À Lyon, Grenoble et bientôt Paris, une initiative ambitieuse révolutionne la solidarité étudiante. Entre paniers repas, places de spectacle et distribution de culottes menstruelles, l’association HappyToque répond aux besoins primaires mais aussi culturels des étudiants en situation de précarité, grâce à une application 100% gratuite et simple d’usage.
Quand la crise sanitaire éclate, Alain Frévol découvre, comme beaucoup, l’ampleur de la précarité étudiante. Bouleversé, celui qui était alors directeur marketing dans une entreprise de l’agroalimentaire décide d’aller constater la situation par lui-même. Direction les campus lyonnais, à la rencontre des premiers concernés. Le constat est sans appel : bien trop nombreux sont ceux qui témoignent ne pas manger à leur faim, faute de moyens. Une réalité criante, qui vient confirmer la tendance nationale mise en lumière par les médias. Un étudiant sur deux est en situation de précarité, soit plus de 100 000 pour la seule ville de Lyon. Des chiffres d’autant plus alarmants qu’ils contrastent avec une autre réalité vertigineuse : un tiers de la nourriture produite dans le monde est gaspillée. En France, cela représente 10 millions de tonnes jetées chaque année, pour un coût estimé à 16 milliards d’euros et 10 millions de tonnes de CO₂ émises pour rien. Face à cette double urgence sociale et écologique, Alain Frévol, tout juste retraité, décide d’agir et fonde l’association HappyToqueen mars 2023. Un an plus tard est officiellement lancée l’application du même nom, « la première solution digitale avec une vision holistique de la précarité ».
Précarité alimentaire… et culturelle
De Too Good To Go à Linkee en passant par Phenix, les applications combinant lutte contre le gaspillage alimentaire et solidarité se multiplient. Si HappyToque propose un fonctionnement similaire, elle s’en distingue par le public visé, exclusivement étudiant. Mais la grande nouveauté de l’application, c’est surtout sa vision élargie de la précarité étudiante, englobant ses multiples dimensions. Au delà de la précarité alimentaire, HappyToque agit pour lutter contre la précarité culturelle, à l’heure où 79% des étudiants estiment ne pas pratiquer d’activité culturelle. Places de cinéma, spectacles de chant ou de danse, concerts de musique classique… L’offre est riche, et entièrement gratuite. Pour ce qui est de l’alimentaire, on retrouve des paniers provenant de grandes surfaces, de boulangeries ou encore de maraîchers. À partir de la mi-juin, des paniers hygiéniques seront également disponibles chez Auchan, offrant des produits essentiels adaptés aux besoins spécifiques des étudiants, tels que des protections menstruelles, des produits de soin ou d’hygiène corporelle.
Un système fondé sur la confiance et l’entraide
Pour en bénéficier, rien de plus simple. Il suffit de télécharger l’application et renseigner son numéro CVEC. Aucun justificatif de revenu n’étant requis, l’association mise sur la responsabilité individuelle pour que les paniers soient réservés en priorité par ceux qui en ont réellement besoin. Une fois réservé, le panier est à récupérer chez le commerce partenaire. Pour pouvoir offrir des paniers gratuits, HappyToque collecte des dons d’invendus, qu’ils soient culturels ou alimentaires, auprès d’associations ou entreprises partenaires. Parmi ces dernières, on retrouve notamment les cinémas Pathé, Super U, Cerises et Potiron ou encore les boulangeries Paul, chez Jules, Pozzoli… En plus de traiter les conséquences de la précarité étudiante, l’association ambitionne aussi d’agir sur ses causes en relayant, sur l’application, des offres d’emplois étudiants au sein des entreprises partenaires.
Une appli par et pour les étudiants
8 000 étudiants bénéficient déjà de l’aide d’HappyToque à Lyon, près de 1 000 à Grenoble, et une antenne de l’association sera bientôt ouverte à Paris. « J’espère qu’un jour, on pourra atteindre les 1,5 millions d’étudiants qui sont en situation de précarité en France » témoigne Mortadha Sai, alternant au sein de l’association en charge notamment de la prospection et des partenariats. « L’association est pour des étudiants et par des étudiants » nous explique-t-il. En effet, le président fondateur Alain Frévol est aujourd’hui épaulé par un petit groupe majoritairement composé d’étudiants ou d’alternants. Pour celles et ceux qui souhaitent s’engager à leurs côtés, il est possible de rejoindre l’équipe en tant qu’ambassadeur ou de soutenir l’initiative par un don, directement sur le site de l’association.
Article signé Alice MORIN