population qui a peur, qui a basculé ou craint de basculer du fait d’une baisse de ressources ou d’une perte d’emploi. D’autant qu’il n’y a pas forcément de garantie d’accès au chômage derrière, puisque des CDD courts, des intérims ne permettent pas forcément d’en bénéficier. A travers cette enquête et d’autres, on voit augmenter le nombre de personnes qui demandent le RSA. Une enquête de l’Association des Départements de France montre qu’il y a une augmentation moyenne de 9% du nombre de ces demandes. C’est un chiffre énorme, et je crains malheureusement qu’on ne soit pas au bout de ce basculement. C’est là où il va falloir que nous tous, et l’Etat en particulier, apportions une solution pour davantage protéger tous ceux qui se trouvent en difficulté.

Quel impact aura le couvre-feu sur les personnes sans abri ?

Christophe Robert : On a eu une réunion avec la Ministre du Logement Emmanuelle Wargon hier à ce sujet, pour essayer d’anticiper les travers du confinement de mars et avril. Il faut beaucoup de choses. Première chose, ne pas verbaliser les personnes sans domicile, ce qui s’était fait en mars ! Un peu de bon sens.. Deuxième chose, il faudrait augmenter les maraudes, les distributions alimentaires, les capacités de douche… A cause du couvre-feu, on risque en effet d’avoir une réduction des réponses associatives, parce que les personnes seront moins facilement mobilisables. Bref, il faut absolument que dès lundi prochain, il y ait des réunions organisées avec les associations, les élus locaux et l’Etat pour apporter des solutions. Il faut tirer des enseignements du travail positif qui avait été fait en mars-avril-mai-juin. Il y avait eu alors un vrai engagement des politiques publiques à côté des associations et des collectivités locales, et on avait pu éviter un certain nombre de catastrophes même si on n’a pas réglé les problèmes de toutes les personnes sans domicile.

Quel impact concret aura cette déclaration sur la vie des personnes sans abri à Villeurbanne ?

Christophe Robert : On verra, c’est un engagement dans la durée. Déjà le Phare aujourd’hui change la vie des personnes sans abri. Je ne suis pas Maire de Villeurbanne, mais on regardera de près ceux qui la signent et le respect de leurs engagements dans la durée : on va mettre en place une grille de lecture, un observatoire pour regarder ça. Nous on souhaite porter cette charte, encourager les signatures. Les maires commencent à signer, pour la première fois aujourd’hui à Villeurbanne et on en est très heureux : maintenant, il faut agir !

Concrètement, que va-t’il se passer pour les personnes sans abri à Villeurbanne après la signature de cette déclaration ? Y a-t-il d’autres projets en cours ? 

Cédric Van Styvendael, maire de Villeurbanne : Cela veut d’abord dire que le jury citoyen va continuer sur la mise en place d’autres mesures qui étaient prévues. Nous allons travailler à vérifier que la ville est bien en phase avec l’ensemble des mesures de la charte. Dans la charte, on dit par exemple qu’on n’a pas le droit de toucher aux habitats des personnes.. Pourtant, on est très souvent sollicités aujourd’hui sur l’habitat dans la ville, c’est-à-dire des gens qui dorment dans des voitures, dans des tentes… Comment règle-t-on cette question-là, entre des citoyens qui nous demandent d’enlever les voitures ou les caravanes, et notre volonté de ne pas enlever une caravane sans solution de relogement pour les personnes ? C’est très compliqué. Celles et ceux qui pourraient dire qu’il s’agit d’un coup politique, je les invite à lire le document attentivement pour voir que nous sommes ancrés dans le réel et qu’on veut simplement se mettre au travail sur cette question-là.

Après le soutien de l’entièreté du conseil municipal  de Villeurbanne aux salariés de General Electric, la Mairie signe cette déclaration une nouvelle fois à l’unanimité. Est-ce une volonté de se rapprocher un peu plus du monde social ? 

Cédric Van Styvendael : Je ne pose pas les choses comme ça, entre social, écologie… On a proposé un programme aux électeurs avant les élections. Dans ce programme, il y avait la question des droits des personnes sans abri. On est donc en conformité avec ce qu’on avait annoncé. 

Il ne s’agit pas de se demander si Villeurbanne a un programme social, écologique… On a un programme équilibré, j’ai passé par exemple l’été à m’occuper des questions de sécurité -et ce n’est pas fini- parce que je pense que l’acceptabilité de ces mesures sociales est aussi dans le volontarisme politique en matière de sécurité et de tranquillité. En fait, tout cela se tient : si on veut faire évoluer un territoire, il faut un certain nombre de mesures qui ont des liens entre elles, même si on ne les voit pas instinctivement.

 

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