La conférence introductive, intitulée « société de la confiance, société de la défiance » a plongée l’hémicycle dans le vif du sujet. Entre constat amère d’une communauté nationale au bord de l’implosion et message d’espoir pour le futur, nos deux interlocuteurs ont livré leurs analyses. Seconde partie avec Jean-Paul Delevoye.
En tant que médiateur de la République durant sept années, Jean-Paul Delevoye a été interpellé par la violence des relations humaines, notamment dans le domaine scolaire. De part son expérience, l’actuel président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) n’hésite pas à remettre en cause la logique de la société française- à l’instar de Yann Algan.
Partant de la conjoncture européenne et française marquée par une profonde modification économique et sociétale, Jean-Paul Delevoye s’interroge sur la capacité à surmonter les difficultés. A l’heure où les communautés européennes sont confrontées à une remise en cause de leurs modèles sociaux, où la croissance ne dépasse que très rarement 1%. L’intervenant prédit une modification des comportements ainsi qu’une autre approche par rapport au temps. Alors que les dernières décennies ont été marqués par une farouche volonté d’acquérir des biens, Jean-Paul Develoye estime que le bonheur n’est plus dans l’acquisition mais dans l’usage, ni dans le matériel mais plutôt à chercher dans le spirituel.
« Etude + diplôme ≠ salaire »
De ce constat général, l’ancien parlementaire met en cause le manque d’espérance chez les citoyens. Jonglant avec les exemples internationaux, Jean-Paul Delevoye explique que le déclenchement du Printemps Arabe en Tunisie est dû à un sentiment de désespérance qui provoque un sentiment d’humiliation. En effet, l’équation « étude + diplôme = salaire » n’étant plus un calcul exact alors que l’investissement dans ce domaine reste très fort, la déception peut susciter des réactions très vives. En effet, le mouvement des jeunes diplômés exclus du marché du travail à été très important dans le soulèvement arabe. L’ancien ministre affirme que « le système humilie ses citoyens ». Cette donnée n’est pas réservée exclusivement aux populations arabes pré-révolutionnaire. Cela devient une constante, au sein même de la société française. On constate en effet une progression du déclassement professionnel : au vue de la conjoncture, nombre de salariés acceptent un poste moins bien qualifié et moins bien rémunéré par rapport à leur compétence.
La fin du rêve
Cette désespérance induit la « fin du rêve ». Aujourd’hui, « on ne rêve plus » estime le maire de Bapaume. Ce dernier pense que la jeune génération doit faire face dès le plus jeune âge à la cruauté du monde. « L’ancienne génération » était protégée jusqu’à à un certain âge de ces maux sociétaux : difficulté du monde, difficultés familiales…
La discussion est aussi devenue une denrée rare. Jean-Paul Delevoye met en avant un paradoxe. Alors que la communication n’a jamais été aussi facile par le biais des technologies, le Président explique « qu’on se parle de plus en plus mais qu’on s’entend de moins en moins ». L’empathie entre les citoyens semble se réduire, un mur émotionnel tend à s’ériger.
Constatant que les jeunes d’aujourd’hui ont un problème de confiance en soi, M. Delevoye met en cause la logique sociétale française. En effet, il estime que « contrairement aux autres pays, les politiques publiques françaises nous mettent devant nos échecs et non devant nos réussites ».
Face à cette sclérose, le Président du CESE invite la « force citoyenne » à remettre en cause ce système. L’appel est lancé.