Anxieux, confus, il reste pourtant calme. Quelques jours plus tôt, Antoine* a poussé sa femme vers une porte, avant de dégrader son téléphone, le tout devant les yeux de ses enfants. Il était jugé, ce mardi 9 juillet, au Tribunal de Grande Instance de Lyon.
Fait trompeur: les rangs des visiteurs de la salle des comparutions immédiates sont presque vides, tandis que la présidente et le procureur semblent plutôt détendus. Pourtant, le cas présent d’Antoine et son épouse est sensible. Retour sur une dispute conjugale qui soulève plusieurs questions.
«Sors de la maison ! »
Un dimanche soir, aux alentours de 21h50. L’épouse d’Antoine, Juliette*, prépare le dîner dans la cuisine : des sandwichs pour ses filles, de la semoule pour son mari. La famille commence à dîner lorsque, soudain, une dispute se crée : la plus jeune fille souhaite manger la semoule de son père, ce que Juliette interdit strictement. « C’est moi qui décide ce qui mange quoi ! », explique-t-elle. Antoine, d’un avis différent, contredit son épouse en haussant le ton de sa voix. La dispute se déplace dans la salle à coucher. Et y dégénère. « Sors de la maison !», crie Antoine en saisissant sa femme au niveau du bras. Il la pousse, ensuite, contre la porte vitrée du salon qui se brise sous son poids. Très vite, Juliette s’aperçoit que son poignet droit saigne. « Toi, tu es un monstre !», s’exclame-t-elle, avant de tenter de filmer la scène avec son téléphone. Indigné, Antoine le lui arrache puis le projette au sol, causant la casse de celui-ci. Juliette ne voit qu’une issue : appeler la police. Dès la fin de l’appel, elle fonce au commissariat pour poser plainte, puis à l’hôpital. Des morceaux de verre sous les pieds et une plaie au poignet, d’une profondeur d’un centimètre, sont observés par les médecins. Conséquence : trois jours d’incapacité à travailler.
« J’ai été victime de violence conjugale à plusieurs reprises »
Antoine semble abattu, deux jours plus tard, dans le box, à l’écoute de ces accusations. Même la présidente se permet de constater qu’il y a « une grande différence entre l’homme d’aujourd’hui et celui-ci qu’on peut se représenter ce jour-là. ». Lentement, le quadragénaire se met à parler : pendant les heures du midi, il aurait déposé sa femme et ses enfants à la piscine, à Saint-Priest, avant de rentrer bricoler à la maison. Tout le monde aurait passé une « bonne journée », selon lui, jusqu’au dîner durant lequel la dispute s’est produite. L’évocation de cette dernière, cependant, ne revient pas très souvent dans son discours. Beaucoup de mots sur cette belle journée, peu sur la violence qu’il a employé, le soir-même, face à son épouse. Ce dont s’aperçoit aussi la présidente. « Est-ce que votre comportement est une manière habituelle de se conduire? Dès qu’on est contrarié ainsi, de se montrer violent ? », insiste-t-elle sévèrement. « Non. », répond le chauffeur-livreur laconique. Son comportement sensé lors de l’audience est cohérent avec l’enquête menée auprès des voisins de la famille, présentée ensuite par son avocate. Selon celle-ci, le voisinage n’a jamais entendu de disputes ni de violences au sein du couple par le passé. Pourtant, le procureur évoque des éléments qui contredisent cette version : en arrivant au commissariat, la femme d’Antoine avait déclaré avoir été « victime de violence conjugale à plusieurs reprises ». Ça ne serait pas pour la première fois que son mari se montre violent à son encontre.
Moins d’une victime sur cinq dépose plainte
Après les précédents actes de violences de son mari, Juliette affirme donc ne jamais avoir contacté les services de police. Elle n’est pas la seule : en 2017, 219 000 femmes majeures déclarent avoir été victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint sur une année. Mais moins d’une victime sur cinq a déposé plainte, selon la lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes. D’après les associations, un nombre croissant de femmes victimes de violences conjugales ont, cependant, décidé de quitter leur domicile. Signe d’un fort besoin d’aide et de protection contre les actes violents dont les femmes restent toujours les plus concernées.
Une baisse de subventions qui inquiète
Dans ce contexte, la décision du gouvernement, prise au cœur de cet été, de baisser les subventions pour les antennes locales du Planning familial en Auvergne-Rhône-Alpes peut surprendre. L’association dénonce cette réduction de 30 % de leur financement (soit 43 438 € de moins en 2019), dédié à l’accueil des femmes victimes de violences dans plusieurs départements. Dans le Rhône, cette décision intervient alors que la situation est déjà très tendue : « On voit au quotidien qu’on n’arrive pas à couvrir les besoins existants, il y a toujours autant à faire », confiait à France Inter Fanny Lelong, chargée de développement associatif au Planning familial. Les perspectives annoncées pour les prochaines années sont encore plus inquiétantes.
Un cas parmi de nombreux autres
Quatre mois d’emprisonnement avec sursis : telle est la décision du tribunal, ce mardi 9 juillet, concernant les actes violents d’Antoine. Le quadragénaire sera également obligé de suivre pendant six mois un stage de sensibilisation aux violences conjugales. Le cas d’Antoine et Juliette n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres, pour lesquelles les permanences d’accueil du Planning familial ouvrent régulièrement leurs portes, afin de proposer des suivis de conseil conjugal et familial au quotidien. Un suivi qui sera, cependant, plus difficile à l’avenir.
AU SUIVANT !
*prénom modifié