Les Maliens se lèvent pour leur pays

L’Union Européenne a annoncé débloquer 20 millions d’euros pour aider à la stabilisation du Mali, le vendredi 15 février dernier. Nous sommes allés à la rencontre d’une association locale de soutien qui s’est créée en 2012 : le Comité Malien du Rhône Alpes (CMRA). Le président de la structure, A. Alfadoulou et le secrétaire aux relations extérieures, M. Amara nous présentent la situation de leur pays d’origine.

Mali infographie figaro

Infographie : Le Figaro

 

Cet article est le deuxième sur la situation malienne. Retrouvez le précédent.

 

Comment est né le CMRA et quelles sont vos actions ?

A. ALFADOULOU : Suite à la crise que traverse le Mali nous avons crée une structure dans le but de résoudre les grands problèmes du pays, dont les violences actuelles. Nous organisons des actions comme des marches, conférences et manifestations comme celle du 2 Février à la place de l’Hôtel de Ville pour apporter des clés de compréhension à l’opinion publique française et internationale.

M. AMARA : Nous avons été touchés tous les deux par ce que notre communauté vit aujourd’hui. Nous sommes tous les deux originaires du Nord du pays. Le Mali est une nation de vivre ensemble que des façons de faire obscurantistes sont venues détruire.

Pouvez-vous nous expliquer la situation actuelle au Mali ?

A. : La base du problème est le MNLA, qui n’est pas majoritaire au sein du peuple Touareg. Des survivants sont allés se réfugier en Libye pour intégrer la légion islamique de Kadhafi. Ce dernier leur avait promis de les aider à obtenir la reconnaissance d’un Etat sahélien au Mali. Et lors du renversement du régime libyen en 2011, le MNLA a utilisé les ressources balistiques modernes de la Libye pour organiser le soulèvement.

Il y a également les djihadistes à prendre en compte : composés de l’Aqmi (Al Qaida du Maghreb Islamique) et d’Ansar Dine (Défenseurs de la Religion en arabe) ainsi que le MUJAO (Mouvement pour l’Unicité et le Djihad en Afrique de l’Ouest).

Les survivants de la dissolution d’Al Qaida se sont installés au Mali car ils pensaient y trouver un terreau favorable du fait de sa richesse et de sa position géographique. Ils utiliseront le Mali comme territoire miliaire convenable car il est facile d’aller au Sénégal ou en France depuis ce pays. C’est une zone vaste qui a une porte sur de nombreux Etats comme la Libye, le Tchad, le Sénégal et l’Algérie. Et c’est un endroit riche en ressources naturelles.

Qu’est ce qui rend les islamistes et le MNLA unis encore aujourd’hui malgré les failles de ce dernier (voir également article précédent) ?

M: C’est l’intégrisme religieux qui les soude. Ils appliquent le wahhabisme, ce que le Mali n’a jamais connu. Je trouve que c’est de l’obscurantisme, personne ne peut accepter de se faire couper le bras pour vol. Beaucoup d’habitants ont migré vers le Sud. Ces attaques font partie d’un phénomène mondial, cela ne touche pas que le Mali.

: Ils utilisent la notion d’impérialisme occidental pour justifier leurs actions. Ils veulent utiliser l’Afrique Noire qu’ils considèrent à majorité musulmane (90% de musulmans au Mali). Ils ciblent ce cœur historique, d’où ont été crée de nombreux empires, pour ensuite toucher des périphéries.

Mali cmra manif 1

Photos : CMRA

Et l’Algérie dans tout ça ?

: On ne peut résoudre le conflit actuel sans impliquer l’Algérie. Il ne faut pas des accords de complaisance comme cela fut le cas à Tamanrasset en 1991 ou en 2006 à Alger. Mais des accords concrets avec la mise en place d’un dispositif militaire, un contrôle des frontières et la connaissance de l’un et de l’autre. Après la Seconde Guerre Mondiale, il y a eu une coopération entre la France et l’Allemagne pour se reconstruire et obtenir une force grâce aux collaborations pour combler les manques. C’est la même situation dans notre cas, le Mali seul ne peut rien faire face à ce problème.

: L’Algérie a eu, depuis notre indépendance, de très bonnes relations. D’ailleurs on le voit avec un nombre important de bourses données par cet Etat aux étudiants maliens. Nous avons plus de 1 376 km de frontières communes. Lorsqu’il y a un problème de banditisme chez l’un, cela influe sur l’autre. L’origine des mouvements islamistes d’aujourd’hui vient de l’Algérie. Elle a des liens avec le Mali, plus que n’importe quel pays arabe. De même, le seul organe consulaire à Gao est celui de ce pays. C’est aussi une zone d’investissement. D’ailleurs lorsque l’on ne trouvait pas à manger, on prenait du couscous ou des pâtes algériennes ! Politiquement, humainement et économiquement, l’Algérie est le plus à même d’intervenir, je ne comprends pas son immobilisme.

Que pensez-vous de l’intervention française au Mali ?

A : L’ensemble des Maliens, et même des Africains veulent cette intervention (le président de l’Union Africaine alors en fonction, Thomas BONI YAYI s’est dit « être aux anges » le 11 Janvier 2013). C’est une action militaire également légitimée par la résolution 2085 de l’ONU (Organisation des Nations Unies) avec ces buts précis que sont la libération du Nord Mali et la défense de l’intégrité nationale. La France, ce pays des Droits de l’Homme, intervient seulement pour stopper ce phénomène de bras coupés pour des vols, de libertés individuelles foulées au pied (interdit d’écouter la radio, etc.), ces massacres d’enfants, ces pillages d’hôpitaux et ces viols. Il faut dans ce cas être un diable pour reprocher à la France d’intervenir dans cette situation où des êtres humains sont en train de mourir ou se font humiliés. Cela donne un aspect moral, humain et social à cette action, dès lors légale. A mon avis, ce pays a l’obligation d’agir pour ses ressortissants français et pour l’humanité.

M : On ne peut parler de démocratie quand un Etat est coupé en deux. Nous vivons les choses, certes à distance, mais de façon permanente. Ce sont nos parents qui ont été soumis de force sans accord tacite à cette loi du plus fort. On peut le voir à la TV ou bien en écoutant à la radio, les populations sont heureuses d’être libérées de ce fardeau de l’intégrisme. Ceux qui critiquent cette action en parlant du spectre de la Françafrique ne mesurent pas la crise locale. Certes, il y a toujours des risques, mais cette intervention mérite d’empêcher le Mali de sortir de la carte. De plus, cela fait dix mois qu’il y a des négociations avec l’Union Africaine qui sont demeurées infécondes. Je préfère cette alliance avec la France où je peux négocier contrairement à la situation avec ces milices installées au Nord qui refusent le dialogue.

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Et quels sont vos espoirs pour le futur ?

M : Il faut que cette intervention réinstalle la démocratie au sein du Mali. Pour se faire, nous avons besoin d’une importante formation militaire car on a vu les nombreuses faiblesses du corps militaire malien, nous devons également rétablir des élections libres. Mais il faut également faire revenir l’administration dans ces trois régions (Kidal, Tombouctou et Gao) qui portent les deux tiers du Mali, que la police revienne, les préfets aussi, etc. Il faut pour cela des projets à long terme. Il faut aussi une justice sociale où toutes les personnes qui ont commis des actes délictueux soient traduites au tribunal.

Cette intervention doit permettre aux maliens de se retrouver pour discuter et fassent des projets ensemble. Au sein du CMRA, nous avons aussi des Touaregs, ce qui est important à traiter c’est le désaccord avec les rebelles qui ont pris les armes.

A : Que la France continue ses actions jusqu’au bout, il ne faut pas que des détracteurs pseudos humanistes l’en empêchent. Elle ne doit pas se subsister à notre Etat mais travailler avec les autorités maliennes en s’appuyant sur les volontés populaires, avec des conditions de vie équitable et un ordre constitutionnel normal. Que seul le droit l’emporte.

 

 Pour plus d’informations sur le collectif  CMRA

 

Contenu associé : Retour sur la situation malienne avec M. Alfadoulou

Sofia Azzedine

Etudiante à l'Institut d'Etude du Développement après un parcours du combattant passé dans les méandres de la Science Politique, entre la Sociologie et le Journalisme et les Langues Etrangères. Je souhaite toujours explorer ces banlieues plurielles méconnues et mal traitées pour jeter au sol ces préjugés. Tout cela, pour éluder toute l'humanité vivace qui existe dans ces régions de la différence et de l'indifférence et faire parler cette jeunesse silencieusement bavarde.

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