Rafika et Paolo sont partis en Tunisie depuis octobre 2011. Ils racontent ici leur épopée, et nous livrent, à travers celle-ci, l’ambiance du pays, près d’un an après sa révolution.
Comme dans toute aventure humaine, celle que nous vivons est parsemée de rencontres, d’épisodes parfois difficiles, parfois cocasses, en particulier à Sidi Bouzid.
Récemment, en arrivant à Sidi Bouzid, nous nous retrouvons à devoir nous enregistrer auprès de la garde nationale car nous logeons dans une auberge publique (un vestige du benalisme nous apprend-on). De ce bureau où nous devons décliner notre identité, il ne restera plus rien quelques heures plus tard. Les flammes se sont emparées des lieux, à l’instar du palais de justice, emportant avec elles des secrets encore bien gardés.
C’est au petit matin, via l’appel d’un ami de Tunis, inquiet pour notre sécurité, que nous apprenons que la cité est sous couvre-feu militaire ! Impossible alors de quitter la ville tout comme il était interdit de sortir après 19h. Nous venons à peine d’arriver ! Même chose à Gafsa, deux semaines plus tard lorsque nous décidons de rendre visite à un ami. Le soir de notre départ, un autre ami, encore inquiet de notre situation nous appelle pour savoir si tout va bien. Il y a eu des émeutes à Gafsa. La raison ? L’injuste répartition des richesses issues de l’extraction des matières premières de la région. Un autre couvre-feu est décrété dans cette ville située à une heure de Sidi Bouzid.
Bien sûr nous ne vivons pas toujours des situations comme celles-ci d’autant plus que les habitants continuent à vivre leur vie sans tenir compte de ces interdits. Une fois même, alors que nous étions assis à la terrasse d’un café, nous entendons des rires moqueurs émanant de toutes parts. Les jeunes autour de nous, tout en sirotant leur verre, éclatent de rire à l’arrivée des militaires dans la ville, un tank passe devant nous, comprenant ainsi que le couvre-feu va débuter.
Je comprends mieux alors comment des jeunes de 20 ans à peine ont décidé de braver la police durant les soulèvements qui ont amené la révolution de décembre dernier. La peur n’est plus dans les esprits, elle a été remplacée par une défiance à l’égard de ce qui peut symboliser l’autorité. Dans une ville non loin de Sidi Bouzid, les habitants ont chassé l’administration et surtout la police. Ils vivent en autogestion depuis un an. Il n’y a plus de service public, plus de mairie. Le commissariat a été transformé en sorte de musée dédié à la révolution et aux martyrs. C’est le nom donné à ceux qui sont morts durant les premières semaines de répression. Soit près de deux cents Tunisiens, dont en très grande partie des jeunes.
A Sidi Bouzid, la vie a repris son cours et les habitants sont toujours en attente d’un changement qui viendrait du haut, concédant qu’il faut lui laisser du temps pour réformer le système.
Mais déjà la ville s’affaire à tous les échelons pour préparer les premières commémorations de la révolution. Le 17 décembre prochain marquera alors le premier anniversaire de la révolution tunisienne, dont les retentissements ont largement dépassé les frontières du pays.
Journaliste : Rafika Bendermel