« Quand je parle d’écologie, on me traite de bobo »

Accélérer l’action dans la lutte contre le dérèglement climatique et préparer la COP21. Le Sommet Climat & Territoires a rassemblé des centaines de participants cette semaine à Lyon. Le LBB s’est glissé dans l’Hôtel de Région où se tenaient les débats avec un objectif : parler des quartiers populaires.

 

Cette semaine à Lyon le Sommet Climat & Territoires rassemblait des collectivités territoriales, des organismes non gouvernementaux et des représentants du gouvernement français. Qualifié d’« étape importante à 5 mois de la conférence de Paris » par le Président de la République François Hollande, ce sommet a permis la multiplication des échanges, le partage de solutions, d’expériences et d’initiatives communes. Dans leur déclaration finale,  les participants au Sommet mondial Climat & Territoires ont affirmé leur « volonté commune de relever ce défi, d’inscrire leur propre action, quotidienne et territoriale, dans une trajectoire de décarbonation de l’économie mondiale ».

« On a réussi à faire bouger les textes »

Lors de ce sommet, chaque participant a pu élaborer des documents participatifs construits en direct et en commun lors des ateliers et des assemblées. Véronique Moreira, vice-présidente de la région Rhône-Alpes chargée de la coopération solidaire, a plutôt apprécié la méthode de travail proposée lors du sommet : « On a réussi à bien faire bouger les textes pour que les décisions soient prises au plus près des territoires par les habitants. Après, il faudra que les gouvernements s’en emparent. Mais ça, ce n’est pas gagné. »

Les questions écologiques ont du mal à passer dans les couches populaires

La question spécifique des quartiers populaires n’était pas la priorité de ce sommet. Les quartiers

C’est une constante dans l’histoire de l’humanité : les premières victimes des crises et de la pauvreté sont les femmes. Elles sont venues se faire entendre leur voix au Sommet. Anne Barre, présidente du WECF une ONG qui fait partie du groupe femme et genre dans le cadre des négociations sur le changement climatique est ici « pour représenter la voix des femmes dans les négociations climatiques. La participation des femmes dans la gouvernance est encore trop faible. Oui a une inclusion très forte des territoires dans les négociations de Paris, mais avec la voix des femmes ».

populaires n’étaient donc pas abordés tels quels, en tant que thématique. Nicolas Vallée, ingénieur à l’ADEME, dont le travail est de créer des outils pour que les villes puissent coordonner leur action contre le changement climatique notamment au travers du label européen Cit’ergie constate : « les quartiers populaires ne sont pas un angle d’attaque prioritaire. On manque de moyens globalement et on ne peut pas aborder spécifiquement cette thématique », déplore le jeune ingénieur. Son employeur, l’ADEME, est co-financeur de l’ONPE (Observatoire Précarité Énergétique). Cet organisme estime que plus de 11,5 millions de personnes ont du mal à se chauffer, soit un français sur cinq. Et cela « touche une large partie de la population. Pas que les chômeurs ou les SMICards », précise M.Vallée. Pas étonnant que les questions écologiques aient du mal à passer dans les couches populaires…

Jean-Paul Bret, maire de Villeurbanne, le concède « l’écologie a souvent été vécue comme une contrainte pour les quartiers populaires, au travers des taxes notamment. » Mais il perçoit une nette évolution « Aujourd’hui, la nécessité d’entrer dans ces dispositifs progresse. Elle est maintenant également perçue par les gens des quartiers populaires. » Présent au titre de l’association des maires des grandes villes de France , l’élu « revendique une certaine exemplarité et un certain volontarisme » dans sa ville :

 

« À Villeurbanne, avec la Métropole, on réhabilite des logements avec des performances énergétiques qui sont de haut niveau à travers d’aides conséquentes. Grâce aux APL dans les quartiers populaires, les loyers sont assez bas et quelquefois les charges sont plus importantes que les loyers eux-mêmes. Quand on fait des travaux, les loyers sont revus, mais le tarif au final est moindre qu’avant ».

Le constat est également nuancé pour Véronique Moreira :

« Je suis écologiste et je vis dans une ville populaire, explique l’élue. Quand je parle d’écologie, on me traite de bobo. Il faut montrer qu’en prônant la transition énergétique, on prône la création d’emploi, des modes de vie plus respectueux des personnes et de l’environnement. La création d’emplois verts, c’est très large et diversifié. Le recyclage des déchets, l’aménagement de pistes cyclables, de transports doux, de bâtiments durables… La transition écologique est facteur d’emploi, mais il faut investir massivement dans ces secteurs ».

à droite, Véronique Moreira, élue écologiste à la région Rhône-Alpes
A droite, Véronique Moreira, élue écologiste à la région Rhône-Alpes

« Accompagner le mouvement aussi dans l’industrie »

« La transition énergétique c’est aussi une transition économique ». Tel est le crédo de Patrice Vergriete, maire de Dunkerque. Pour lui, le climat, c’est « aussi des enjeux sociaux, pas seulement environnementaux ». Il faut « Accompagner le mouvement aussi dans l’industrie », assène l’élu de ce territoire industriel du nord de l’hexagone. Seule ville de France au niveau Gold (excellence) du label européen Cit’ergie avec Besançon, sa commune fait valeur d’exemple. Et l’élu ne manque pas d’initiatives : « on a un réseau de chaleur industrielle que l’on est en train de récupérer et qui va alimenter tout le logement social dunkerquois »

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« Des transports en commun totalement gratuits »

Ce n’est pas dans le logement que se situe l’idée phare du maire nordiste, mais dans les transports. Il a entamé une refonte totale pour un « nouveau système de transport collectif revu et surtout gratuit » :

« Dunkerque sera en 2018 la plus grande agglomération en France et probablement en Europe à avoir des transports en commun totalement gratuits. On anticipe un doublement de la fréquentation ».

Une hérésie pour Jean-Paul Bret, maire de Villeurbanne :

« C’est très hasardeux. Aujourd’hui dans l’agglomération avec le Sytral les usagers payent 30 % du coût du ticket. Le reste est payé par les entreprises à travers le “versement transport” ou par les contribuables. Je trouve qu’on est dans un rapport équilibré. J’attends de voir les résultats, mais je suis dubitatif et je ne pense pas qu’il tienne dans la durée, en matière de rénovation par exemple. »

Véronique Moreira n’est également pas convaincue par l’initiative :

« Je pense que ça ne suffit pas. Le coût n’est qu’une partie de la réponse. Ce n’est pas seulement parce que le transport est cher que les gens ne le prennent pas. C’est aussi parce qu’il n’est pas pratique. J’habite en banlieue. Pour aller dans une autre banlieue juste à côté de chez moi, je dois passer par Lyon. J’ai donc plus vite fait de prendre une voiture. Il faut une stratégie de transports qui facilite leur accès. Train, bus, vélo, il faut conjuguer les transports. En banlieue, on n’a même pas de Vélo’v ! »

Pourtant, Patrice Vergriete maintient que « le système économique est soutenable ». Il entend « le démontrer d’ici 2018 ». Pour lui l’enjeu « n’est pas qu’un enjeu environnemental, c’est aussi un enjeu social de mobilité des populations et de lien social »

« Les pays du sud sont plus impactés par les changements climatiques »

Souvent issus de l’immigration des pays du sud (Afrique, Asie…) les habitants des quartiers populaires, qui sont si solidaires avec leur famille en transférant de l’argent à leurs proches restés au pays, pourraient également réaliser le coût du réchauffement climatique. Selon Véronique Moreira, « les pays du sud sont plus impactés par les changements climatiques du fait que les températures sont plus importantes là-bas et la désertification est très avancée. L’accès à l’eau est une véritable difficulté. La sécurité alimentaire n’est pas garantie. » Le réchauffement climatique devrait ainsi accentuer l’immigration : « Quand on n’a pas de moyen de nourrir sa famille, quand le territoire est complètement délaissé, l’immigration est indispensable à la survie. Le changement climatique aggrave cela. L’immigration doit être un choix de vie. Il faut permettre aux populations de rester dans leur territoire si elles le souhaitent. »

 

Commentaire

Un sommet aux ambitions minimes

« Le défi climatique est stimulant pour l’économie ». Alors que la terre connaît un changement inédit, alors que les pics de pollution se généralisent partout dans le monde de façon inédite, alors qu’il est impossible d’anticiper l’impact de la pollution sur nos organismes et sur la planète, alors que l’on se dirige peut-être vers une catastrophe planétaire, Gérard Collomb, maire de Lyon, pense encore et toujours… à l’économie ! L’écologie apparaît pourtant pour un nombre de plus en plus important de personnes (et surtout de jeunes !) comme une nouvelle utopie concrète, voire une idéologie radicale (on se souvient de la mort de Rémi Fraisse, militant contre le barrage de Sivens). Le concept d’écosocialisme gagne du terrain et fédère à gauche de la gauche, on peut donc regretter le manque d’ambition de ce sommet au final bien trop consensuel.

La rédaction

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