Constant, danseur venu d’ailleurs et fondateur de l’association R.E.A.L., est un passionné de danse qui a fait ses premières armes à Yaoundé, au Cameroun. Il porte aujourd’hui la double casquette de danseur et d’étudiant en droit à l’université Lyon 3.
Constant – Koué sur scène – commence à s’intéresser à la danse africaine en voyant un grand frère qui avait pour habitude de faire ses shows devant la famille pour « voler la vedette ». Le petit garçon cherche à lui ressembler tout en « gardant [sa] personnalité et en [se] démarquant de lui grâce à une approche plus tournée vers le hip-hop », précise le danseur. À 11 ans, Constant apprend ses premiers pas de danse avec des professeurs renommés. Il nous cite ces auteurs reconnus qu’il a pu voir à la télévision : James Brown, Usher, Justin Timberlake et le célèbre Michael Jackson, dans son rôle de voyou, interprétant « Bad ». À l’image de ses maîtres, il commence à faire de la danse debout, du popping, puis s’entraîne sérieusement à 17 ans dans les rues de Yaoundé, où il a grandi.
À 19 ans, Constant émigre à Lyon pour venir étudier en France après l’obtention de son baccalauréat. Il fait un constat immédiat : celui du caractère universel du hip-hop « avec deux grands H ». « On a les mêmes habitudes, on organise des rencontres entre amis danseurs avec la même façon d’aborder la musique et en utilisant le même langage », nous expose-t-il. Il voit ces danseurs qui « parlent au milieu d’un cercle en montrant leur personnalité artistique basée sur l’échange et le partage, pas pour montrer qui est le plus fort ». Le hip-hop est, selon le danseur, « très attaché à la terre, à la ville dans laquelle on évolue et aux rencontres que l’on fait, c’est une danse généreuse et très riche ». Ce style de danse se différencie directement des danses de salon où il « manque une spiritualité, avec ces danseurs qui jouent un rôle » critique-t-il. Il rejette également les danseurs contemporains qui « veulent mettre des codes », comme pour rendre inaccessible et limitée cette pratique, contrairement au hip-hop qui est « peut-être moins discipliné, mais plus sincère ».
Ainsi, le danseur voit de nombreuses similarités entre le hip-hop camerounais et celui pratiqué dans la ville des gones. La seule différence se situe dans les aides fournies par l’Etat. À Yaoundé, les jeunes « font tout eux-mêmes avec leurs propres moyens pour réunir les fans de danse » ajoute Constant, ce qui ne les empêche pas d’organiser des battles aussi grands qu’à Lyon.
Prendre ses marques dans une ville qui danse
Si Constant a choisi Lyon, c’était par rapport à la danse, nous confie-t-il avec un grand sourire. Il se tourne de suite vers une faculté connue qui propose des cours de danse : l’université Lyon 3. Une fois arrivé sur place, c’est la désillusion. Il se rend compte – non sans frustration – que la spécialité locale est plutôt le break dance, et voit que les cours dispensés à la faculté sont tournés vers le « street jazz » et non pas le hip-hop.
En se rendant pour la première fois sur les berges du Rhône, le danseur rencontre des skateurs qui lui conseillent d’aller au Ninkasi Kao de Gerland, puis à l’Opéra. C’est ainsi qu’il rencontre Maissa Barouche, pour qui il a un grand respect. Elle l’a intégré dans la compagnie de danse hip-hop Saidiya en janvier 2010. « Je pense que tout ce que j’ai acquis en danse je le dois à elle, à la rigueur qu’elle m’a enseignée », nous confie Constant.
Après ces quatre années passées à Lyon, Constant a pu observer une ville qui porte en elle un très fort potentiel en ce qui concerne la danse hip-hop. Il regrette tout de même le manque d’évènements qui, selon lui, « permettent à certains de progresser ». Il a pu faire de belles rencontres, comme celle de JC, un danseur de popping dont il apprécie le style « poétique et maîtrisé ». Constant a pu également faire un constat : la danse est « très scolarisée » en France. Cela peut être une « bonne chose comme une mauvaise, en séparant les différents styles ». Le danseur admet préférer les mélanges, du krump à la house, sans oublier le new style.
Concilier les études en droit et la danse
Pour des raisons personnelles, Constant n’a pas pu s’investir dans ses études supérieures. Il ne possède aucun regret, et est plutôt fier de ses avancées. Avoir choisi sa passion l’a aidé à « résoudre des problèmes et [lui] a permis de s’en sortir en France ».
Cela ne l’a pas empêché d’avoir de belles réussites comme le prix du « Shake Ton Booty » de MTV, il y a trois ans. Koué nous avoue que la nécessité financière et le fait de n’avoir « rien à perdre » l’on poussé à se battre jusqu’au bout en affrontant une foule de plus de 10 000 personnes.
Récemment, il a pu ajouter de beaux prix à son palmarès : il est devenu un « Roi Lyon » lors du Street Day de l’Original Festival 2012. Cette année, c’est en solo que Constant gagné le battle de l’Original. Son histoire est marquée par des échecs, « plus nombreux que les victoires » avoue-t-il en toute humilité. Ces défaites lui permettent de ne pas « perdre son objectivité, pour mieux comprendre l’autre ».
Koué a pu participer à des spectacles, ce sont ses fiertés personnelles. Après « En attendant Godot » d’après Samuel Beckett, en 2011, Constant passe à « D’un Monde à l’Autre » jusqu’en mai 2012. Il commence à voyager « De l’Ombre à la Lumière » pour dormir et danser dans « La nuit d’Elliot et Moa » à l’Amphi 3000.
Ces multiples expériences ont été pour lui une source d’inspiration quotidienne et ont confirmé son goût et ses talents pour la danse et le hip-hop. Il travaille aujourd’hui sur un solo chorégraphique entièrement ficelé par lui-même : du son au scénario, en passant par la mise en scène, Koué est le maître de son oeuvre. Pour conclure, Constant professe que « personne n‘est infaillible et [que] garder les pieds sur terre permet d’ouvrir plus de portes », tout en admettant que la danse est une discipline subjective où « chacun a ses propres qualités, et où personne n’est réellement meilleur que l’autre ».