Depuis janvier 2019, les pistes cyclables ont fleuri à Saint-Fons. Les travaux avaient été annoncés par la maire pour la nouvelle année. Ils seront financés par l’ANRU (Agence Nationale pour le Renouvellement Urbain). Mais la pratique du vélo à Saint-Fons s’est-elle vraiment démocratisée ?
C’est dans le dernier magazine municipal que la maire, Nathalie Frier (Divers Droite), a annoncé la nouvelle. « L’ANRU a accordé 42,68 millions d’euros pour le grand projet Arsenal/Carnot/Parmentier » qui devrait coûter 180 millions d’euros au total. La mesure phare de la mairie ? La transformation du quartier Carnot-Parmentier en un Écoquartier. Ces financements participeront à l’amélioration de la qualité de vie des Saint-foniards. Parmi ces travaux sont également prévus deux mesures qui devraient rendre la ville plus sûre pour les usagers de la route les plus vulnérables. Pour augmenter la sécurité des piétons et des cyclistes c’est l’aménagement de pistes cyclables et la baisse de la vitesse de circulation à 30km/h dans le centre-ville qui sont au programme.
Un pas en avant pour le cyclisme…
L’aménagement de pistes cyclables à Saint-Fons est un véritable pas en avant pour la communauté cycliste. La ville est peu adaptée à ce mode de locomotion et ces travaux devraient encourager la pratique du vélo. Dans le magazine municipal, la mairie mettait en évidence sa volonté de porter une attention particulière à « la nature […] et aux modes de déplacement doux. ». Les vélo-tafeurs et autres cyclistes du dimanche pouvaient ainsi espérer des axes les plus fréquentés de la ville qu’ils soient aménagés par la mairie. L’axe Lyon Saint-Fons est particulièrement utilisé par les personnes travaillant à la métropole, mais aussi à l’inverse, par les Lyonnais se rendant à Saint-Fons ou à Vénissieux. Le centre-ville est un lieu de passage pour les cyclistes, et les deux axes les plus empruntés pour traverser la ville que ce soit en vélo ou en voiture, sont l’avenue Gabriel Péri et l’avenue Carnot. L’avenue Carnot possède un aménagement minime à destination des vélos, avec sa bande cyclable. Mais ce n’est pas le cas de l’avenue Gabriel Péri, particulièrement dangereuse.
… Trois pas en arrière pour le pragmatisme
La mesure ne concerne toutefois que les routes à sens uniques. Des aménagements qui ne seront pas utiles à Laurie, fraîchement installée à Saint-Fons. « Je suis actuellement à la recherche d’un emploi à Lyon. Je retape un vélo pour en faire usage quotidiennement dans mes déplacements vers mon futur travail. » explique-t-elle. Elle voit le vélo comme une véritable alternative aux bus à Saint-Fons, qui sont trop « bondés » pour elle. Elle favorise ce moyen de locomotion, plus propre que les engins motorisés « qui puent et qui polluent. ». Le nombre de cyclistes à Saint-Fons est faible mais il existe bien une demande en matière d’aménagements sécurisés menant vers les grandes villes alentours. Pour les cyclistes saint-foniards travaillant dans une ville voisine, l’enjeu est ailleurs et il serait dans leur intérêt d’aménager les voies. Mais pour Laurie, « Saint-Fons n’est pas une ville adaptée à la pratique du vélo. ». Après s’être aventurée dans les rues saint-foniardes avec le vélo de son frère, elle a constaté « l’absence d’aménagements cyclables. ». Elle affirme : « les trottoirs sont trop petits pour pouvoir y rouler et sur la chaussée on se fait facilement klaxonner. Et puis certaines routes sont vraiment défoncées. »
Avec ces travaux, le nombre de kilomètres cyclables de Saint-Fons augmente. Ces pistes cyclables rendront probablement la ville plus attractive sur les plaquettes d’informations. Mais dans les faits elles ne participent pas à la sécurisation des déplacements des saint-foniards vers les villes voisines dans lesquelles beaucoup de saint-foniards travaillent. En 2015, selon une étude menée par l’INSEE, 76,7% des actifs saint-foniards de 15 ans ou plus travaillaient dans une autre commune que Saint-Fons. La mobilité est donc un enjeu non négligeable pour les habitants. (Sources : Insee, RP2010 (géographie au 01/01/2012) et RP2015 (géographie au 01/01/2017) exploitations principales.)
« Ce n’est pas un effet de masse mais il y a eu une évolution de la pratique du vélo à Saint-Fons »
L’association Janus, localisée à Vénissieux, est intervenue sur le territoire de Saint-Fons dans le cadre d’actions ponctuelles entre 2015 et 2017 notamment. Pour Rodrigue Yao Ogoubi, président Fondateur de Janus France, leur association « a touché des personnes individuellement ». Il affirme : « des gens se sont mis au vélo parce qu’on les a accompagnés. Ce n’est pas un effet de masse mais il y a eu une évolution de la pratique du vélo à Saint-Fons. ». Ils ont entre autres, réalisé un partenariat avec le Centre Social Arc-En-ciel au cours de cette période. L’organisation de cet atelier a permis à un groupe d’habitantes de la commune de Saint-Fons d’apprendre à faire du vélo.
Rodrigue affirme que « les problématiques de cette ville sont nombreuses ». Selon lui
« Quand on en vient à la pratique du vélo à Saint-Fons, on sent bien qu’il y a un sentiment général d’insécurité. La ville fait des efforts, réalise des aménagements mais il manque une chose. On pense personnellement que dans une ville, pour donner envie et encourager la pratique, il faut organiser des évènements autour du vélo. On pousse la ville de Saint-Fons depuis quelques temps à participer à la Convergence Vélo. Cela nous parait très important pour « montrer » ce moyen de transport… »
« Si les aménagements le permettaient, beaucoup oseraient faire ces trajets en vélo »
Rodrigue Yao Ogoubi nous explique : « Depuis l’année dernière nous menons une action coordonnée avec la métropole et les entreprises de la Vallée de la Chimie. On intervient en tant qu’association pour montrer que les déplacements à vélo doivent être facilités ici. On essaye de montrer qu’il y a une réelle volonté des gens qui habitent Saint-Fons de se déplacer en vélo mais qu’on ne leur en donne pas les moyens. Plus de la moitié des personnes résidents à Saint-Fons travaillent en dehors de leur commune et à des distances tout à fait parcourables en vélo. Si les aménagements le permettaient, beaucoup oseraient faire ces trajets en vélo. ».
« Notre association avait également était appelée à participer à la mise en place d’un projet sur la ville de Saint-Fons. Le projet Pandora. Constatant la précarité énergétique de certains foyers, on voulait de nous qu’on les accompagne dans la réduction de leur consommation d’énergie. Pour cela, nous voulions évidemment valoriser la pratique du vélo comme moyen de moins consommer de carburants et donc d’énergie. Beaucoup de saint-foniards utilisent la voiture pour se déplacer d’un point A à un point B de Saint-Fons, là où le vélo serait une solution plus économique. Au final, ce projet ne s’est pas réalisé car certains acteurs préférant favoriser l’usage de la voiture, se sont opposés au fait que le vélo puisse être une solution.»
Travaillant également sur le territoire de Vénissieux, Rodrigue compare les deux villes. Selon lui « la différence majeure entre les deux villes, c’est l’aménagement cyclables. Vénissieux possède un réseau d’aménagement plus fourni et beaucoup plus détaillé que Saint-Fons. ». Mais, ajoute-t-il : « les deux villes possèdent un point commun majeur : c’est la difficulté à identifier, pour les cyclistes, des entrées et des sorties de la ville qui soient sécurisées. »
Des ateliers réparation de vélos pour encourager la pratique
Romain et Noémie de l’Espace Créateur de Solidarité (ECS) de Saint-Fons sont les initiateurs de l’atelier vélo. Ils se réunissent depuis début janvier, tous les 1ers et 3èmes mercredis du mois au 51 rue Emile Zola. Leur objectif est de rapprocher leurs actions de celles menées par l’association Janus dans le sud lyonnais. Ils sont au premier rang pour percevoir les difficultés que les Saint-foniards affrontent au quotidien. C’est plus particulièrement dans le Quartier Prioritaire de la Ville (QPV) de l’Arsenal qu’ils concentrent leurs actions. Leur association se donne pour mission de favoriser l’insertion sociale des populations les plus isolées de Saint-Fons via l’Épicerie Solidaire Casaline mais aussi grâce à l’organisation d’activités diverses et variées. Parmi elles, les ateliers vélos. Ils ont lieu dans un appartement de quelques mètres carrés aménagés pour recevoir également les ateliers coutures. « Un local qui peut accueillir 10 personnes, tout au plus » affirme Noémie. Eux-mêmes cyclistes, ils se sont dit que la mise en place d’ateliers de réparations de vélos pouvait être un nouveau moyen de créer de la sociabilité dans le quartier.
Mais il faut se rendre à l’évidence, la communauté cycliste de Saint-Fons reste très peu développée. Romain affirme :
« Mis à part un peu de vélo loisir, la pratique du vélo à Saint-Fons est quasi inexistante »
Lors des ateliers de réparations, les mamans défilent pour réparer le vélo de leurs enfants. Massan habite à l’Arsenal. Vendeuse à domicile et mère d’une enfant de 12 ans, elle nous confie les craintes de sa fille. « Il y a un an, elle a voulu avoir un vélo. Elle était tellement heureuse qu’elle a voulu revenir depuis Part-Dieu jusqu’ici. Et moi, je marchais derrière elle. » dit-elle en riant. Mais depuis, son vélo reste bien souvent au placard.
« C’est très difficile de faire du vélo ici. Ma fille, elle a peur. Il n’y a pas de pistes cyclables et les voitures, les motos roulent très vite. Elle n’utilise presque pas son vélo. »
Pour Naïma, maman de trois enfants, ces ateliers « c’est une super initiative, il n’y a pas à dire. ». Quand elle nous parle des aménagements cyclables à Saint-Fons, elle ne cache pas son mécontentement. « Mon fils roule sur le trottoir parce que j’ai trop peur à Saint-Fons. Il n’y a pas de pistes cyclables et quand il y en a les gens ne les respectent pas. ». Elle se réjouie de l’aménagement d’une piste cyclable au niveau de la rue Jean Macé et explique : « c’est une rue qu’on prend mais seulement l’été, pour se balader tous ensemble vers le hall des fêtes. ». Mais son message reste clair : « Ça serait bien qu’on ait plus de pistes cyclables pour être en sécurité ! ». Le sourire aux lèvres, elle reste optimiste. Son mot de la fin ? « Bravo pour l’atelier vélo ! Sans eux, le vélo il serait resté sur la terrasse. »
Romain et Noémie saluent eux aussi ces nouveaux aménagements à Saint-Fons. Ils affirment que « l’aménagement de nouvelles pistes cyclables est toujours positif » et que cela participe à un mouvement plus général permettant de rendre nos villes plus adaptées à la pratique de ce moyen de transport. De manière assez logique, « plus il y a de pistes, plus il y a de vélos et moins il y a de place pour les voitures », explique Noémie.
Des problématiques sociales profondes
Pour eux la pratique du vélo se démocratise aussi dans l’échange. « C’est en voyant que quelqu’un fait le trajet à vélo de Saint-Fons à Lyon qu’un autre se dira « S’il peut le faire, pourquoi pas moi ? » » selon Noémie. Voir des gens pratiquer le vélo invite à se lancer à son tour. Un cercle vertueux qui pourrait bien s’accélérer grâce aux ateliers réparations de vélos qui sont également l’occasion d’échanger et de partager son expérience de la route et de la mécanique.
D’après Romain, les saint-foniards qu’ils côtoient se retrouvent face à trois problèmes majeurs
« Tout le monde ne sait pas forcément faire du vélo, d’une part. Ensuite il faut avoir les moyens de se payer un vélo et de l’entretenir. »
Trois problématiques plus profondes dont ne semble pas tenir compte la mairie dans le magazine municipal. L’aménagement de pistes cyclables sur des voies passantes et dangereuses serait un bond en avant. En effet, difficile de s’imaginer une personne venant tout juste d’apprendre à faire du vélo s’aventurer sur la chaussée saint-foniarde. Le manque de voies sécurisées décourage la pratique du vélo, inévitablement.
Et l’écologie dans tout ça ?
Dans l’article du magazine municipal de janvier-février 2019 auquel nous nous référons, l’argument écologique semblait prendre une place prépondérante dans la valorisation de ces travaux. Un raisonnement qui peine à convaincre pour la population saint-foniarde qui a d’autres préoccupations. Chômage, précarité, problèmes de logements. Les soucis ne manquent pas ici. Pour Romain « l’écologie n’est pas la préoccupation principale des Saint-foniards, ni de la mairie d’ailleurs. ». Et Noémie d’ajouter
« Les gens vivent ici des choses trop dures au quotidien pour pouvoir penser à l’aspect écologique. Ce qui prime, c’est l’argument économique quand on est dans une situation difficile. »
En ce sens il faut pour eux percevoir la pratique du vélo à Saint-Fons comme vecteur d’une plus grande mobilité pour des populations qui peinent souvent à trouver du travail ici. L’écologie passera juste après. Romain admet qu’il « serait pertinent de relier Saint-Fons à Vénissieux ou encore d’améliorer les aménagements de Saint-Fons à la route de Vienne. ». De meilleures voies cyclables inviteraient à intégrer ce mode de déplacement dans nos pratiques. Pour lui cela participerait au « désenclavement de la ville, même si cela passe aussi par le réseau de transports en communs ».
Romain et Noémie restent malgré tout optimistes et comptent des sorties à vélos pour permettre aux Saint-foniards de se familiariser un peu plus avec ce moyen de transport. Leur action visera à accompagner un groupe de dix personnes, de l’apprentissage du vélo à la pratique. Ils sont actuellement en l’attente d’une réponse de la métropole suite à une commande de dix vélos pour pouvoir mettre en pratique ce projet. Reste plus qu’à trouver les personnes qui participeront à ces balades organisées ! L’objectif est avant tout de redonner vie au vélo à Saint-Fons. La route reste longue pour démocratiser cette pratique ici, mais à vélo, tout va plus vite !
La ville de Saint-Fons ne fait rien. Les travaux d’aménagements dont vous parlez ont été réalisés par la Métropole. Idem pour l’éco-quartier Carnot-Parmentier, c’est la Métropole le maitre d’ouvrage…