En sortant du cinéma avec son groupe d’ados, Rafika, animatrice en centre social pendant les vacances, est tombée sur une drôle de surprise.
Une histoire tellement surréaliste mais malheureusement quasi quotidienne pour beaucoup, m’est arrivée il y a quelques jours. Depuis sept ans maintenant je travaille en animation et depuis un an et demi, j’ai intégré le secteur jeune du centre social Chaprennes-Tonkin.
Pour avoir travaillé dans de nombreuses structures depuis toutes ces années, je m’estime chanceuse d’évoluer et d’apprendre auprès de ma directrice Houda Afsouni. Avec le temps, travailler dans ce secteur est presque devenu une vocation.
Voir évoluer des générations d’enfants, qui grandissent et se construisent pour devenir des adultes,est extrêmement valorisant. Le comportement de l’animateur doit être exemplaire quand il s’agit de côtoyer un public jeune. Nos actions et nos mots ont un impact très fort, parfois même sous-estimé, sur ces derniers. C’est pourquoi, pour ma part, j’apprécie d’être dans ce centre et de mener des projets qui permettent aux jeunes de sortir du quartier, de découvrir des valeurs de solidarité et de citoyenneté.
Sauf que… tout ce travail en amont qui met des années pour porter ses fruits, peut être balayé en un instant.
Vendredi après-midi, nous sortions du cinéma, situé à Vaulx-en-Velin La Soie. J’accompagnais, avec une deuxième animatrice, un groupe de seize jeunes, âgés entre 12 et 15 ans, autant de filles que de garçons. Nous nous dirigions en direction du métro tout en discutant. Juste avant d’arriver au métro, notre groupe est subitement arrêté par quatre agents de la Brigade Anti Criminalité, la BAC, et deux voitures qui nous bloquaient le passage. Sans un mot et de façon très machinale, l’un des agents pose ses mains sur les poches d’un des ados et se met à en tripoter le contenu.
Je n’ai pas eu le temps de réaliser ce qui se passait sous mes yeux, qui étaient fixés sur les mains de ce policier posées sur les poches d’un de mes jeunes. Je suis restée interloquée tout comme l’ensemble des ados. Nous l’étions tous, sauf ma collègue animatrice qui, du tac au tac et avec un aplomb qui force le respect, qui a dit : « Nous sommes un centre social, nous sortons du cinéma, nous rentrons au centre. Les enfants vous êtes sous ma responsabilité, c’est à moi que vous obéissez. Je vous dis de continuer vers le métro, vous venez ». Personne ne comprend alors ce qui se passe, elle continue : « Ils voulaient nous dire bonjour. Donc bonjour et au revoir, les enfants on y va ! ». Le policier ne semble pas trouver ses mots et balbutie un « bonjour ».
Nous nous dirigeons alors vers le métro et je ne réalise toujours pas ce qui vient de se passer en une vingtaine de secondes. Puis un sentiment de colère m’envahit. Alors c’est ça, faire comme si de rien n’était et accepter qu’un policier fouille un ado tout juste sortie de l’enfance ? Jamais de toute ma carrière je n’ai été confrontée à cela.
Cette impunité et cette injustice qui fait que l’on est impuissant. Cette situation flagrante d’inégalité et de discrimination. Est-ce que nous représentions une quelconque menace à l’ordre et à la sécurité publique ?
Lorsque nous passons les différents diplômes de l’animation, nous sommes formés au respect de la législation en vigueur garantie par Jeunesse et Sport. Notre premier devoir, selon moi, est de garantir la sécurité physique et morale des mineurs qui sont sous notre responsabilité. Il devient difficile dans ce genre de situation de prôner des valeurs de citoyenneté, quand ceux-là même qui doivent en premier lieux, garantir cette dite sécurité, la bafouent. Quelle image alors renvoient-ils à ces futurs citoyens ? La sécurité, terme que l’on entend perpétuellement dans la bouche de notre gouvernement…
On dit souvent que les banlieues sont des zones de non-droit. Je suis d’accord avec ce postulat. Mais de non-droit pour qui ? Pour les habitants qui y vivent le plus souvent.
Rafika Bendermel