Ce mercredi 2 février, avait lieu la sortie du premier roman d’Éric Pommet : Des souris blanches et des hommes de couleur. L’univers, fortement inspiré Des Souris et des hommes de Steinbeck, nous amène au cœur de la situation des travailleurs immigrés en France.
« C’est un univers urbain délaissé, l’envers du décor d’une société florissante qui génère l’exclusion. » Ainsi commence cette aventure. Celle-ci a pris racine à Avignon, lorsque, en compagnie de son ami Farid Omri, le romancier a découvert une adaptation théâtrale du roman Des souris et des hommes de Steinbeck. « À ce moment, il me dit, mais attends, cette histoire est très actuelle ! C’est l’histoire des immigrés, ces gens qu’on ne veut pas reconnaitre, qu’on tolère dans l’espace public. » Toute la soirée, les deux copains « ont déliré sur des souris blanches et des hommes de couleur », explique l’auteur en riant. Farid Omri, humoriste et auteur notamment de Couscous aux Lardons, souhaitait en faire un spectacle. Il a confié à Éric la tâche de commencer à écrire une trame : « J’ai écrit une vingtaine de pages très rapidement, mais cela a trainé. Puis Farid a commencé à avoir du succès avec Couscous aux Lardons, il n’avait plus le temps et après il a chopé une tumeur au cerveau. Il est mort en 2017 ».
Cette disparition a stoppé le projet mais lors du confinement il s’est mis à le ressortir du tiroir : « j’avais un peu digéré la mort de mon pote et je me disais que je pouvais lui rendre hommage de cette manière ». C’est une rencontre, en tant que correspondant du Progrès à Francheville, qui l’a ramené à l’écriture : « Cet été, j’ai été amené à faire l’interview de l’écrivaine Automne Val à l’occasion de la sortie de son dernier livre, Doux comme le miel. On a bien sympathisé, je lui ai parlé de mon projet et elle m’a demandé pourquoi je n’éditais pas. Vous savez, on en fait tirer 1000, on en vend 60, on en donne 120 et on jette le reste. Je ne voulais pas y consacrer de l’argent. Et puis c’est elle qui m’a dit qu’il y avait des moyens d’édition alternatifs qui sont entre l’auto édition et l’édition traditionnelle. À partir du moment où c’est vendable, lisible, ils acceptent. L’intérêt pour moi c’est que cela ne me coute rien et c’est la maison d’édition qui se charge de toute l’aspect administratif. Tous les libraires peuvent le commander. J’ai même réussi à vendre un livre au Canada », confie-t-il. Le script était initialement prévu pour le théâtre ; il a donc retravaillé avec elle la forme pour l’adapter au genre romanesque.
Une histoire d’amitié, un peu comme « celle de l’aveugle et du paralytique »
« C’est l’histoire de personnes qui sont parties du fin fond du désert et qui sont devenues inséparables. Cette amitié, c’est un peu celle de l’aveugle et du paralytique. L’aveugle prend le paralytique sur son dos et c’est le paralytique qui voit pour les deux », explique l’auteur. Ces deux frères de cœur ont subi toutes les affres de l’immigration : la rapacité des passeurs et la violence des autres migrants. Pour illustrer son propos, il mentionne les expériences du scientifique Henri Laborit sur les souris de laboratoire : « On s’aperçoit qu’en situation de stress, les gens sont plus aptes à se bouffer plutôt qu’à collaborer ».
Au-delà de la problématique migratoire, il aborde toutes les formes d’exclusion, « les vieux, les handicapés, comment le monde pourrait réserver une place à chacun de ces gens ». Mais l’écrivain, adhérant depuis longtemps au parti radical de gauche (PRG), ne souhaite pas se poser en moralisateur : « Je ne veux surtout pas donner des solutions ». Il qualifie son roman de « social, politique, poétique et symbolique ». Outre les fortes références à Steinbeck, il s’inspire du cinéma de Marcel Carné « où il y a des gens vrais dans une ambiance un peu décalée ». De même, Farid et Chaad « sont collés à un monde qui ne leur correspond pas. Ils évoluent dans un monde qui ne les attend pas ».