Retraités immigrés : un mépris français

Créée il y a 10 ans, l’association l’Olivier des Sages est spécialisée dans l’insertion sociale des personnes âgées de 55 ans et plus. Ils sont 400 de 19 nationalités différentes à tenter de reconstruire du lien social au sein de cette association du 3è arrondissement de Lyon.

 

Le K-Fé social situé au 8, rue de l’épée (Lyon 3è) est le siège de l’association l’Olivier des Sages. L’association a vu le jour il y a 10 ans. Ce jour-là  une vingtaine de personnes est en train de disputer une partie de domino en attendant de partager une part de brioche en compagnie de la responsable Zorah Ferhat. Ce sont majoritairement des anciens, chibanis en arabe, arrivés du Maghreb pour reconstruire le pays. Ils souffrent d’un manque de reconnaissance et d’isolement. La plupart sont séparés de leur femme et de leurs enfants restés au pays. D’autres comme Ismaël, venu de Djibouti, sont contraints de rester faute de soin dans leur pays d’origine. Pour ceux qui ont la chance de pouvoir rentrer dans leur pays l’obstacle est financier. Il leur faut économiser entre 6 mois et 2 ans pour se payer un billet d’avion aller-retour. Ce délais est dû au fait que nombre d’entre eux envoient une partie de leur pension de retraite à leurs familles.. « Une fois que j’ai envoyé l’argent au pays, payer mes factures il me reste environ 150€ pour le reste » précise l’un des plus bavard. 

« Ce sont les oubliés de la République »

A la peu enviable expression de « citoyens de seconde zone », Zorah Ferhat préfère dire de ses protégés : « Ils ont construit la France mais ne peuvent pas voter, ce sont les oubliés de la République ». Pour accentuer le malaise, un des chibanis se laisse envahir par la frustration et hausse le ton : « J’ai travaillé durant 20 ans, je suis malade et je me retrouve avec 80€ par mois ». Il bénéficie de la Couverture Maladie Universelle (CMU) mais pas d’autres sources de revenus. Ces anciens travailleurs ne peuvent pour le moment prétendre à la nationalité française. Même si les conditions ont été assouplies les démarches restent longues et éprouvantes.

« Nous avons parlé à François Hollande de leurs situations mais ça n’a pas beaucoup bougé depuis » déplore Zorah Ferhat, fondatrice-directrice de l’association l’Olivier des Sages.

Du côté de certains élus la situation inquiète. L’élu métropolitaine centriste Marylène Millet critique les choix budgétaires du gouvernement : « Je trouve ça regrettable. On risque de créer de nouveaux retraités précaires. Nous ne sommes pas dans une société qui ne fait pas attention à ses vieux. » Le plan du gouvernement prévoit d’investir  8,5 milliards d’euros d’ici à la fin du quinquennat. « Il n’y a rien sur l’isolement social des personnes âgées », note Marylène Millet. Le 13 septembre dernier, le Président de la République, Emmanuel Macron, a dévoilé 21 mesures. Son plan vise la réduction des inégalités en visant le mal à la racine : les différences liées à la classe sociale des familles.

Les mesures concernent surtout la petite enfance et l’insertion professionnelle. Au grand dam des associations, aucune mesure ne concerne les retraités en situation précaire. Un manque alors que, selon l’association Les petits frères des pauvres, 300 000  personnes sont en situation de mort sociale en France. 

La lutte contre l’isolement

L’association n’est en rien un foyer. Les bénéficiaires logent ailleurs et bénéficient de l’accueil de jour. Selon les jours de la semaine l’association propose diverses activités comme des ateliers de cuisine avec des jeunes de foyer de réinsertion, de l’informatique et des cours de français. « Le but ce n’est pas d’envoyer des mails ou de surfer sur la toile mais de resserrer les liens avec leurs proches » précise Zorah Ferhat. L’association l’olivier des sages est une sorte de deuxième famille. Deux fois par mois, ils se réunissent autour d’un repas dont certains ingrédients sont produits dans la cour de l’établissement. Pas question de mettre de côté la culture et la découverte : l’association a financé des voyages à Paris, Marseille ou en Tunisie. Ils ont même défilés dans le cadre de la biennale de la danse le 21 septembre dernier.

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La chorégraphie des membres de l’association lors de la Biennale de la danse, le 21 septembre 2018. (Crédit vidéo : Zohra Ainseba).

 

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