Alesson nous fait découvrir l’histoire de la communauté juive de Villeurbanne, la plus importante de la région Rhône-Alpes…
Les Gratte-Ciel, c’est un peu le symbole de la ville de Villeurbanne. Conçu dans les années 30 pour palier au manque de logements sur la commune, l’ouvrage, ultra-moderne pour son époque, avait aussi été imaginé pour affirmer l’identité de Villeurbanne face à la grande voisine dévoreuse : Lyon.
Ce que très peu de gens savent c’est que les soixante-cinq mètres de marbre ont été la principale raison de la venue de la plus grande communauté juive de la région Rhône-Alpes. « L’époque de l’achèvement des Gratte-Ciel coïncide avec celle de la fuite des juifs allemands chassés par les nazis. Une partie de ces juifs allemands persécutés sont alors venus s’installer en Rhône-Alpes », témoigne Francine Kahn, fille de juifs allemands arrivés à Villeurbanne à cette époque-là.
La communauté juive prend peu à peu ses marques et s’intègre dans la vie municipale. En 1964, avec l’aide des protestants et des fonds provenant d’Allemagne, la « Synagogue de la Fraternité » est inaugurée. Ce sera la toute première synagogue de Villeurbanne. 40 ans plus tard, à la sortie de cette même synagogue, je rencontre Samuel, 25 ans, étudiant en Histoire. « Villeurbanne a toujours eu une tradition d’accueil des immigrés, mais c’est vrai qu’il y a un accueil spécial, si l’on peut dire, avec les juifs car c’était la première population étrangère à occuper des postes au sein de la municipalité et une grande partie du quartier de la mairie (ndrl Gratte-ciel) est habitée par des juifs. Villeurbanne s’est même jumelée dans les années 70 à une ville israélienne(Bat Yam) ».
Quelques décennies après la venue des juifs allemands, une nouvelle communauté juive arrive en France : les sépharades. « A cette époque, tous les juifs ashkénazes, c’est-à-dire venus d’Allemagne ou de l’Europe de l’Est, étaient soit morts , soit partis vivre en Israël comme mes parents. Leurs fils, des jeunes très diplômés, ont décidé eux aussi de vivre ailleurs. Ensuite, après la Guerre d’Algérie, une nouvelle communauté juive, les sépharades, est venue vivre à Lyon. Ils se sont installés à la Duchère, à Saint-Fons, ils ont créé leur propre synagogue. Il y a eu aussi une immigration des juifs polonais qui se sont installés après guerre. Et sans oublier la communauté juive française. », précise Francine.
Des incidents antisémites dans la banlieue vont bouleverser et changer encore une fois l’histoire de la communauté juive à Villeurbanne. « Certains juifs qui habitaient en banlieue ont été victimes de l’antisémitisme. C’étaient des juifs religieux, différents de mes parents. Ils ont alors décidé de quitter ces quartiers. Une partie est allée en Israël et une autre partie s’est regroupée à Villeurbanne. Ça date des années 80-95. »
Rapidement, cette nouvelle communauté juive sépharade a construit son propre mode de vie. Des supermarchés, des boucheries cashers (inexistantes à l’époque des parents de Francine), des écoles. Sans parler, bien évidement, de la synagogue qui a été reprise. Francine, qui s’auto-déclare laïque, «athée, même si cette histoire fait partie de moi » dénonce un judaïsme assez radical et intégriste présent actuellement à Villeurbanne.
«Malheureusement, on voit de plus en plus la croissance des nouveaux sectarismes dans les courants religieux qui se développent pour un tas de raisons sociologiques, politiques, des sectes, soit dans le judaïsme, soit dans l’islam. En France, nous avons la chance d’avoir une école laïque et républicaine. Pour des enfants d’immigrés comme moi, ça a été une source d’intégration extraordinaire.. », me confie Francine.
Marilène, habitante des Gratte-Ciel, athée, me livre son regard sur la communauté juive villeurbannaise : « Je ne saurais pas vous dire pourquoi les juifs se sont installés dans le quartier, cependant je dirais que les jeunes sont beaucoup plus ouverts que leurs parents, même s’il y en a beaucoup qui restent entre eux, parce qu »ils vont au même lycée (juif). Par contre, je vois de plus en plus de jeunes juifs avec d’autres jeunes non- juifs. Cela n’existait pas il y a 10 ans ! ».
Il y aurait environ 10 milles juifs dans la région Rhône-Alpes. Sa grande majorité vit à Villeurbanne et ce sont des juifs sépharades.
Auteur : Alesson Souza