Mode : La banlieue a du style

Une association qui rassemble créatrices, stylistes et maquilleuses de ur banlieue lyonnaise s’engage à désenclaver et décomplexer des talents en manque d’exposition. Creamod and Design est une nouvelle alternative vers la valorisation de cette activité. Découverte.         

La mode fait rêver, mais permet aussi de briller. Ce secteur est un florilège d’activités professionnelles et de vocations qui traîne de lourds préjugés : élitisme, égocentrisme, écoles trop onéreuses…

Malgré un marché de l’emploi en berne, on note un certain dynamisme dans le secteur de la mode en dépit de difficultés d’accessibilité. D’après le site Direct Etudiant « l’industrie du prêt-à-porter comptait en 2010, 70 000 emplois avec un chiffre d’affaires de 12 milliards d’euros et en 2011, 130 000 emplois en France, ainsi qu’une augmentation de 7 % des exportations. »

En pleine ru00E9union_1

Les cursus et les écoles de mode se sont multipliés à Lyon, l’une des grandes capitales du tissu et de la soie dans le monde. On trouve aussi des structures comme Le village des créateurs fondé en 2001 à l’initiative de la mairie de Lyon. Il permet de propulser des talents. C’est aussi une communauté invitant à la coproduction.

Révéler la création en banlieue

Dans la périphérie lyonnaise, on voit les grandes boutiques sur les grandes avenues du centre-ville comme un mirage. C’est un complexe accentué par les inégalités sociales et la crise. Cependant, les actrices de la mode et du stylisme foisonnent. Il faut bien le noter, en banlieue, la majorité est représentée par la gent féminine. Ces femmes mettent à contribution leurs talents à l’occasion des mariages, de plus en plus souvent en tant qu’auto-entrepreneuses. Réseaux sociaux ou sites internet, leur communication est pensée. Le bouche-à-oreille d’un HLM ou d’un quartier à l’autre reste toutefois de mise. Ces stylistes, coiffeuses, maquilleuses ou conseillères en image en quête d’une véritable reconnaissance professionnelle présentent des cahiers des charges précis et des tarifs plus attractifs qu’en boutique.

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Patronne de HC création, Hayet indique : « Pour une robe de soirée sur mesure lors d’un mariage, on part sur 300 à 800 euros. Le prix d’une robe de mariée sur mesure varie entre 600 à 1500 euros. Tout dépend du tissu utilisé et de la manière dont il est travaillé. »

Sa clientèle issue de communes comme Vénissieux ou Vaulx-en-Velin « sait déjà ce qu’elle veut contrairement à celles qui se rendent dans les boutiques du troisième arrondissement par exemple. Elles viennent déjà avec un budget. Cependant, on ressent une nette régression, les gens sont plus réticents lors des salons du mariage. La crise est passée par là ! »

Cru00E9ation de HC Cru00E9ation

Lauréat de l’audace artistique et culturelle remise des mains de François Hollande, Jawad Bensalem (18 ans) est la touche masculine de l’équipe. Il note : « La femme est demandeuse. Elle veut prendre plus de place et ne plus être celle qui portait les tenues basiques que l’on voyait avant. Il lui faut du choix. Cela est dû au fait que les femmes ont désormais plus de pouvoir et de notoriété. »

Un projet social et artistique

L’association Créamod and Design a vu le jour il y a quelques semaines. Sa fondatrice, Ouafa Ghrissi (37 ans) a ainsi amorcé une démarche fédératrice sur les réseaux sociaux. Elle compte rassembler le plus de talents possible dans la banlieue lyonnaise pour organiser des évènements et participer à des projets artistiques (défilés, galas, showrooms…).

logo de creamod« Je me suis rendu compte que ces nombreuses créatrices produisaient un excellent travail, explique-t-elle. Il fallait donc les aider pour ensuite ouvrir un pont entre créateurs et professionnels. Elles viennent de bords différents : il y a des mères de famille, des jeunes femmes diplômées et avant tout des passionnées. Certaines ont appris la couture avec leur mère et ont acquis de véritables techniques de création. »

Elle insiste sur l’enjeu d’un projet qui selon elle devrait leur permettre d’exposer leur talent en centre-ville et au-delà. L’aspect commercial, la communication ou la promotion sont au centre des discussions. Pour ces créatrices et stylistes, c’est le col le plus difficile à grimper…

Le dimanche 18 janvier dernier, une dizaine de ces professionnelles et un jeune créateur masculin issus de la banlieue lyonnaise étaient invités pour la première fois au Château de Sans Souci à l’initiative de Creamod et design. Des échanges ont permis de mettre en commun les objectifs et tracer des perspectives. Unanimement, elles revendiquent l’importance d’obtenir le soutien d’institutions comme la Région Rhône-Alpes ou encore la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles).

© Photo de Gérard Christon
© Photo de Gérard Christon

Sofia Elbo, patronne de Sofia Relooking Make Up est une conseillère en image et maquilleuse résidant à Saint-Priest. Elle perçoit une possibilité de « s’épanouir lors d’un évènement qu’on peut monter collectivement pour le faire découvrir à la Région. On vit dans un monde où l’image est très importante. Selon les spécialistes de la communication, elle prime à 58 %, notamment dans un entretien d’embauche alors que le verbal prendra une part de 8 %. Il faut jongler avec la gestuelle et l’apparence pour permettre de rentrer dans le cadre de notre société actuelle. Mais au niveau des attitudes il n’y a pas de différences entre la banlieue et le centre-ville. »

Parmi les nombreuses marques représentées, Alysha Make Up, HC création, l’éclat de rose ou A vos souhaits création font partie de ces nouvelles références de la mode en banlieue lyonnaise. Leur démarche apparaît comme une nouvelle vision de l’ouverture vers l’emploi.

Mohamed Braiki

Natif de Lyon et enfant des Minguettes, je suis diplômé de Lettres de la Fac de Lyon 2 et l’EFAP Rhône Alpes. J’ai roulé ma bosse dans des rédactions lyonnaises comme la radio Lyon Sport 98.4, Le Progrès, Foot 69.fr, Tribune de Lyon et Lyon Capitale. braikimohamed@yahoo.fr

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