Pour la candidate à l’élection présidentielle du parti révolutionnaire Lutte Ouvrière (LO), la véritable fracture ne se situe pas entre les quartiers populaires et le reste de la France. Ces quartiers font partie intégrante du « camp des travailleurs », dont ils sont un concentré.
Cette année, la fête du parti Lutte Ouvrière (LO) a une tonalité particulière. A l’approche de l’élection présidentielle, Nathalie Arthaud, candidate de cette formation révolutionnaire de gauche, entre en campagne. Nous l’avons rencontrée, samedi 24 septembre, à Saint-Priest, où elle était venue pour la fête du parti à Lyon. Nous en avons profité pour lui demander ce qu’elle comptait faire pour les quartiers populaires.
Lutte Ouvrière veut « faire entendre le camp des travailleurs ». Mais aujourd’hui, le camp des travailleurs, qui est-ce que ça regroupe ?
Cela regroupe des ouvriers, des employés, des techniciens, cela inclue même les pilotes d’avions. Ce sont tous ceux qui, pour vivre, ont besoin de vendre leur force de travail.
Et surtout, cela regroupe ceux qui sont en activité comme ceux qui sont au chômage. Car pour nous, un chômeur est un travailleur qui est privé d’emploi, qu’on a condamné à l’inactivité. Le camp des travailleurs regroupe donc les jeunes et les moins jeunes qui sont obligés de se faire exploiter pour gagner leur vie.
Où situez-vous les quartiers populaires là-dedans ?
Les quartiers populaires sont des concentrations d’ouvriers, en activité ou au chômage, de jeunes et de moins jeunes qui seront exploités toute leur vie durant. C’est le camp des travailleurs.
Faites-vous une distinction entre les travailleurs qui habitent ces quartiers et ceux qui habitent des zones où la réalité tape peut-être moins dur ?
L’inégalité fondamentale, elle est entre la bourgeoisie et les travailleurs. Vous connaissez la blague ? Il y a un patron, un ouvrier et un Rom devant douze parts de gâteau. Le patron en prend onze et dit à l’ouvrier : « Fais gaffe, le Rom est en train de te piquer ta part ! ». Elle est où l’inégalité ? Elle est dans le fait que le patron prenne onze parts.
Mais le fait que certaines personnes soient plus victimes de discrimination à l’emploi que d’autres ou qu’il y ait plus de chômage dans certaines zones, ce n’est pas anodin…
Pour nous, la discrimination est une discrimination de classe sociale. Les richesses sont aspirées à un pôle et une poignée de gens les concentre entre ses mains. Ensuite, ces gens nous laissent les miettes. A partir de là, ceux qui sont aux commandes peuvent en profiter pour dire : « [Ces miettes], je les distribue comme ça ! Et, oui, je fais de la discrimination. » Ils ont le pouvoir ! Celui de distribuer les emplois.
La discrimination est fondée sur une politique patronale de division. Ceux qui dirigent veulent opposer les pauvres aux pauvres en utilisant toutes les différences qui existent dans la population. Les différences d’origines de couleur de peau, de religion, de sexe, d’âge.
Votre mouvement a-t-il un programme en particulier pour ces citoyens-là, ou sont-ils unis avec les autres travailleurs dans une même lutte ?
Moi je pense qu’à la base de la vie de chacun d’entre nous, il y a la nécessité d’avoir un emploi, un salaire, des droits sociaux, d’être en mesure de se faire soigner, d’envoyer ses enfants à l’école. Ce sont des besoins vitaux, universels, qui nous soudent dans un sort commun et nous unissent dans la condition ouvrière.
Notre préoccupation n’est pas de choisir qui aura droit à un emploi ou pas. C’est que tout le monde accède à un emploi, quelle que soit son origine, sa nationalité. C’est que l’on n’ait plus accès aux miettes, mais qu’on puisse diriger, et qu’on puisse faire en sorte que ces richesses, on les organise collectivement, que l’on organise le travail ensemble.
Mettre dans une catégorie à part les citoyens des quartiers est donc une erreur ?
L’erreur, c’est que les gens et les jeunes des quartiers ne se sentent pas faire partie d’une classe, qui est la classe des exploités, et qui a un combat à mener contre ceux qui dominent le système. Les jeunes ne se sentent pas faire partie d’un tout.
Comment faire en sorte de les inclure ?
Je ne crois pas qu’il y ait une fracture si marquée que ça. Il y en a beaucoup qui travaillent, qui sont dans les syndicats, qui militent, qui se sont battu contre la loi El Khomri.
En revanche, dans ces quartiers, il y a un recul de la politisation. C’est notamment dû au chômage qui monte. Parce que le chômage isole celui qui le subit et le marginalise. Il l’exclut des combats syndicaux et politiques. Il y a aussi le fait que ces quartiers ont pendant longtemps eu confiance dans la gauche. Ils votaient pour le Parti socialiste (PS), ou pour le Parti communiste (PCF). Ils en ont été écœurés, parce qu’ils ont été trahis.
Mais ce que je pense, c’est qu’ils seraient entraînés par un mouvement de masse.