Dans un entretien de plus d’une heure, Casus Belli est revenu avec nous sur son parcours, et le temps qu’il consacre toujours à la musique. L’interview se divise en deux parties, et vous pouvez retrouver l’interview entière en podcast audio à la fin de cette seconde partie.
Pour les amateurs de rap lyonnais, de la ville de Lyon ou d’ailleurs, à l’époque où on trainait en crew et on se poussait pour prendre le micro. Casus est l’un des derniers rappeurs toujours en activité. Héritier de cette génération, Casus Belli représente à lui seul l’ambiguïté du personnage rap à Lyon. Ecorché vif par l’industrie, il remonte pourtant sur le ring, et propose le 02 mai 2022, un projet Best of de ses meilleurs featurings.
Une légende incompatible avec l’industrie
« 1.9.9.6-2.0.2.0 », est la gimmick utilisée par Casus Belli, alias Sylvàn Areg, alias Sylvain Hagopian, dans son dernier projet « The Last Dance » sorti en avril 2020. Un album retraçant le parcours de vingt-cinq années de rap, d’un artiste de Bron, qui a connu un spectre gigantesque du rap lyonnais en France. De la première partie de la tournée de Rohff le code de l’horreur, au passage d’oublié durant une période de presque 8 ans sans musique, aux prémices de la drill en 2020…. Il a tout entendu. Cette longévité, lui a permis de tout voir et de tout connaître. Loin de lui l’idée de regarder dans le rétro, sinon d’appuyer à fond sur l’accélérateur en fond de 5ème : « j’aime pas être dans le passé, j’ai envie d’aller de l’avant. Aujourd’hui, ça me démange de faire de la musique ».
Son travail titanesque de digitalisation de sa discographie, dont il nous a déjà parlé, comptait énormément pour lui. Ce retour « n’était pas calculé, selon lui. Tout ce travail a été fait depuis 2019 au niveau playlisting, j’ai dû remettre tous les sons sur K7, les street tape, des dossiers cachés, les meilleurs featurings. Mais j’ai eu un problème avec mon distributeur Believe, qui m’a enlevé tous les sons des plateformes, le 7 avril 2022. J’étais dégouté.. C’est dû à un ancien contrat de distribution qui n’était pas adapté et le travail n’a pas été correctement fait … ».
Revenu au début du mois de mai 2022, avec cette envie de casser les codes de la musique, en proposant le projet « Menu Best-Of ». Un projet de 18 titres, non pas exclusifs, mais historiques, de featurings enregistrés depuis les débuts de sa carrière. Un pas en arrière, qui l’inspire encore plus à continuer à rapper, à se rapprocher de cette nouvelle génération. Il se sent désormais légitime de pouvoir donner des conseils d’un grand-frère, qui s’est cassé les dents sur l’industrie musicale. Signer, c’est pas gagné : « La signature égale le début des emmerdes. Pourquoi je ressors actuellement tous mes morceaux, tous mes titres, c’est pour montrer que malgré tout, je n’ai jamais été inactif. Souvent, les périodes où les gens pensaient que j’étais inactif, c’était de l’attente dû aux signatures, aux freins des maisons de disques, à un processus différent qu’on pouvait avoir en indépendant ».
Cette réactualisation musicale, comme pour dire « oui, pour les plus jeunes, j’étais déjà là quand vous n’étiez même pas encore nés », a aussi pour but de montrer que le quadragénaire a encore des choses à se prouver, à donner à son public. Aujourd’hui, le parolier veut être entièrement libre.
Indépendance et bien-être
Bien qu’il se définisse comme « le dernier dinosaure de la génération à encore rapper », il sent bien que le rap a évolué avec son temps. Comme le rapport aux labels et aux grandes puissances. Sa signature chez Play Two un label indépendant, et sa récente collaboration avec Distrokid un serveur indépendant de reversassions des droits musicaux, ou son travail avec les différents nouveaux mouvements de rap à Lyon (PLAVACE, Boyzy…) rendent l’image d’un personnage attaché à ce que la création musicale a de plus pure. Malgré tout, il ne se sent pas prêt à muer entièrement : « Être producteur, et vendre du rêve à un jeune artiste, je ne pourrais jamais le faire. Le métier de producteur ne m’intéresse pas, je veux qu’on m’assimile à un artiste Par contre, faire des co-productions, ça pourrait être intéressant, c’est différent. Aider un jeune artiste à monter son label et co-produire sa musique, c’est beaucoup mieux ».
Aujourd’hui, le patron de Caz’B Music a sa vision, et ne s’entoure de personne -ou presque. « l’indépendance te permet d’avoir le rythme que tu veux, mais tu te heurtes au côté finance et à l’exposition. Maintenant, les buzz du streaming te permettent plus d’exploser que nous à notre époque. Le jour où je signe chez Rohff, ce qui a changé c’est que mon skyblog passe de 1000 abonnés à 10 000 en une nuit. C’était déjà énorme ».
Cette nouvelle éthique de travail, le pose, aujourd’hui, en gérant de sa propre structure. Il propose le contenu qu’il veut « J’ai la chance d’avoir mon propre home-studio. J’ai une pièce où je peux aller super facilement. Quand j’étais en vacances avec mon taff principal, j’ai pu continuer à faire vivre mon label. Je fais ma, propre cuisine tout seul»…
Vie d’artiste et professeur : compatible ?
En plus de sa casquette d’artiste/compositeur/interprète, Sylvain est aussi un professeur émérite d’un établissement du plateau du 5ème arrondissement, où il vit actuellement. Cet amour pour la ville et la transmission, qu’il a toujours prôné, représente un volet social énorme de sa vie. Aujourd’hui professeur d’éducation sportive, il reste tourné vers la pédagogie. « J’ai toujours été professeur etrappeur. Aujourd’hui, on essaye de mettre plus de lumière, de se faire plaisir avant tout, pour donner de l’espoir ». Le logiciel triste se mue en un bain d’espérance pour les gens qui le suivent : « partager ma musique avec mon public qui me suit vraiment ». L’idée est également de proposer un contenu à sa fan-base la plus fidèle, avec pourquoi pas faire des « cartes de fidélité à l’année pour des sons en exclus, ou assister à des concerts qu’entre membres de la famille ».
Lorsqu’on échange concert avec lui, un artiste qui a fait la première partie de Rohff à l’Olympia, les Zénith, qui a rempli les plus grosses salles de Lyon et le Ninkasi Gerland ; on comprend que la déception a pris le pas sur la détermination d’une jeune artiste prêt à en découdre. « La vie d’artiste ne me procure plus de plaisir. Quand je vois Orelsan faire une tournée comme ça, je me demande si j’aurais aimé faire pareil. J’aime bien ma petite tranquillité, ma routine à moi c’est mon studio». C’est de son cocon qu’il se sent proche.
Cet artiste ayant grandement souffert de l’industrie et du business, a quand même repris plaisir à produire de la musique, et à en donner à son public.
Voici le podcast d’une heure où Casus revient sur son parcours musical, business, mais pas uniquement. Bonne écoute :