Critique de la représentation du 3 octobre 2013, au TNP de Villeurbanne, « le Cirque invisible » de Jean-Baptiste Thierrée et Victoria Chaplin.
Deux heures de représentation, non, de spectacle, que dis-je, de récital ! Le cirque invisible, c’est deux artistes d’exception qui mettent en commun leurs différentes compétences pour un rendu éblouissant et surprenant. La surprise, où plutôt l’art du contre-pied, est l’une des armes les plus redoutables de ce binôme singulier qui dépense une énergie incroyable au travers d’une trentaine de séquences. Sont-ils vraiment que deux ? Lui, Jean-Baptiste Thierrée, incarne un clown illusionniste, maniant les marionnettes comme une véritable extension physique, faisant revivre Edith Piaf ou survivre la Reine d’Angleterre au détour d’une parodie, capable de nous faire voyager, jouer et rire à l’infini avec ses valises à malices.
Dans le monde réel, ses longs cheveux blancs peignés en bataille et ses yeux bleus plongés dans la vie auraient permis à la vindicte populaire de l’assimiler à un fou. Sous le chapiteau imperceptible, c’est un être drôle, familier, communicatif, utilisant la dérision et le contre-sens pour créer, inventer, et, sans cesse nous étonner. Elle, Victoria Chaplin, interprète une gymnaste/acrobate caméléon, habile à faire la funambule sans filet, une sorte d’alchimiste corporelle susceptible de métamorphoser une table à thé en un char romain, transformant des simples ombrelles en un paon majestueux. Il y a quelque chose d’extraordinairement beau dans la gestuelle de cette jeune femme de 62 ans. Le temps ne semble pas avoir d’emprise sur Victoria ; et, lorsque la beauté et l’intemporalité se rencontrent, surgi alors un moment magique où, une seule chorégraphie -dansée sur une lumière rouge pâle, est capable de toucher l’âme en profondeur.
Alors, si notre magicien adopte volontairement un visage de benêt heureux et que notre agoniste multifonctions emprunte un air angoissé, parfois douteux, c’est simplement pour ne faire qu’un. Oui, le cirque invisible à pour vocation de nous transporter dans un monde imaginaire et coloré, loin de la morosité parfois pesante de la réalité. Mais, il y a une chose qui fait lien entre ces deux univers : ce sont les ressentits, l’expression des sentiments. Le cirque invisible est un bouquet de sentiments que quiconque peut cueillir à condition d’ouvrir son cœur et son esprit. Pour les grands et les petits.