À Lyon, le sport féminin n’est plus en marge, il s’impose peu à peu au cœur des grands projets municipaux. Entre la relance du Tour de France féminin et l’installation de LDLC ASVEL Féminin au Palais des Sports, la ville se démarque par des initiatives ambitieuses. Julie Nublat-Faure, adjointe aux sports, nous éclaire sur ces avancées et les enjeux qui persistent pour faire de Lyon un véritable bastion de l’égalité dans le sport. Entretien.
Lyon Bondy Blog : Aujourd’hui, on reçoit Julie Nublat-Faure . On revient notamment sur un moment marquant : lorsque le Tour de France est passé à Lyon en 2020. Vous en avez profiter pour faire la promotion du cyclisme féminin notamment le Tour de France féminin. Es-ce que ce combat la représente une belle victoire ?
Julie Nublat-Faure : Oui, carrément. C’est vraiment une belle victoire. Cela montre que, quand on a des politiques exigeantes en faveur du sport féminin, il est également important de manifester qu’une grande ville souhaite promouvoir les grandes courses féminines, ont leur Tour de France, qui dure environ une semaine avec de grandes étapes de montagnes, etc….
Peut-être que, dans le futur, ce Tour pourra se prolonger ? Vous savez, cela a été un très gros succès populaire. Les gens ont regardé, ce qui prouve que, lorsqu’on leur propose un spectacle sportif féminin, cela les intéresse autant que le masculin. Justement, à Lyon, ce qui est bien, c’est qu’il y a plusieurs équipes féminines, notamment en football.
LBB : Nous voulions savoir une chose : Où en sont les négociations pour le stade (OL Féminin)? Quelle est la situation actuelle sur cette question ?
J.N.B : Alors, vous savez, avec le maire de Lyon, nous soutenons pleinement l’arrivée de l’OL féminin dans la ville. Nous trouvons que le projet est vraiment très intéressant. Cela correspond tout à fait à nos politiques sportives, et nous serions très heureux de les accueillir.
Actuellement, Michele Kang (présidente OL féminin) est en discussion avec le LOU pour évaluer la faisabilité du projet. L’idée serait de les installer au stade Matmut . Je sais qu’ils étudient également la possibilité d’utiliser les infrastructures de La Duchère, un club de football qui se montre très favorable à ce projet. Pour le moment, nous sommes donc dans l’attente des résultats de ces discussions, qui portent sur des aspects techniques et financiers, notamment sur un partage éventuel de l’exploitation du stade avec le LOU .
LBB : Le 12 janvier 2025, une équipe va prendre possession du Palais des Sports de Gerland. Pouvez-vous nous dire de quelle équipe il s’agit et nous en dire un peu plus sur ce projet ?
J.N.B : On est toujours dans cette dynamique volontariste en faveur du sport féminin et du sport professionnel féminin, nous avons voulu offrir les meilleures conditions possibles au club féminin de l’ASVEL. Ce club avait historiquement l’habitude de s’entraîner et de jouer ses matchs à Mado Bonnet , un très bel espace, mais qui était devenu bien trop étroit pour développer le basket féminin au plus haut niveau, tout en lui donnant la visibilité qu’il mérite.
C’est pourquoi l’ASVEL féminin va devenir résidente du Palais des Sports, ce qui leur permettra de gagner en capacité d’accueil, passant de 1 200 places à Mado Bonnet à 6 000 ou 7 000 places au Palais des Sports. Cela leur donne également l’opportunité de mieux accueillir le public en semaine, de développer leurs activités et d’avoir davantage d’indépendance. Ce lieu, qui est très emblématique pour les Lyonnaises et les Lyonnais, constitue une belle avancée pour le sport féminin dans notre ville .
LBB : Depuis le début de votre mandat, le sport féminin est mis en avant dans tous les clubs. Pouvez-vous nous parler de la politique d’attribution de subventions aux clubs sportifs menée actuellement par la ville de Lyon ? Comment cela fonctionne-t-il ?
J.N.B : Depuis septembre 2024, nous avons conditionné toutes nos attributions de subventions et de créneaux dans les équipements sportifs à une formation obligatoire et gratuite, proposée par la direction des sports. Cette formation vise à sensibiliser les clubs à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
C’est une vraie innovation, et c’est d’ailleurs ce qui nous a permis de recevoir le premier prix de la fondation : Alice Millat. Ils ont souligné que Lyon était une ville complètement innovante sur cet aspect-là. C’est la première fois qu’une telle conditionnalité est mise en place, et cela a été jugé très intéressant. De plus, nous avions déjà commencé, dès 2020, à proposer ces formations de manière progressive, bien qu’elles n’étaient pas encore obligatoires à l’époque.
Nous avons également ajouté, dans les critères d’attribution des subventions, que les clubs devaient développer des filières féminines. S’ils n’en avaient pas encore, ils devaient s’engager à le faire pour ouvrir aux femmes la possibilité de pratiquer un sport. Cela a permis, par exemple, à des clubs de football ou d’écoles de basket, qui n’étaient pas forcément tournés vers des filières féminines, de proposer des activités, que ce soit en loisir ou à haut niveau. Nous sommes très satisfaits de cette avancée, qui a contribué à une féminisation progressive du sport à Lyon. Ils ont pu proposer des filières, soit de haut niveau pour les femmes, soit en loisir, et ils l’ont fait. Nous sommes donc très contents d’avoir contribué à cette féminisation. Petit à petit, nous sensibilisons et impliquons tous nos clubs dans nos politiques sportives pour développer un sport de plus en plus accessible à tout le monde.
En fait, chaque habitant et chaque habitante doit se dire qu’à Lyon, il ou elle a sa place quelque part. Nous avons également bien travaillé à occuper la place des femmes, car il existe encore un retard historique à ce sujet. Nous avons abordé cette question à travers les subventions, leur attribution, ainsi que celle des créneaux horaires, tout en conditionnant ces aides à des actions concrètes. Nous avons donc fait un réel travail de féminisation.
LBB : Quel est le nombre de licenciées féminines à Lyon dans le domaine du sport ?
J.N.F : Alors, j’avais les chiffres. Je crois que nous ne sommes pas encore à la parité. J’avais calculé qu’il me faudrait au moins deux mandats pour y parvenir. Je pourrais revenir avec des chiffres plus précis, mais je crois que nous sommes légèrement au-dessus de la moyenne nationale, qui est de 35 %.
Ce qui est intéressant, et c’est aussi pourquoi nous avons reçu le prix Alice Millat, c’est que nous avons mené une étude sur la fréquentation de nos équipements sportifs, que ce soit dans les gymnases, les terrains de proximité, ou les stades. Nous avons constaté, et cela peut paraître évident, mais c’est bien de le rappeler, que la pratique féminine est majoritaire dans les gymnases, notamment pour des activités comme la gymnastique douce ou le fitness. Dans ces lieux, 65 % des usagers sont des femmes.
Cependant, sur les terrains de football extérieurs, seulement 14 % de la présence est féminine. C’est similaire pour les terrains de proximité. Cela montre bien qu’il reste un réel travail à faire. Nous avons été salués par la Fondation Alice Millat pour nos propositions visant à rééquilibrer ces usages, notamment par le biais des subventions. Par exemple, nous incitons les clubs à accueillir davantage de femmes et à leur permettre de s’entraîner sur les stades, tout en améliorant leurs conditions de pratique.
Cela inclut le fait de s’assurer que les femmes n’ont pas seulement les créneaux de relégation, comme les derniers horaires ou des stades éloignés. L’idée est d’instaurer une réelle égalité de traitement.
Par ailleurs, pour les espaces de grande proximité, nous avons travaillé, et bien que cela ne porte pas encore ses fruits, nous collaborons avec des associations, souvent plus féminines, pour proposer des créneaux fixes permettant des activités sportives féminines dans l’espace public. Cela ancre des usages où chacun peut voir des filles pratiquer du sport, que ce soit en mixité ou entre elles. Elles s’approprient ainsi l’espace public, avec le soutien d’associations qui encadrent ces pratiques.
LBB : Vous parlez de football et de basket féminin, mais il y a un autre sport qui s’est développé au niveau olympique : le handball. À quand une équipe de handball féminine à Lyon ?
J.N.F : Je pense que vous en savez peut-être plus que moi sur ce sujet. Je crois qu’il y a des discussions en cours. Mon collègue de la métropole travaille sur un rapprochement avec l’équipe de Vaulx-en-Velin pour une mutualisation ou une entente avec Lyon. Cela pourrait être super. Je ne sais pas exactement où en sont ces discussions pour le moment, mais si nous pouvons les accompagner sur ce projet, nous le ferons avec plaisir.
LBB : Revenons sur le prix Alice Millat. Quels étaient les critères à remplir pour obtenir ce prix ?
J.N.F : Alors, il y avait plusieurs critères. Tout d’abord, la lutte contre les discriminations, le sexisme et les violences sexuelles. Sur ce point, nous remplissions pleinement les exigences et avons été reconnus comme une ville innovante. C’est la première fois qu’une telle démarche était mise en œuvre à cette ampleur et de façon conditionnée.
Ensuite, il y avait le soutien que la ville peut apporter aux clubs professionnels féminins. À ce titre, l’exemple de l’ASVEL féminin a été pris en compte. Enfin, il y avait aussi un volet consacré à la féminisation des dénominations d’équipements sportifs. Sur ce dernier point, nous avons bien rempli notre rôle, puisque depuis 2020, nous avons inauguré plusieurs gymnases, terrains de proximité ou lieux dédiés aux femmes.
Cependant, nous sommes encore très loin de la parité. Lyon compte environ 300 équipements sportifs, parmi lesquels seulement six portent des noms féminins, contre 22 des noms masculins. Tout le reste est constitué de noms de lieux dits ou de rues. Par exemple, un gymnase peut porter un nom issu d’une rue, sans qu’il s’agisse d’une dénomination choisie ou volontaire.
En résumé, sur les six équipements sportifs portant des noms féminins, cinq ont été renommés ou inaugurés sous notre mandat.
LBB : N’êtes-vous pas un peu déçue que, malgré cette politique en faveur du sport féminin, certains médias ne vous suivent pas ?
J.N.F : C’est vrai qu’il y a encore beaucoup à faire, et on le constate. Vous avez raison, les médias ne sont pas encore assez porteurs ni moteurs sur ces questions. Par exemple, quand on regarde les pages du journal L’Équipe, on se rend compte qu’il y a encore un gros travail à faire. Ils en sont conscients, mais le changement est trop lent à se concrétiser.
Nous avons vraiment besoin de cette visibilité, car ce sont les médias qui peuvent amplifier l’intérêt pour le sport féminin. En diffusant davantage de spectacles sportifs féminins et en assurant leur retransmission, ils permettent de développer cette pratique. Nous sommes encore très en retard. Cela dit, il y a eu des avancées, notamment lors des Jeux Olympiques et Paralympiques, qui ont eu un effet boostant. J’espère que cela portera ses fruits et que nous constaterons des évolutions dans les mois à venir.
LBB : Il vous reste 18 mois, peut-être moins, pour votre mandat à la ville de Lyon. Quelles seront vos priorités pour la fin de ce premier mandat ?
J.N.F : Les priorités sont de poursuivre nos axes politiques et de continuer à faciliter l’accès au sport pour les publics éloignés, qui rencontrent des blocages ou des freins.
Je pense notamment au sport santé, un sujet dont nous n’avons pas encore parlé mais qui est essentiel. Nous avons inauguré la Maison du Sport Santé il y a un peu plus d’un an, dans les locaux de l’OSL, et elle commence à s’étendre avec des antennes, notamment dans le 8ème arrondissement. L’objectif est de couvrir toute la ville.
Ce dispositif fonctionne très bien : nous avons déjà de nombreux bénéficiaires et une belle dynamique. L’idée est de redonner l’envie de faire du sport à des personnes atteintes de longues maladies, éloignées du sport en raison de problèmes physiques, ou encore souffrant de sédentarité. C’est vraiment du sport sur ordonnance, et nous souhaitons développer cette approche.
Il s’agit d’un enjeu majeur de santé publique, car nous savons que la sédentarité progresse, touchant particulièrement les jeunes. Il faut donc encourager ces publics à revenir dans les clubs.
Parallèlement, nous souhaitons continuer à développer nos dispositifs pour les quartiers prioritaires, notamment pendant les vacances. Par exemple, dans le 8ème arrondissement, nous organisons, en collaboration avec des clubs, la métropole et l’État, des animations estivales pendant trois semaines, de 19h à 23h. Ces événements combinent activités sportives, ateliers culturels et loisirs pour créer une véritable oasis pour les jeunes et leurs familles.
Enfin, nous voulons préserver l’héritage des Jeux Olympiques et Paralympiques en organisant des événements d’envergure qui touchent tous les publics, comme les Jeux sous toutes leurs formes. Ces initiatives, qui ont déjà eu lieu pendant la semaine olympique et paralympique, s’adressent aux familles, au grand public, aux agents de Lyon et aux enfants des accueils de loisirs.
L’objectif est de proposer des activités, des initiations et de la sensibilisation pour que chacun prenne l’habitude de faire du sport. Nous savons que le sport est bon pour la santé, pour le moral, qu’il renforce la confiance en soi et favorise la cohésion sociale.
Ces aspects nous tiennent particulièrement à cœur. Nous allons donc poursuivre nos actions tout en mettant un accent supplémentaire sur le sport santé et le sport dans les quartiers populaires.
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l’habitude de faire du sport. Nous savons que le sport est bon pour la santé, pour le moral, qu’il
renforce la confiance en soi et favorise la cohésion sociale.
Ces aspects nous tiennent particulièrement à cœur. Nous allons donc poursuivre nos actions tout en
mettant un accent supplémentaire sur le sport santé et le sport dans les quartiers populaires.