« On veut défendre une gauche humaniste, républicaine, européiste et indépendante » 

Jonathan Bocquet est un élu de Villeurbanne depuis 2014, actuellement adjoint au maire, notamment en charge des finances et démocratie participative. Docteur en sciences politiques, il a entamé son engagement politique au sein du Parti Radical de Gauche (PRG) avant de rejoindre Place Publique, un mouvement fondé par Raphaël Glucksmann. Il est également président de l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (Anacej), un rôle qu’il a occupé depuis 2020 et qu’il a renouvelé en 2023.

Aujourd’hui, il accepte de revenir sur ses ambitions politiques pour 2026, ainsi sur  l’association Anacej et son regard sur la gauche actuel. Il nous explique son nouvel engagement au sein de Place Publique.

Retranscription

LBB : Est-ce que vous vous projetez davantage dans un avenir politique à la mairie de Villeurbanne ou à la métropole de Lyon ?

J.B : Aujourd’hui, Place Publique souhaite présenter des candidats sur un maximum de territoire dans  l’agglomération lyonnaise. On considère que sur les territoires de l’agglomération lyonnaise, notre force militante et nos scores aux dernières élections européennes montrent qu’il y a un terreau fertile. Nous défendons une gauche républicaine, humaniste et européiste, ce qui est assez rare aujourd’hui. Je me suis proposé auprès de Place publique pour faire partie des candidats potentiels pour 2026. Aujourd’hui, j’ai été missionné par Place Publique,  pour être le référent sur la métropole lyonnaise. Après, on ne distingue pas complètement le scrutin métropolitain et municipal. On considère que ce sont quand même des scrutins qui sont intimement liés : les élus doivent être des élus en prise avec les réalités des villes qui font partie de la métropole.

LBB : Comment vous vous situez entre les dynamiques locales et les enjeux métropolitains ?

J.B : La plupart des élus métropolitains sont aussi des élus locaux et  municipaux. On ne peut pas faire la ville sans la métropole, et on ne peut pas faire la métropole sans les villes, c’est une réalité. Évidemment, la métropole a des compétences ultra-structurantes. Les villes ont des logiques de proximité et de service pour les habitants de manière très concrète. Mais tout ça doit être pensé ensemble, sur les questions de déplacement, de mobilité, de logement, d’urbanisme. C’est un peu frustrant, à l’échelon municipal, de voir que beaucoup de choses se jouent à l’échelon du dessus. Mais si cet échelon ne réfléchit pas en concertation avec les municipalités, ça tourne forcément un peu à vide. C’est pour ça que j’ai envie d’aller défendre notre ligne politique à l’échelon métropolitain et de contribuer à la dynamique de la métropole. Place publique considère plutôt positivement l’exécutif sortant, même si nous n’en faisons pas partie et avons sans doute notre pierre à apporter.

LBB : Comment expliquez-vous votre changement de parti politique, qui est passé du Parti Radical de la Gauche à Place Publique ?

J.B : J’ai été pendant un peu plus de 10 ans au Parti radical de Gauche. Je continue d’y partager certaines valeurs : la défense de la construction européenne, un engagement républicain fort, la défense de la laïcité, de l’école publique et un rapport positif à la science.
Mais le PRG n’a pas su intégrer l’urgence écologique dans ses programmes et, selon moi, s’est un peu trop éloigné de la gauche. C’est ce qui m’a conduit à le quitter.
Il s’agissait d’une divergence de vue constructive et cordiale, notamment sur la question de nos alliés naturels. Pour moi, ils doivent se situer clairement à gauche — mais pas toute la gauche, ni à tout prix. Sur ce point, Place Publique et le PRG partagent sans doute certaines lignes rouges.

LBB : Pour revenir à votre association, l’ANACEJ, on parle actuellement de déclin militant surtout chez les jeunes, vous avez pu constater une réelle baisse de l’engagement ou d’autres modes d’actions ?

J.B : Toutes les études montrent que les jeunes ne se désintéressent pas de la politique. Ils s’engagent autrement, souvent en dehors des partis traditionnels, et c’est sans doute l’une des générations les plus engagées historiquement, particulièrement sur les questions environnementales et la lutte contre les discriminations.
Cela crée parfois des tensions avec les générations militantes plus anciennes, mais ce sont des tensions fécondes.

Ils restent méfiants vis-à-vis des partis et de la politique traditionnelle, et c’est à nous de les réconcilier avec des modes d’action républicains et démocratiques. Chaque génération apporte de nouveaux modes d’action et de nouvelles priorités — la question écologique en est un exemple fort.

Cependant, cette génération est le parent pauvre des politiques publiques. Les politiques en faveur de la jeunesse sont parmi les premières sacrifiées. Ils savent qu’ils cotiseront plus pour les retraites qu’ils ne percevront, et l’aide sociale à l’enfance est aujourd’hui exsangue. La France n’est pas au niveau de ses engagements internationaux en matière de protection de l’enfance.

LBB : Qu’est-ce que l’ANACEJ défend ?

J.B : L’ANACEJ œuvre pour défendre les droits des enfants et des jeunes (santé, éducation, loisirs), et leur donne l’occasion de s’exprimer, via un réseau de 500 collectivités. Le 10 juin, nous organiserons une grande rencontre nationale pour poser les diagnostics, formuler un programme, et proposer des leviers d’action pour les prochaines équipes municipales, dans un cadre non partisan.

Nous organisons des rencontres, des congrès, et accompagnons les collectivités et associations dans la mise en œuvre d’espaces de participation pour les jeunes. Nous valorisons aussi leurs actions à travers des prix, et proposons des formations et un accompagnement varié. Nous travaillons en réseau avec d’autres associations comme les Franca, l’UNICEF ou les MDC.

LBB : Comment vous aidez cette jeunesse délaissée par la politique, à se réaffilier à des partis ou à se réinvestir ?

J.B : Nous n’avons pas vocation à inciter les jeunes à réadhérer aux partis politiques.
Notre objectif est de leur offrir des clés et des espaces de participation, de leur fournir des outils pour s’engager, et de veiller à ce que leur engagement soit reconnu par les pouvoirs publics et les acteurs institutionnels ou privés. C’est un travail d’émancipation et d’éducation populaire.

S’ils choisissent ensuite de rejoindre un parti, une association ou une autre forme d’engagement, cela leur appartient. En revanche, si les partis se demandent pourquoi les jeunes ne s’intéressent plus à eux, c’est peut-être aussi parce qu’ils ne s’intéressent plus aux jeunes et que les politiques publiques en leur faveur restent très insuffisantes. Cette tranche de la population est sous-représentée dans les budgets et les actions publiques.

LBB : Aujourd’hui, on parle de « dérive » de la gauche, quel regard portez-vous de la gauche actuelle en France ?

J.B : Je pense que la gauche a été fragilisée ces dernières années par des errements, des débordements et des guerres intestines. Je crois en une gauche qui travaille et propose des solutions, plutôt qu’en une gauche qui attise les colères. Les guerres d’ego ont fait du mal, mais aussi le refus d’assumer les clivages existants. Il y a des différences à gauche, et ce n’est pas en criant à l’unité à tout prix qu’on clarifie les choses pour les électeurs. Je ne suis pas contre l’unité, mais elle ne doit pas se faire à n’importe quel prix : elle doit reposer sur un socle de valeurs clair, à la fois sur le fond et dans la manière de faire de la politique. À cet égard, l’attitude de certains cadres de la gauche a pu ternir l’image de la représentation politique.

LBB : Dans le prolongement de cette réflexion sur la gauche, comment percevez-vous le conflit que l’on dit irréconciliable entre Glucksmann et Mélenchon ?

J.B : Oui. Comme je viens de le dire, je ne crois pas à la théorie des gauches irréconciliables. En revanche, il me semble qu’on aurait tort de ne pas reconnaître le fait qu’on a des points de désaccord et qu’on ne peut pas les mettre sous le tapis. Un des points de désaccord, c’est la place, par exemple, de la dimension internationale. Quand on défend un projet résolument humaniste et européiste, on ne peut pas se projeter avec des gens qui se disent résolument souverainistes et nationalistes. Ce n’est pas la même échelle pour construction. Nous, on est convaincus que la réponse aux enjeux écologiques, industriels, sécuritaires, à la fois au sens géopolitique mais aussi au sens de sécurité interne, les enjeux migratoires, tous ces enjeux là ne peuvent être résolus qu’à l’échelle internationale. C’est une manière de rentrer dans le débat qui n’est pas la même de ceux qui disent d’abord qu’il faut bien fermer nos frontières et réaffirmer notre souveraineté nationale pour penser les problèmes. Nous, on pense que c’est plutôt le chemin inverse qu’il faudra prendre. On est aussi en désaccord sur le caractère identitaire de certains combats. On va préférer les combats universalistes et rappeler les valeurs républicaines plutôt que de flatter tel ou tel groupe social.

LBB : Vous vous situez comment entre le parti plus social-démocratique de Glucksmann et celui plus radical de Mélenchon ?

J.B : Le programme du Nouveau Front populaire est modéré sur le fond, ce n’est pas là que se situe notre désaccord. Ce qui me gêne, c’est la stratégie outrancière de LFI, de bordélisation et la volonté hégémonique de disqualifier tout désaccord. Menacer des villes de gauche, comme Villeurbanne, n’est pas une démarche constructive. Notre priorité, c’est de porter un programme concret de justice sociale : accès aux droits, cantine, école, bibliothèque et mécanismes de solidarité.

LBB : La France Insoumise a une antenne à Villeurbanne aussi, est-ce qu’il y a un dialogue entre vos deux parties ou c’est plutôt un environnement de tensions ?

J. B : Nos parties à l’échelle nationale ne se parlent pas. On considère que la France Insoumise s’est mis hors-jeu au niveau national, par un certain nombre de déclarations et de dérapages. En revanche, à l’échelle locale, on côtoie des militants de LFI, et même dans certains exécutifs, on travaille avec eux. On sait qu’on peut avancer sur des bases programmatiques, qu’on peut se mettre d’accord pour certains projets. Donc, le dialogue, il n’est pas rompu entre les personnes. À l’échelle des partis, la situation reste floue : la France insoumise oscille entre programme de rupture, appels à l’unité et menaces sur des collectivités de gauche. Nous, notre position est claire : défendre les exécutifs de gauche sortants et porter en 2027 une ligne humaniste, européiste et républicaine, distincte de celle de LFI.
Le Nouveau Front populaire a éclaté ; nous l’avions rejoint en 2024 uniquement pour contrer la menace d’extrême droite — une priorité qui restera toujours la nôtre.

LBB : Jean-Paul Bret, ancien maire de Villeurbanne, revient sur la scène politique. Quel est votre avis ?

J.B : À Villeurbanne, le risque d’extrême droite était faible, ce qui a permis un vrai choix entre candidats de gauche. Personnellement, je me suis davantage reconnu dans la ligne de Jean-Paul Bret que dans celle de Gabriel Amard (LFI).Nous voulons incarner une gauche indépendante de la France insoumise, qui porte son propre message.Concernant 2026, ce sont les militants de Place publique qui décideront des alliances, mais à ce jour, au national comme dans le Rhône, la ligne est claire : pas d’alliance avec LFI. Nous sommes aussi fiers de notre dynamique : notre nombre d’adhérents n’a rien à envier à celui du PS local.

Article rédigé par Lucie Boissin.

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