J-M L’Original : vers un retour du plus grand festival hip-hop lyonnais ?

Qualifié du plus grand festival hip-hop français durant les années 2000, l’Original Festival a tiré sa révérence en 2017, après l’annonce d’une 18ème édition avortée. J-M, fondateur du projet, revient avec nous sur l’Histoire de l’événement et l’annonce d’un potentiel retour.

Ancien breakeur, « J-M » alias Jean-Marc Mougeot est un acteur de la culture hip-hop lyonnaise depuis ses débuts à Rillieux-la-Pape. Dès le milieu des années 90, il fonde son premier crew de danse, et diversifie de plus en plus ses activités. Il fonde son magazine « Version 69 », créé sur les fondations des fanzines rap, de l’époque, qui n’existaient que sur la capitale. Dans la foulée, il crée rapidement son premier événement. Après une rencontre avec Eric Bellamy, fondateur de « La Lyonnaise des Flows » et du collectif « IPM », ils décident de créer une première scène rap à Lyon. Fort de l’ambiance « black blanc beur » qui règne après 98, la banlieue à la côte. A Lyon, il est encore compliqué de pouvoir permettre à des jeunes des villes périphériques de créer des projets, qui plus est dans le rap.

Y’a du hip-hop à Lyon ? 

Pour JM, la question ne se pose pas, il faut taper fort, ramener le quartier au Transbordeur. Un an plus tôt, Snoop Dogg fuyait de son concert car des coups de pistolet à grenaille retentissait juste avant sa montée sur scène. La mairie, pas totalement prête à recevoir une scène hip-hop dans ce contexte, accepte pourtant que le spectacle se fasse, sur la poussée du directeur du lieu de l’époque Victor Bosch. La biennale « Up Session » voit le jour, et existera durant deux éditions en 1999 et 2001.

Approchés par la ville de Lyon pour l’édition 2003, la subvention de 50 000 euros -énorme pour JM, ridicule pour un événement de cette envergure- tombe en 2004. « C’était l’occasion de faire un festival qui unie la ville, qui réunie le graffiti, la danse, le hip-hop, les médias et associations acteurs du milieu ». « Hip-hop Art », le collectif associatif qui pilote le projet associé à La Lyonnaise des Flows doit se battre pour imposer à la ville son projet, entre Woodstower et les Nuits Sonores qui ont déjà trouvé leur public. L’édition « 84-04 : vingt ans de rap à Lyon » est validée par la mairie de Gérard Collomb.

Pour la première de l’Original Festival, Raekwon du Wu-Tang Clan se déplace pour l’aspect musical. Il y a aussi un battle de danse organisé à l’Astroballe à Villeurbanne avec les lyonnais champions du monde en titre « le Pockemon Crew ». Un gigantesque concours de graffiti organisé à la Friche RVI avec des pointures du milieu ou enfin un défilé de mode sur plusieurs jours…. L’événement est une réussite totale, et sera fondateur des Street-Day : « rassemblant la famille culturelle du hip-hop ».

« Le milieu du rap respecte enfin le projet, et met Lyon sur la map »

Pensé comme un événement unique au près de la mairie, JM a pourtant bien envie de reprendre l’Original Festival chaque année. Mais le bras de fer est compliqué « Pour la ville, c’était un one-shot. Ils ont fait un effort financier en 2004, mais on ne voulait pas s’arrêter là ».

En plus des rappeurs nationaux et internationaux, JM a à cœur de représenter Lyon « on a des étendards comme Pockemon Crew à Lyon. On voulait présenter un projet lyonnais avec des stars, en mettant en avant des groupes de chez nous ». En contact avec Buzzmag, producteurs des compilations des « Piment Rouge » ou de « 69 la trick », JM crée le Buzz Booster. Ils mettent en place un battle de rap qui fait le tour des quartiers lyonnais, permettant à des artistes de faire des premières parties de stars qu’ils écoutent en CD. L’objectif est de « réactiver un circuit de rap en banlieue avec des scènes pour tous ». De Lyon à un défi régional, le tremplin devient vite un centre de formation national des meilleurs rappeurs du pays. Némir de Perpignan gagne la première édition de cette Star Academy du rap en 2008. « Le milieu du rap respecte enfin le projet, et met Lyon sur la map ».

Le rap, mode ou culture ?

Malgré les proportions de l’événement, les subventions sont coupées très rapidement « La deuxième édition n’était pas prévue budgétairement. Il n’y avait pas de dynamique hip-hop à Lyon. On se projetait de notre côté avec la réussite du précédent événement. Au final, ils nous ont enlevé 40% du budget ». En plus de cela, Éric Bellamy se sépare de l’Original pour monter sa propre société de spectacle, JM se retrouve seul aux manettes, avec 30 000 euros de subventions pour un projet qui en demande au moins le double, et une impossibilité de payer les salaires. L’événement tiendra durant 4 éditions avec une subvention amoindrie.

Najat Vallaud Belkacem arrive à la mairie Lyon tenue par Collomb en 2008, en tant qu’adjointe au maire de Lyon chargée des grands événements, de la jeunesse et de la vie associative. Après un long bras de fer, elle va à elle seule relancer les subventions. L’événement peut donc continuer son évolution. Le jeune public des débuts est devenu trentenaire voire quarantenaire, et laisse place aux nouvelles générations. Le concert devient plus important. Tellement gros qu’il dépasse totalement son fondateur « Avec De la soul en 2010, on prend une autre dimension. Malgré tout, dans notre tête, l’objectif est simplement d’offrir un spectacle aux lyonnais et se faire plaisir ».

La tête dans le guidon, JM décide, en sortie de cette édition, d’aller voir ce qu’il se fait hors de France. Il se déplace jusqu’au festival « Splash » en Allemagne. Pour lui le constat est sans appel : « en France on ne nous respecte pas assez. Là-bas, tu as des filles en bikinis qui n’ont pas peur, plusieurs scènes, 40 000 personnes dans un lieu fermé pour le hip-hop. C’était lunaire pour moi ». Lassé par la ville de Lyon, le manque de considération des médias et un public changeant, JM continue à développer l’événement, sans subvention, mais il ne permet plus de s’auto-financer. « L’ensemble de l’équipe a dû reprendre un boulot à côté et se consacrer bénévolement pour le festival ». Pour faire vivre le projet, il s’associe avec des artistes et monte vivre le parisian-dream. Démarché par la ville de paris, il crée et œuvre pour « la place hip-hop » aux halles. Il vient de moins en moins à Lyon, s’installe sur la capitale. « Financièrement et psychologiquement, se relancer chaque année dans quelque chose dans lequel tu perds de l’argent c’est dure ». Il annonce la 18ème édition du festival en 2017, mais celle-ci ne se fera jamais « j’ai craqué. On a quand même tenu 4 saisons sans subventions ».

« J’en ai envie de revenir, mais dans de bonnes conditions »

En 2022, presque trois ans après avoir quitté sa vie parisienne, et deux ans après l’arrivée du covid, la question du retour de l’Original Festival se pose désormais pour JM, mais dans quel contexte : « Le covid a transformé le paysage culturel et festivalier en France. Pour moi, c’est la fin d’un cycle où le rap avait besoin de prouver, désormais la culture hip-hop est ramenée au rap. Ça reste bien pour le mouvement, mais c’est plus compliqué de se démarquer ».

Sans compter sur la ville ni sur les aides, le festival aurait une allure et une direction différente : « on essaye de voir ce que le public cherche pour revenir plus fort. Il y a une question financière qui se pose, car je ne veux plus « vivre des aides » d’une mairie complètement déconnectée de la réalité ».

Leur source d’inspiration ? « Le Hellfest. J’ai un respect pour ce qu’ils ont fait pour les acteurs de la culture durant la pandémie ». L’unité est le symbole même de ce que veut insuffler JM. La culture est devenue trop importante : « ce n’est pas normal qu’en France on n’ait pas dix festivals hip-hop de grand ampleur. Où tu peux passer de SCH à Lala &ce, des scènes d’anciens aux nouvelles têtes dans le même événement ». Lorsque l’on parle d’un retour de l’Original, prudence est de mise. Mais son fondateur n’exclue pas la possibilité « J’en ai envie, mais dans de bonnes conditions».

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Tristan

La rédaction

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