Niels Dalery, traceur philosophe

A 25 ans, le jeune sportif lyonnais s’épanouit dans le Parkour/Free Running, alliant la vitesse du déplacement et la beauté visuelle des figures. Le champion de France de Parkour nous livre sa vision de son sport et des polémiques qui le pénalise. Rencontre acrobatique avec ce jeune homme en quête de liberté.

Niels
Crédit photo : association Jump’In city

 

Si vous ne visualisez pas cette discipline, (re)pensez au film culte Yamakasi. Mais plus précisément, c’est quoi le Parkour, Niels ? « C’est se déplacer d’un point A à un point B de la manière la plus efficace possible, la plus efficiente, c’est-à-dire en consommant le minimum d’énergie. » Quant au Free Running, c’est « une évolution du Parkour qui se caractérise par un déplacement créatif et acrobatique. Il ne s’agit pas forcément d’aller vite mais il s’agit surtout de faire en sorte que ce soit beau, visuel. » Celui qui pratique cette discipline est appelé « traceur ». Avec l’œil vif et brillant d’un passionné, le jeune homme n’hésite pas à comparer cela avec de l’art : « A partir du moment où il y a de la création, il y a de l’art. » L’art du déplacement, plus exactement.

Sortir des conventions

Loin du star system et du sensationnalisme, le coureur trace sa route et sa philosophie avec une âme d’enfant. Dès son plus jeune âge, Niels est attiré par le sport et le goût de l’effort physique. Un an de basket puis c’est la gymnastique qui attire son attention. « A 5-6 ans, j’étais déjà un vrai casse-cou. J’aimais bien bouger, grimper, sauter. La gym me permettait de faire ça… » Explique-t-il. Malgré de bons résultats en compétition,  dont un titre de Champion de France en 1998, Niels se sent à l’étroit dans cette discipline trop encadrée : «  La gymnastique impose trop de contraintes. C’est trop fermé. Il n’y a pas assez d’ouverture artistique.»

Pour nourrir son désir d’expression, Niels se laisse tenter par des sports plus forts en émotions. Il s’adonne alors au BMX, « un sport un peu plus extrême et plus libre » qu’il abandonne assez rapidement. Il se tourne alors vers le skate où la marge de progression « est plus rapide que le BMX, les figures plus faciles à réaliser ». En même temps, il commence à pratiquer ce qu’il appelle le « Street gym », une activité où il reproduit certaines figures de la gym classique dans un environnement urbain. Niels se cherche encore.  Son dynamisme va être brutalement arrêté par une rupture des ligaments  croisés du genou droit. Il a alors 15 ans et sa vie va basculer par la découverte du Parkour et du Free Running.

« Ma philosophie, c’est être et durer »

« J’ai découvert cette pratique, en troisième, un soir à la sortie du collège. Deux amis m’ont proposé d’aller faire du parkour. J’ai immédiatement compris que c’était ce que j’ai toujours voulu faire. »  Un véritable coup de foudre qui le pousse à  pratiquer cette discipline deux à trois heures par jour, mettant en péril ses études : « Je me butais à ça, je pensais à ça matin, midi et soir. »  Lui qui rêvait de devenir ingénieur doit se réorienter vers un BEP électronique qu’il n’arrive pas à suivre. La faute notamment à des absences répétées à cause de son genou. De ces « échecs », il va en tirer une force et un avenir. Désormais, il sait où il veut aller et ce qu’il veut faire. Niels passe alors son BAFA puis enchaîne avec le BPJEPS pendant lequel il projette de créer sa propre association de Parkour, nous sommes alors en 2010. « Tout le monde me disait que ça ne marcherait jamais, que mon activité n’existait pas. » Quatre ans après, son association dispense des cours dans plusieurs communes du département. La demande est telle qu’il n’est pas en mesure de répondre à toutes les requêtes. Un succès dû au travail, à la détermination et surtout à la passion.

Crédit : association Jump'IN city
Crédit : association Jump’IN city

Alors que le monde du Parkour et du Free running est très axé sur la culture internet, et que celle-ci favorise la surenchère, Niels prend le temps de tisser sa propre conception des choses : « Certains vont trop loin. Certains veulent plus prouver aux autres qu’à eux-mêmes. Moi, j’ai une motivation intrinsèque. Ma philosophie, c’est être et durer. » Et de résumer : « Je m’épanouie totalement dans ma discipline sans avoir besoin de me mettre en danger ».  Le jeune traceur lyonnais n’est pas un adepte du jump « one shot », c’est-à-dire le saut qui « passe ou qui casse ». Posé et réfléchi, Niels ne cache pas qu’il y a certainement de la peur derrière sa sagesse, mais aussi et surtout de la conscience.  Il pousse chacun à trouver sa propre philosophie, loin du « qu’en-dira-t-on » : « C’est ce que je dis à mes jeunes : Prenez les bons trucs à droite et à gauche mais ne vous enfermez pas dans une religion qui ne vous correspond pas ».

Une discipline peu organisée et divisée

Niels Dalery Crédit : association Jump'IN city
Niels Dalery Crédit : association Jump’IN city

Contrairement à d’autres pays où cette pratique est très développée, à l’instar des Etats-Unis et du Royaume-Uni, le Parkour français n’est que très peu structuré. Il n’y a pas d’interlocuteur défini rattaché au Ministère des Sports et de la Jeunesse, à l’image de la fédération française de football ou de handball. La reconnaissance de l’Etat vis-à-vis de ce sport est très limité : «  A leurs yeux, c’est limite une activité culturelle et non pas sportive. » Et d’ajouter : « C’est compliqué de ne pas être reconnu. Ca bloque l’évolution du sport. »

Le traceur déplore également une mauvaise  atmosphère au sein de la communauté, notamment générée par « les puristes, ceux qui veulent absolument diviser clairement le free Run et le Parkour. Ils estiment qu’à partir du moment où il y a une figure acrobatique, ce n’est plus du Parkour. C’est trop. »  Cette attitude est principalement tenue par des petits nouveaux dans le circuit. Niels estime lui que « les deux versants de [sa] discipline forment un tout. » Même son de cloche chez les fondateurs, à l’image de David BelleSébastien Foucan ou Malik Diouf.

Niels s’évade de ces polémiques pour se rapprocher de « sa vérité »: « Le Parkour, c’est un retour aux sources. Ça nous permet de nous réapproprier ce que la civilisation nous a enlevé […] Et de donner de la gaîté dans le quotidien par l’amusement et le mouvement ».

Où la réincarnation de l’incantation latine « un esprit sain dans un corps sain… »

Maxime Hanssen

Ex Service civique au #LBB. Diplômé d'une maîtrise d'Histoire après un mémoire de recherche sur l'histoire politique de la Hongrie. Journaliste à Acteurs de l'économie - La Tribune. En formation professionnelle à l'ESJ Lille Pro. Contributeur éternel au LBB et citoyen européen.

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