Dans un entretien accordé au Monde daté du mardi 3 janvier, Claude Guéant – ministre de l’Intérieur – tente une volteface vis-à-vis de la communauté musulmane et de l’ensemble des français choqués par ses frasques incessantes sur le sujet.
Selon certaines études la «mémoire politique» d’un citoyen est estimée à six mois en moyenne ; au-delà de ce temps, l’homme a tendance à oublier certains évènements, noyés dans le flux permanent de l’information. M. Guéant semble avoir conscience de cela, profitant de cet espace d’expression afin de dédiaboliser son action et surtout dans le but d’attendrir une communauté musulmane remontée.Ainsi, il estime que l’Islam «est une religion ouverte, tolérante, pleinement insérée dans la société».
Malheureusement, la sincérité de cette déclaration peut être remise en cause. En effet, le 4 avril 2011, l’ancien secrétaire général de la présidence avait déclaré à Nantes : « L’accroissement du nombre de musulmans en France et un certain nombre de leurs comportements posent problème ».
En à peine un an, la communauté musulmane serait donc passée d’un statut de problème sociétal à une entité religieuse parfaitement intégrée dans la société! Mais par quel « miracle » ce problème à t-il disparu ?
M. le ministre estime que le «bilan de ces derniers mois est plutôt positif ». Pour qu’il y ai bilan, il faut donc des mesures. De fait, l’arsenal utilisé par le gouvernement, comme la loi sur le voile intégral ainsi que les mesures prises à l’encontre des prières de rues auraient permis d’éliminer les problèmes qu’engendrent certaines pratiques musulmanes vis-à-vis de la société.
S’’il faut reconnaître que les mesures susdites étaient des décisions bonnes et inévitables pour défendre la République laïque, les faits qui les ont engendré semblent disproportionnés. En effet, le port du Niqab concernait entre deux mille et trois mille femmes en France, tandis que les prières de rues étaient un fléau essentiellement concentré à Nice et dans quelques quartiers parisiens. Ces faits-là sont-ils si important pour qualifier l’ensemble de la communauté musulmane comme un «problème »? On constate aisément que M. Guéant exploite le moindre dérapage pour stigmatiser l’ensemble de cette communauté. On se doute du dessein électoral derrière cela.
L’ensemble des attaques envers les musulmans étaient faites au nom de la défense de la laïcité. Cette dernière est implicitement citée lorsqu’il déclare que « ce qu’on demande, c’est que les expressions religieuses de certains ne soient pas ressenties comme provocatrices par l’ensemble des Français ». C’est une déclaration noble à laquelle tout citoyen français ne peut que s’accorder. Cela sous-entend donc une pratique privée résultant d’un choix personnel, en parfait accord avec l’esprit de la loi sur la laïcité.
Cependant, une fois de plus, on peut douter de la probité des dires du ministre. En effet, il faut se rappeler du discours de Nicolas Sarkozy en 2007 au Palais du Latran, ancienne résidence principale des Papes, où il a flirté de très près avec les limites de la laïcité. Ainsi, il déclarait que « les racines de la France sont essentiellement chrétiennes. J’assume pleinement le passé de la France et ce lien particulier qui a si longtemps uni notre nation à l’Eglise». Si cela est une vérité historique qu’on ne peut contredire, on peut en revanche critiquer le manque de réserve et de discernement du Président, qui contraste nettement avec ses prédécesseurs comme MM. Chirac et Mitterrand. Avec de telles déclarations, Nicolas Sarkozy n’était pas loin de violer l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 qui affirme que la « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». La défense de la laïcité doit être la même pour tous et par tous.
Enfin, Claude Guéant affirme que «L’Islam ne doit pas être un sujet d’empoignades en 2012». Espérons que cette déclaration soit tenue et non pas bafouée même lorsque la campagne présidentielle sera à son comble. En 2007, M. Sarkozy a remporté la mandature suprême en prenant des voix au FN. Si ce dernier s’envole dans les sondages à quelques encablures du scrutin, souhaitons que la communauté musulmane ou plus globalement les étrangers ne soient pas pris pour cible pour grappiller quelques voix.
M. le Ministre, cette dernière citation est en quelque sorte une promesse. Elle est faite à moins de cinq mois du premier tour. Notre mémoire politique ne l’aura donc pas encore oubliée.
photo : N.Marques / Krimages