Le Lyon Bondy Blog s’est entretenu avec Monique Cosson, secrétaire régionale EELV. Alors que des questionnements sur un potentiel accord avec le parti présidentiel à l’Assemblée nationale sont de mises, Monique Cosson évoque sa pensée et les perceptives d’EELV au sein de la NUPES.
Pour qui ont voté les élus écologistes à Lyon au premier tour des présidentielles ?
Je ne peux pas vous répondre sur ce qu’ils ont voté mais aussi qui a voté ou non. Ce que je peux vous dire, c’est qu’on est à peu près sûrs, tant dans les élus que dans les militants, qu’ils ont voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour. Comme il ne fallait pas Emmanuel Macron et Marine Lepen au second tour et que Jean-Luc Mélenchon ressortait pas mal dans les sondages, les gens ont voté pour lui. Le phénomène a été très massif et c’est pour ça qu’on se retrouve à moins de 5 %, c’est une réalité.
Est-ce que vous pouvez nous parler des dessous des accords qu’il y avait avec le mouvement de Jean-Luc Mélenchon ?
On sort de la présidentielle dans un rapport de force qui établit que nous sommes très perdants et la LFI est très gagnante, c’était une réalité incontestable. On a essayé quand même de mettre en avant un certain nombre de sujets. On a vraiment discuté l’accord au sein d’Europe Écologie, c’est-à-dire qu’on a eu des rencontres avec les négociateurs en visioconférence avec tous les secrétaires régionaux de la France. Il y avait la question du nom de la coalition. Pour nous, « écologie » devait y être, et ça n’a pas été très simple de le faire apparaître. On n’était pas juste soluble dans la gauche. On voulait également que l’implantation locale ne disparaisse pas. Même si on n’a pas gagné des régions, on a largement progressé.
Comment faire les liens entre enjeux locaux, intérêts et Assemblée nationale ?
D’une part, il y a déjà la question de comment l’intergroupe NUPES, qui existe en parallèle des groupes parlementaires propres à chaque parti, fera des propositions et sera actif. Après, avec les députés écologistes en France, il y a vraiment ce boulot en lien avec les endroits où on a gagné. Il y a des villes où on peut partir de sujets locaux et, en les portant à l’Assemblée, parvenir à les faire avancer à la fois nationalement et localement. C’est le cas pour la question des transports par exemple.
Pendant les élections législatives et présidentielles, Julien Bayou a pris le leadership d’Europe écologie les verts, comment cela va-t-il évoluer ?
Il était secrétaire national, donc c’était lui qui menait les négociations pour le mouvement. Maintenant qu’il devient député, il ne sera plus secrétaire national au moins jusqu’à notre prochain congrès qui arrive à l’automne. Notre congrès servira à élire le parlement des verts. Il faut savoir que 2/3 du parlement des verts sont élus en région avant. On a une journée où ces 2/3 montent à Paris pour élire le dernier tiers et le bureau exécutif.
Avez-vous tiré certaines erreurs des républicains ou des socialistes lors des primaires ?
D’une certaine manière, on n’a pas tout à fait tiré toutes les leçons, bien évidemment, mais quel est le système qui serait le plus intéressant ? Les primaires, ça divise, mais c’est beaucoup plus démocratique que l’auto-proclamation. Est-ce qu’un système beaucoup plus ouvert serait mieux ? Notre primaire était déjà ouverte et tout le monde a reconnu au moment des primaires que le débat entre les écolos était riche et intéressant. Malheureusement, on n’en a pas tenu compte après, et c’est peut-être ça qu’on aurait dû tirer comme leçon. Peut-être qu’il n’a pas eu assez de mise en valeur de toute cette diversité de l’écologie.
Si Emmanuel Macron vous appelle et vous propose un projet, êtes-vous prêts à vous rallier sur certaines thématiques ?
Le dire maintenant, c’est impossible. Pour l’instant, on peut dire que non parce qu’Emmanuel Macron parle, dit des choses, mais que fait-il vraiment ? Qu’il montre des choses qui ne soient pas juste des gadgets mais une autre manière de faire, et là, on pourra discuter. Cependant, lui dire maintenant on ne peut pas, ça serait lui donner un chèque en blanc et c’est ça qu’il demande dans son intervention.
Est-ce que les écologistes ont vraiment envie d’aller avec Emmanuel Macron sur certaines thématiques ?
Pour l’instant, sur le nucléaire, ce n’est même pas la peine, et sur la conception de la transition énergétique non plus. Sur l’agriculture et comment on la modifie, ce n’est pas non plus la peine car les propositions ne sont pas du tout au rendez-vous. On veut que les propositions démocratiques veuillent dire quelque chose, et pour le moment, ce n’est pas le cas.
Comment allez-vous vous battre pour que les jeunes puissent aller voter ?
On s’est beaucoup impliqués dans les organisations des marches climatiques et il y avait beaucoup de jeunes, notamment celles de 2019. Le vote jeune, on l’a eu d’une certaine manière avec ces actions-là. Pour aller voir les jeunes dans les campagnes, ce n’est pas si simple non plus, on ne peut pas se présenter partout. On n’a pas exactement de recette pour cela.
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Est-ce que des tensions à l’Assemblée nationale au sein de la NUPES risqueraient d’impacter le travail local des militants ?
D’une certaine manière, on s’est rencontrés dans les circonscriptions, on a milité ensemble pour les législatives, donc il y a des choses qui se sont tout de même tissées. S’il y a des tensions nationales, il y aura des effets, mais il y aura aussi des débats locaux parce qu’on se rencontre et qu’on va discuter. Le débat, ça ne nous fait pas peur, mais la question demeure : est-ce que le débat peut permettre d’avancer pour construire une force qui respecte les différences et qui satisfasse en même temps la demande d’unité face au macronisme, à la droite et à l’extrême droite ? L’important, c’est que le débat nous mène à quelque chose.
On entend beaucoup Yannick Jadot dernièrement dans les médias, est que ce n’est pas lui qui mène la danse d’une certaine façon ?
Yannick Jadot a la pratique du parlement européen qui est un parlement élu à la proportionnelle intégrale. Il entame le 3e mandat dans ce rôle-là, il sait ce que ça veut dire de parvenir à porter des projets et les faire voter au-delà de son groupe sans avoir la majorité. En France, on ne connaît pas cela, c’est très allemand et différent. On tient à la proportionnelle. Ça permet de faire du consensus parce qu’il faut arriver à se mettre d’accord sur les personnes, les gouvernements et le contenu, sans renier ce que l’on est. Pour cela, il faudrait un autre ordre de scrutin, que le parlement soit prioritaire par rapport aux présidentielles. Le calendrier électoral devrait d’abord être orienté vers l’Assemblée, puis qu’on élise quelqu’un à partir de l’Assemblée pour gouverner. Le collectif est plus important.
Marine Farnole et Etienne Aazzab