Rentrée à Lyon 2 : l’état des lieux

Les réformes de Jean-Michel Blanquer concernant les lycées et les universités publics, appliquées en septembre 2018, sèment le trouble et l’incompréhension dans la res publicae de Lyon 2. Étudiants, professeurs, vice-présidents, aucun n’a été épargné par la vague d’opposition publique qui a eu lieu de novembre 2017 jusqu’en mai 2018. Certains sont frustrés par le blocage passé de Lyon 2, d’autres s’organisent pour se mobiliser à nouveau. Le Lyon Bondy Blog est allé à la rencontre de tous sur les berges du Rhône pour éclaircir les positionnements hétérogènes de la faculté.

 

Rentrée 2018 : 60 000 étudiants sont en attente selon les chiffres de Parcousup du 30 août 2018. Pénurie de logement étudiants à Lyon. De nouvelles réformes annoncées par le ministère de l’éducation depuis le 2 août. Il y a de quoi être un peu stressé par tous ces changements dans le corps éducatif. Le gouvernement de son côté, semble très sûr de lui et prêt à appliquer ces nouvelles lois, comme le baccalauréat de 2021, conforme aux promesses électorales de Macron. Pourtant des comités de luttes étudiantes se structurent, des grèves de professeurs s’organisent
Le 19 et 20 septembre ont eu lieu les premières assemblées générales informatives de la Jeunesse Communiste de Lyon 2, à Bron et sur les Berges. Les étudiants murmurent dans les couloirs… « Est-ce que tu crois que les blocus vont reprendre ? ». Pas sûr, étant donné l’échec évident des grèves sur tout le territoire français. Quel type de mobilisation allons-nous observer ?  Quel est le ressenti de la population universitaire concerné les actions passées ? La communication est-elle coupée entre les différentes institutions ?

 

Les blocus reprennent ?

La spontanéité des luttes étudiantes de novembre 2017 à mai 2018 n’avait pas été accueillie à bras ouverts par toute la classe étudiante. Il reste un goût amer dans la bouche des étudiants en cette rentrée de septembre. L’université avait vite été scindée en deux groupes : les bloqueurs, et les bloqués. « On nous a mis devant le fait accompli, du coup on a commencé à tous se taper dessus » nous confie une étudiante en Master. Du côté des bloqueurs, la déception est présente aussi : « le mouvement d’avant les vacances est retombé comme un soufflet, la lutte n’est pas faite sur le long terme », selon Marie, Jeunesse communiste de la cellule politique du 7ème et 8ème arrondissement.

 

L’optimisme est cependant présent : les étudiants peuvent étudier, et les mobilisateurs réfléchissent aux raisons de leur échec.  « On propose une autre dynamique : pour qu’il y ait lutte, il faut s’organiser. Il faut arrêter la stratégie de l’échec ! ». Selon le comité, il faut faire alliances avec tous les étudiants, « de la Jeunesse communiste ou non, de Lyon 2 ou non », rompre avec la dynamique de l’année dernière, « développer la lutte et se structurer pour prendre l’ampleur ». Il y a un espoir de coordination dans l’équipe, ils veulent se lier à l’échelle locale (avec le comité de lutte de Saint-Genis-Laval), régionale, voire nationale (Strasbourg, Aix-en-provence…).
« Il nous faut aussi plus de revendications ! ». Ah oui ? Lesquelles ?

 

 

Marie, Jeunesse communiste de la cellule politique du 7ème et 8ème arrondissement, discutant avec des étudiants de Lyon 2

« Avant on avait la sécurité d’être accepté, aujourd’hui c’est aux facultés de décider »

 

« Je pense que ces mouvements étudiants sont les bases fondatrices de toutes sociétés démocratiques. Je fais ça par intérêt politique, on ne peut pas tendre vers une privatisation pour des intérêts économiques. Il faut changer tout le système. » – Fabrice, L1 en Institutions et Société 

 

Une cinquantaine de personnes étaient présentes à l’AG de Bron, selon le comité ; une vingtaine seulement sur les Berges selon nos calculs. La plupart sont des étudiants de Licence 1 curieux et concernés, d’autres, des nouveaux étudiants lyonnais intéressés par la cause.
« On faisait partie du groupe militant de Grenoble, du coup cette année je m’intéresse au comité de lutte de Lyon. Leur action l’année dernière est tout de même impressionnante », explique une étudiante en archéologie.

Les revendications sont à peu près les mêmes que l’année dernière. Opposition à la loi ORE, qu’ils jugent sélective, en vue du nombre d’étudiants restés sans affection en septembre. Selon le comité, elle est défavorable à la jeunesse issue des milieux populaires et « fait perdre la valeur égalitaire du baccalauréat ». La réforme du nouveau lycée et du nouveau bac de Jean-Michel Blanquer, testée en septembre 2018 est également critiquée. Ce système « technocratique » a pour risque « d’obliger les élèves à se professionnaliser dès le lycée », et de « casser la mobilité professionnelle et la compensation des matières » selon les Jeunes Communistes (voir).

Un combat social est au cœur des revendications. « On instaure un système d’éducation qui fait de la sélection de classe dès le plus jeune âge ! », continue Marie. Une fois passé le lycée, ce système se prolonge avec l’IDEX et l’augmentation des cotisations de la Contribution à la Vie Étudiantes et Citoyenne. « La CVEC c’est un moyen pour l’État de se retirer des finances publiques ; avec l’IDEX on va privatiser les facultés ; forcer au prêt, et enrichir les banques » renchérit un membre du comité.

 

« On a besoin de savoir comment et surtout pourquoi on se bat »

Qu’en pense le campus de Lyon 2 de tout ça ? D’après les personnes que nous avons rencontrées, professeurs comme élèves, peu de monde savait qu’une Assemblée Générale se tenait.
« Les AG sont inutiles pour les gens modérés », soutient un étudiant en Science de l’éducation. D’autres sont plus ouverts : « Si j’étais plus informée effectivement je serais plus enclin à participer. Sur certains sujets nous ne sommes pas tous d’accord, mais on a tous des intérêts communs en tant qu’étudiants. On a besoin de savoir comment et surtout pourquoi on se bat ».

Berges du Rhône, Lyon 2, entrée principale

Selon Yannick Chevalier, Vice-Président en charge de l’égalité et de la vie citoyenne, « il y a un déficit interne de la représentation institutionnelle. Les étudiants élus ne siègent pas beaucoup, les syndicats étudiants n’ont pas confiance en la figure d’autorité de l’université… Ce qui favorise un dialogue cafouilleux ». Il prend pour exemple la manifestation d’étudiants et de la JC contre la présidence, concernant 20 dossiers sur 1 500 qui furent refusés à Lyon 2 : « Il faudrait parler calmement au lieu d’être agressif, et de cette mise en scène spectaculaire devant les bureaux ».

La méfiance est à double tranchant, la présidence se méfierai autant des étudiants, que les étudiants de la présidence. « Il n’y a pas de discussion, pas de compassion, donc pas de forme. Du coup on a cessé de les contacter » explique Yves. Ce qui ne l’empêche pas de conclure sur une note positive : « Il nous faut du dialogue, de l’antagonisme, il faut prendre conscience de l’espace commun »

 

Créer un espace de discussion dans une crise de représentativité

« L’action principale était juste de bloquer un amphi… c’est dommage ! Il faudrait déterminer un espace de dialogue et de rencontre entre les partis pour ceux qui veulent se concerter. » – Martin, Master en droit

Quand on aborde le sujet d’un espace de dialogue commun, les idées fusent. « On peut agir sur les réseaux sociaux, mais ça ne touchera que les intéressés… » propose un étudiant. Quoi d’autre ? « On pourrait déjà commencer par manifester dans la rue plutôt que dans les Facultés pour ne pas interférer avec les cours », continue son amie. Pas bête… Un Professeur de Lyon 2 rajoute : « Le blocus n’a pas fait bouger l’État. C’était très dur pour le corps enseignant, très stressant, surtout pendant la période d’examen. Du coup, on réfléchissait à une action extérieure, aller expliquer dehors ce qu’il se passe, créer des facultés ouvertes à l’échange ». Plus tard, une étudiante conclue au milieu de son groupe d’amies « On peut faire des réunions mensuelles ouvertes avec tous les partis : étudiants, enseignants, présidents et vice-présidents ». En voilà des idées qui pourront rassembler le corps universitaire autour d’une valeur : le dialogue.

 

 

 

 

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