Le débat sur le voile intégral suscite toujours beaucoup de polémique et de réactions. Rencontre, à Villefranche sur Saône, avec ces femmes qui portent la burka.
Le lieu de rendez-vous se situe dans l’appartement de Nabila. Dès mon arrivée, l’une d’entre elles me pose la question : « Tu crois que la loi va passer ? » Je lui réponds que « le caractère sacrée d’une loi réside dans le fait qu’elle a une portée générale, qu’elle ne créée pas de distinction entre les citoyens ». Mais là, j’ai des doutes.
Les six femmes présentes semblent très inquiètes sur le sujet. Elles s’informent, contrairement à ce que beaucoup pensent. On me parle du discours de Nicolas Sarkozy disant que la « burka » n’a pas de place sur le territoire national, qu’elle est contraire aux valeurs de la république. Elles ont l’impression d’être les laissées pour compte. Sofia me sert une tasse de café accompagné d’un assortiment de gâteau. Je les laisse parler. Je sens qu’elles en ont gros sur le cœur.
L’une d’elles, Samira, me dit qu’elle a peur de sortir parfois car il arrive que certaines femmes portant le voile intégral soient victimes d’agression.
» Une fois, je me baladais en ville, pour faire des courses. Je portais un long voile qui ne cachait pas mon visage. Deux hommes en voiture s’arrêtent à ma hauteur. Ils me lancent un « rentre dans ton pays « . J’ai senti la haine chez ces personnes à qui je n’avais causé aucun tord. Je leur réponds » c’est ici mon pays « . Ma réponse n’a pas dû leur plaire car l’un des deux me crache dessus « confie Samira, caladoise âgée de 25 ans.
» Je faisais des courses dans un supermarché avec mon mari et mes enfants. C’était au début de la polémique sur le voile intégrale. Tous les yeux étaient posés sur moi. Je ne comprenais, j’ai toujours fait mes courses dans ce supermarché, vêtue d’un sitar (voile qui cache le visage) je n’ai jamais eu de problème. J’ai commencé à me sentir oppressée, j’étouffais. J’ai dit à mon mari que je voulais m’en aller. Il m’a rassurée en me disant je ne devais pas me soucier des autres, que je ne faisais rien de mal. Une dame assez âgée me dévisageait tellement que je lui ai demandé s’il y avait quelque chose qui cloche. Elle m’a répondu sur un ton sec : » Ne m’adressez pas la parole. Je ne parle pas à des gens comme vous « . J’ai craqué et suis partie laissant mon chariot. Depuis, je sors le moins possible, c’est mon mari qui fais les courses le plus souvent » témoigne Malika, 26 ans, caladoise également.
» Si cette loi passe, je ne sortirai plus, c’est sûr ! « annonce Samira. Les autres femmes hochent la tête en signe d’approbation.
Auteur : Rafika Bendermel