Suite à l’affaire Harvey Weinstein, le hashtag « Balance ton porc », lancé par la journaliste Sandra Muller, entraine selon l’AFP une hausse de 30 % en octobre du nombre de plaintes déposées à la gendarmerie pour dénoncer le harcèlement ou les violences sexuelles envers les femmes.
Sur le site officiel de Balance ton porc, il suffit de taper un mot au hasard dans la barre de recherche pour trouver une multitude de témoignages le comprenant. Le site internet compte huit catégories : « Au travail » (385 témoignages), « Cercle familial » (340), « Lieu public » (326), « Milieu médical » (163), « Milieu scolaire » (140), « Au sein du couple » (116), « Milieu religieux » (31), « Autre » (448). Il nous offre ainsi une panoplie de fenêtres pour connaître le monde sous-terrain du harcèlement.
Les chiffres
À Lyon, tout le monde y passe : l’INSA, la police de Villeurbanne, le podologue… rappelons que parmi ce nombre faramineux de témoignages, très peu peuvent être vérifiés et considérés comme authentiques du point de vue légal. Ils mettent cependant en lumière un problème de harcèlement chronique envers les femmes, quel que soit leur environnement ou leur âge. Nous comprenons que la Justice a du pain sur la planche. Selon les chiffres du gouvernement, on estime en moyenne 84 000 viols ou tentatives de viols par an sur des femmes âgées de 18 à 75 ans, dont 90 % de celles-ci connaitraient leur agresseur. Seulement 10 % des victimes porteraient plainte, ce qui expliquerait le pic de plaintes déposées aux préfectures de police. Pourquoi si peu de plaintes ? Faute de justice, ou d’éducation ?
Régler le problème à la source
« L’éducation, c’est la famille qui la donne ; l’instruction, c’est l’État qui la doit. », nous répondrait Victor Hugo. « Moi, je suis complètement d’accord avec ces femmes qui témoignent sur tweeter, explique Medhi, élève de seconde au lycée Pierre Brossolette de Villeurbanne, elles sont souvent embêtées par des gars et je trouve ça irrespectueux ». Mais pour d’autres garçons ou filles d’âge un peu plus avancé, quand les mœurs se libèrent, les agressions sexuelles sont parfois « un peu » à cause des filles qui veulent être « trop » sexy.
Des associations comme Fil’actions mènent des interventions contre les violences sexistes, notamment dans les collèges et lycées lyonnais, comme le collège Victor Grignard dans le 8ème arrondissement. Avec une prévention sur 2 500 élèves de la région Auvergne-Rhône-Alpes, les bénévoles de l’association font des questionnaires et sensibilisent les adolescents sur les relations amoureuses et les aides qui leurs sont données. « Parfois, un élève est plongé dans des relations violentes via le cercle familial, informer l’enfant c’est aussi aider le couple parental », rappelle Laetitia, élève au lycée La Martinière Duchère.
Des voix encore méconnues
Quel est alors le problème des femmes « trop sexy » ? Une question de pudeur ? Une question de plaisir ? Un tabou, qui l’est encore plus pour les populations marginalisées. La population émigrante en France vit parfois dans des conditions inhumaines – la jungle de Calais étant un célèbre exemple –, alors qu’en est-il des conditions féminines ? Lhori Mihalich et SOS-femmes.com estiment que sur tous les appels reçus par le 3919 (numéro de secours), plus de 20 % étaient d’origine étrangère (8,4 % viennent du Maghreb et 3,9 % viennent d’Afrique Noire), alors que ces femmes représentent 1,2% de la population française en 1999. Les conditions sociales et économiques augmentent leur vulnérabilité : 57 % des femmes algériennes et 65 % des femmes marocaines ne parlent pas français et 42,1 % des femmes maghrébines sont sans emplois.
Ces femmes peuvent également être victimes de séquestration chez elles, ou bien subir des violences en public sans pouvoir porter plainte directement à la police, par peur d’expulsion. Bien que ces chiffres aient positivement diminué depuis 1999, ils existent encore. Des associations tentent de briser la barrière sociale et linguistique qui se dresse devant ces femmes comme l’ASFAD à Lyon qui participe au réseau « Femmes Unies du Maghreb », qui rassemble plusieurs associations franco-maghrébines de lutte pour les femmes.
Autre tabou à l’intérieur de nos villes : les mutilations, les mariages forcés ou précoces, la polygynie (polygamie masculine) ou encore des crimes d’honneur nommés « féminicides ». Ces pratiques à l’aspect ancestral sont encore combattues par des associations comme la fédération nationale de la GAMS. Celle-ci soigne et écoute les femmes victimes de ce genre de sévices, et les abrite dans des logements uniquement féminins si besoin est. Amina, Mariam, Kadiatou, Oumalkher et Outya, cinq femmes aidées par la GAMS, ont écrit un livre : Les fleurs coupées, qui regroupe plusieurs témoignages d’excisions qu’elles acceptent de partager avec le monde. Chaque jour, on estime que 6 000 jeunes filles sont victimes d’excisions ou d’infibulation, une opération chirurgicale souvent mal faite qui consiste à supprimer le clitoris et les petites lèvres. La GAMS précise également que « selon les estimations des organisations non gouvernementales, on compterait entre 15 000 et 20 000 féminicides qui seraient réalisés contre des femmes par un père, un frère ou encore un oncle ». Ces associations sont l’unique aide pour des femmes seules dans leur milieu social.
« L’éducation ne se borne pas à l’enfance et à l’adolescence. L’enseignement ne se limite pas à l’école. Toute la vie, notre milieu est notre éducation, et un éducateur à la fois sévère et dangereux », soutenait Paul Valéry, philosophe français du XIXème siècle. Changer notre environnement pour transformer les mœurs des esprits futurs et anciens serait-il la solution pour société respectueuse et en paix ?