Parce que leurs achats sont souvent spécifiques, les musulmans ont parfois du mal à s’y retrouver dans l’univers de la consommation. Arnaques ou publicité mensongère, l’Union Française des Consommateurs Musulmans (UFCM) les conseille et leur propose une aide juridique. Parallèlement à cette assistance, elle mène une réflexion et recherche des alternatives à la société de consommation.
Comment l’idée de créer cette association a-t-elle germé ?
UFCM : Il y avait un vide. Il n’y a pas 50 associations et elles sont déjà débordées. Pour nous, l’idée c’était de faire une association de consommateurs… mais pas que : il y a toute une dimension éthique et spirituelle qui sous-tend notre action et notre réflexion. La façon dont on consomme a des implications directes sur la planète, sur la Création. On en appelle a la responsabilité et à la conscience de chacun. Cela sous-tend la question du bio, du respect éthique par rapport aux animaux, aux terres utilisées pour l’agriculture, etc.
« On en appelle à la responsabilité et à la conscience de chacun »
Défendre les consommateurs musulmans spécifiquement, est-ce communautariste ?
Pour moi « communautarisme » est un terme galvaudé. On est une association musulmane, mais on ne travaille pas qu’avec des musulmans. On travaille avec d’autres personnes, croyantes ou non. Nous sommes une association musulmane qui se réclame de principes religieux, mais nous participons à la société et au vivre ensemble.
Vous menez des campagnes de communication et de sensibilisation sur internet. Quels sont vos axes d’intervention ?
On fait beaucoup d’information sur la viande halal et sur les arnaques au Hadj. Nous menons aussi des campagnes de boycott de produits faits dans les territoires occupés de Palestine. On mène une campagne sur des dates qui nous posent un problème en terme d’éthique.
Vous avez aussi un pôle juridique. Comment fonctionne-t-il ?
Nous avons des avocats qui aident les consommateurs. On constitue des dossiers pour qu’ils aillent en justice par eux-mêmes. Des conseils et de l’aide juridique, on ne peut pas aller plus loin : nous ne sommes pas habilités à mener des actions en justice. Pouvoir se constituer en partie civile est très contraignant au niveau des critères de la loi… On défend également des consommateurs lors d’arnaques à la roqya. Une roqya, c’est quand quelqu’un vous appelle pour un désenvoûtement. Il vous demandera de rappeler un autre numéro. Les personnes sont parfois tellement en détresse qu’elles acceptent. Elles se retrouvent alors avec des montants de 400 €, 700 €, 2000 €… Il est difficile de remonter les filières, puisque les escrocs opèrent depuis des pays étrangers. On a aussi analysé en laboratoire certains produits, pour pouvoir informer les gens sur ce qu’ils contiennent.
« Là où on peut résister, on va résister »
L’islam est-il incompatible avec une société capitaliste et libérale ?
Fondamentalement, il y a un problème. Notre religion se base sur le respect d’autrui, le partage, la solidarité… Le problème c’est qu’aujourd’hui on est en train de développer un capitalisme à outrance. On a vendu du rêve aux gens en leur faisant croire qu’ils pouvaient réussir à créer leur propre petit paradis sur terre. Mais tout ça se fait toujours au détriment de quelqu’un d’autre. Dans cette optique-là, la notion de croissance est totalement biaisée. Tout le monde attend qu’elle reprenne. Mais à quel prix ? On pense au bien-être immédiat, mais il n’y a pas de vision plus large. Est-ce que nous devons entrer dans ce sillon là et y participer pleinement ou se dire « là où l’on peut résister, on va résister » ? On cherche des alternatives et on a envie d’autres choses. Les gens ont un vide, il n’y a pas de sens, pas de but. Ce n’est pas isolé ou lié à une confession, c’est un sentiment qui se développe de plus en plus.