Il est 21 h lorsque le président de la République prononce la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024. Cette dissolution spontanée après la défaite du camp présidentiel aux élections européennes entraîne de nombreux changements dans la vie politique française.
Pour la première fois depuis 1997, un président de la République dissout l’Assemblée nationale en invoquant l’article 12 de le Constitution. Cette dissolution entraîne l’arrêt des travaux parlementaires en cours et l’organisation d’élections législatives anticipées. La dissolution bouleverse aussi le calendrier électoral car depuis le passage du mandat présidentiel au quinquennat en 2000, les élections législatives succédaient à l’élection présidentielle et confirmaient le résultat de cette élection. Dès lors, les calendriers sont décalés, ouvrant la voie à une possible cohabitation.
La dissolution comme baromètre de la confiance politique
Pour la sixième fois sous la Ve République, l’article 12 de la Constitution française est utilisé pour dissoudre l’Assemblée nationale. Toutefois, trois d’entre elles restent plus importantes du fait du contexte particulier qui les entoure. En effet, en mai 1968 Charles de Gaulle dissout l’Assemblée nationale suite aux évènements de mai 1968 qui sont vécus comme une contestation populaire. Jacques Chirac décide également de dissoudre l’Assemblée nationale en avril 1997 alors que cette dernière était du même bord politique que le Président. Cette dissolution fait suite au creusement du déficit du PIB. Enfin, Emmanuel Macron prononce la dissolution après la défaite de son parti politique aux élections européennes. Ces trois dissolutions sont couramment nommées « dissolution référendum ». Par la dissolution, le président remet en jeu sa responsabilité politique en donnant au peuple l’occasion de s’exprimer au cours de nouvelles élections. Ainsi, si en 1968 Charles de Gaulle obtient une majorité écrasante à l’Assemblée nationale confirmant ainsi le soutient du peuple envers le Président, la dissolution prononcée par Jacques Chirac se révèle être un échec, car la liste de gauche menée par Lionel Jospin obtient la majorité à l’Assemblée nationale.
La dissolution de l’Assemblée nationale, une stratégie pour le Président ?
Beaucoup ont été surpris par la dissolution de l’Assemblée nationale ce dimanche soir. Cependant, il faut rappeler que depuis les élections législatives de 2022, la menace de la dissolution plane au-dessus de l’Assemblée comme une épée de Damoclès. En effet, le président de la République ne disposant que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale, de nombreuses fois Emmanuel Macron a évoqué la possibilité de dissoudre l’Assemblée afin de permettre une majorité claire en son sein. De plus, les nombreuses motions de censure qui ont été déposées par l’opposition ont renforcé la possibilité d’une dissolution sans pour autant que le président de la République mette réellement en application cette menace.
Cette dissolution surprise agit donc comme un détonateur en France. Emmanuel Macron avait pourtant annoncé que le résultat des élections européennes ne devait pas avoir d’impact sur la politique nationale. Mais face à la victoire écrasante du Rassemblement National de Jordan Bardella, le chef d’état redonne la parole aux Français. Entre stratégie politique ou folie, beaucoup se posent la question. En effet, dans ce contexte de montée des extrêmes, la dissolution apparait comme une prise de risque. Le camp présidentiel ne semble pas être en bonne posture pour prétendre obtenir la majorité à l’Assemblée nationale tandis que le Rassemblement National est porté par la jeunesse qui a voté en majorité pour ce parti aux élections européennes (32% des jeunes entre 18 et 34 ans). Certains pensent cette dissolution comme une stratégie politique. Emmanuel Macron semble donner les clés de Matignon et de l’Assemblée Nationale au Rassemblement Nationale afin de les décrédibiliser en vue des élections présidentielles de 2027.
Si la dissolution de l’Assemblée Nationale est une arme pour le Président de la République, elle permet également de donner une chance au peuple de s’exprimer de nouveau. Avec un timming plus que restreint, les partis politiques se lancent dans une course effrénée pour obtenir le poste de Premier Ministre. Les résultats et la composition de l’Assemblée Nationale seront connus après les votes du 30 juin et du 7 juillet 2024. Afin de faire front contre le Rassemblement National, la gauche s’allie en annonçant la formation d’un « nouveau front populaire » et la mise en place de candidature unique. Du côté de Renaissance, des négociations sont en cours avec Les Républicains afin de former une coalition même si cela semble incertain.
Maeva Blache