Le Mondial a débuté sur une bonne note pour la Seleçao face à la Croatie (victoire 3-1), ce jeudi 12 juin 2014. Entre vivre cet événement devant une télévision ou au milieu d’une foule de supporters brésiliens, il y a un monde. C’est aussi une manière de découvrir un pays emporté dans son élan passionnel et qui ne peut plus reculer devant un destin des plus difficiles. Récit d’un premier jour.
Au Brésil, on maintient le feu, on ne l’allume pas. L’optimisme et la ferveur enveloppent ce qu’il y a de plus dur dans ce pays. A Pelourinho, le quartier populaire et historique de Salvador de Bahia, les choses se mettent en place. On court, on porte le matériel, on parle, on parie. Le maillot aux cinq étoiles de Neymar défile sur les pavés de ses rues arpentés. Les adolescents venus de Lyon, Grenoble, Pierrefitte avec les encadrants des associations Sport’A Vie et Club Rhône Alpes Diversité n’ont pas non plus lésiné sur la tenue. Dans les couloirs de la pousada le Sobredo 25, le foot n’est pas au centre de toutes les discussions. Les jours passent trop vite. Ils relatent leur après midi sur la plage de Barra, leurs cours de Batucada avec le professeur Pacote ou les blagues échangées avec Ricardo, le guide fantasque venu des favelas tant apprécié par les adolescents. Luana (13 ans) et Laurianne (14 ans) du Club Rhône-Alpes Diversité à Grenoble : « Il nous emmène partout. Il rigole et tape dans la main de tout le monde. Par moments, il chante tout seul. En France, on n’aurait jamais vu ça. Cette gentillesse des gens casse la barrière de la langue pour nous qui sommes d’origine portugaise dans un pays où on parle un autre dialecte. »
Naël Menar (13 ans) venu grâce à l’association basée à Lyon remarque : « Les Brésiliens ont une grande fierté et le Brésil vit à fond cet évènement. Son peuple sait faire la fête et je le vois à travers les yeux de notre guide Ricardo qui est très heureux de nous faire découvrir les rues de sa ville. »
Crier sa joie et sa rage par le mondial
Alcimaria Muniz (29 ans), brésilienne originaire de Pernambuco est bénévole à l’association Sambola. Elle insiste sur un sentiment très partagé du peuple brésilien.
« A Salvador de Bahia, il y a eu beaucoup de travaux sans la main d’œuvre nécessaire notamment au niveau des transports qui ont pris beaucoup de temps. Le sentiment des Brésiliens demeure très partagé car il y a encore la misère. Il est difficile de faire pleinement la fête. Il faut savoir qu’à Bahia, il y a une mafia qui s’est installée autour de l’évènement. Mac Donald’s a exercé des pressions pour que les restaurants gastronomiques s’installent le plus loin possible du stade. Cette coupe du monde a été mal préparée et surtout, on n’a pas prévu de structure sociale. »
Sur le front de mer et à Barra, qui colle au quartier riche de Victoria, l’écran géant est impressionnant. Tout un dispositif marketing a été échaudé par les grandes marques de boissons. A Pelourinho, les artistes de batucada répètent toute la journée. Les rues raisonnent de ces coups de percussions qui, loin d’assourdir, emmènent le voyageur. On se dit que cela change des punchlines du rap français.
Oscar de la meilleure hymne
Et puis l’heure fatidique arrive avec son lot de fierté, d’angoisse et de rage. Le peuple descend accompagné d’une police militaire qui arbore bien plus de prestance que les CRS français. Ils ne sont pas des centaines mais des milliers à se rendre vers l’une des places mythiques de Pelourinho, où Micheal Jackson à tourné le clip « They don’t care about us » en 1995. Là aussi, un écran géant à été installé. Vendeurs à la sauvette et débits de boissons s’éveillent tout d’un coup et pérennisent leur chiffre d’affaire.
Les bénévoles de l’association Sambola préviennent de ne pas prendre de risques en laissant les jeunes se mêler à cette foule qui mélange son optimisme à l’alcool. Ne pas sortir son portable ou un appareil photo, c’est une règle limitée aux touristes. Peut être pas aux journalistes.
Au moment du pénalty de Neymar à la 71ème minute, on dégaine son appareil pendant que les gens retiennent leur souffle. Le gardien croate Pletikosa est parti du bon côté mais ne détournera pas le ballon comme on change un destin. Le but d’Oscar (91ème) poussera la jeunesse de Pelourinho à chanter une émouvante hymne nationale raisonnant dans toutes les rues du quartier populaire.