Tribunal de grande instance de Lyon, comparution immédiate, vendredi 13 avril 2018.
La salle d’audience est pleine, comptant proches des accusés, victimes et autres « badauds ». Hamoud, escorté par deux policiers, arrive dans le box des accusés. Ce dernier semble énervé, il se frotte les mains, croise les bras, se gratte la tête, visiblement déjà agacé avant même le début de l’audience. S’en suit le protocole judiciaire habituel, la juge explique à Hamoud qu’il a plusieurs options de défense : d’une part le choix d’être jugé maintenant ou de solliciter un délai afin de préparer sa défense. Il penche alors pour la première option. Commence l’énumération des faits qui lui sont reprochés : Hamoud est accusé d’harcèlement envers son ex-compagne Leila*. Sur une période d’environ un mois, du 12 mars au 10 avril, l’accusé aurait fait vivre un véritable calvaire à la jeune femme. Entre menaces de mort et dégradation de biens (boîte aux lettres, porte d’entrée, etc…), la pauvre Leila en avait vue de toutes les couleurs. La juge, avant de donner la parole à la partie civile et à l’avocat de l’accusé, demande à Hamoud de lui raconter brièvement les faits, pour compléter ceux qu’elle possédait déjà sur son dossier.
L’antécédant remonte à onze ans en arrière. Une idylle est née entre Hamoud et Leila, mais elle se transformera vite en cauchemar pour l’incriminé. « Elle m’a pris pour un con », affirme Hamoud car cette dernière l’aurait trompé avec son meilleur ami. Un ami qu’il considérait comme son frère. Dispute et rupture s’en suivent, chacun prend sa route et Hamoud affirme avoir été « détruit mentalement » par cette femme qu’il aimait tant. Pourquoi l’aurait-il harcelé onze ans après ? Il poursuit son récit en détaillant chaque scène, avant que la juge ne lui demande d’accélérer, ayant d’autres affaires à traiter. « J’explique bien sinon vous n’allez rien comprendre » rétorque l’accusé qui reprend son histoire. Ils se seraient revus il y a quelques mois, par hasard dans la rue. La jeune femme serait alors venue saluer Hamoud, avant de lui demander s’il était possible de reprendre contact. Elle se sentait seule, après le décès de ses parents, et de son divorce avec son ex-mari qui la battait. L’accusé explique qu’il « ne lui faisait plus confiance » mais qu’après trois mois à discuter par sms et appels, la confiance revenait petit à petit. La juge s’impatiente, lui demandant d’en venir aux faits. Il obéit. « Elle m’a trompé encore une fois », lance-t-il, « et avec mon pote, preuve qu’elle n’a pas changée ! ». Après une soirée, Leila aurait dragué l’ami de Hamoud ? Celui-ci lui aurait tout rapporté le lendemain matin, ignorant la reprise de contact entre les deux ex. Suite à ces révélations, le jeune homme serait devenu « aveugle et sourd de rage » selon ses dires, et aurait débuté le harcèlement. S’en poursuivent appels téléphoniques, sms, et l’homme se serait même déplacé jusque chez la jeune femme pour lui demander des explications. « Elle disait qu’on n’était pas ensemble quand elle parlait aux flics, mais moi, une femme qui me dit que je suis le seul homme qui rentre chez elle et qui me montre sa cicatrice au niveau du vagin, c’est qu’elle attend quelque chose de moi. Elle m’a déjà détruit une fois et elle l’a fait une deuxième fois, c’est elle la victime ? ».
La partie civile, en charge de la défense de la victime, prend la parole, visiblement très énervée. « Ma cliente était tellement terrifiée par cet homme qu’elle ne voulait pas faire appel à la justice. Elle a même refusé de venir à l’audience par peur des représailles vis-à-vis de Mr Hamoud ». Il poursuit « plus de 1100 appels, 600 sms et 12 menaces de mort en moins d’un mois ! Et c’est monsieur Hamoud qui se fait passer pour la victime ? Vous savez, ce que j’ai devant moi, c’est ce qu’on appelle un pervers narcissique. Monsieur souhaite que la vie de ma cliente tourne autour de lui, qu’elle ne le voit que lui, et que la victime dans cette histoire, c’est lui ! Elle présente des problèmes psychologiques dus à ce harcèlement et je demande une peine de prison ferme pour cet homme qui a détruit autant psychologiquement que physiquement ma cliente. »
Mr Hamoud rigole, sûrement nerveusement. Le procureur prend la parole et lit des sms du jeune homme envoyés à Leila. Insultes, menaces de mort, les sms sont violents. Il poursuit « je demande douze mois d’emprisonnement et interdiction d’approcher et de parler à la victime. » La juge remercie ce dernier. L’avocat de la défense, lui, défend son client comme il peut affirmant que Hamoud « est désormais indifférent face à cette femme » et qu’il veut vivre loin d’elle. La juge le remercie également. Elle demande à l’accusé de suivre les policiers, en attendant la délibération. Après deux autres affaires et une longue délibération, Hamoud revient dans le box des accusés. La juge se prononce, « Mr Hamoud, vous êtes jugé coupable des faits qui vous sont reprochés. Vous êtes donc condamné à douze mois de prison, dont huit mois ferme, qui débuteront dès ce soir. Vous avez également l’interdiction de voir ou d’approcher la victime jusqu’à nouvel ordre. » L’accusé parait choqué face à cette décision. « Huit mois ferme alors que c’est ma première grosse bêtise ? ». La juge ne répond pas, et l’homme est escorté par les policiers. L’histoire d’amour et de haine des deux concernés est donc officiellement terminée.
Affaire suivante !
*Les prénoms sont modifiés pour garder anonyme les concernés.