Palme d’Or au festival de Cannes 2019, Parasite marque le retour triomphant du réalisateur Bong Joon Ho sur le devant de la scène. Son film s’inscrit dans la veine du thriller sud-coréen et renoue avec la veine sarcastique et oppressante de Memories of Murder (2003). La lutte des classes vue sous l’angle du cinéma de genre.
« Le wifi tout puissant », clame haut et fort Ki-Taek, père d’une famille modeste de Séoul. Drôle et dérangeante, le film est à l’image de cette réplique scandée comme un slogan. Parasite est un tout mêlant humour, violence et peinture sociale. Un grand cinéaste se reconnaît à sa façon d’introduire un récit. Dès le premier plan de Parasite, tout est dit. Un mouvement d’appareil suffit à souligner le brio de la mise en scène de Bong Joon Ho. La caméra nous présente une rue de Séoul vue à travers une vitre. Elle effectue ensuite un lent mouvement descendant sur Ki Woo, fils d’une famille pauvre de Corée du Sud, le nez collé sur son portable, cherchant en vain du réseau internet. Le monde du réalisateur Bong Joon Ho est celui d’une société aliénée par les écrans. Chaque membre d’une classe sociale reste dans sa communauté et ne parvient à se connecter avec le réel que par le biais du téléphone.
Le grand théâtre des apparences
A l’image de ce mouvement de caméra descendant, le spectateur pénètre au cœur d’une famille modeste vivant dans un sous-sol. Vivre sous terre, c’est être invisible aux yeux de la société. C’est avec une ironie féroce que le cinéaste organise la rencontre entre une famille bourgeoise et une famille pauvre sud-coréenne. Un habile jeu de dupes commence : Qui est le « parasite » du titre ? Est-ce le bourgeois refusant de regarder la misère des autres ou le miséreux souhaitant secrètement prendre la place du bourgeois ? Bong Joon Ho se délecte à observer les échanges entre les membres de deux classes sociales que tout oppose. La maison luxueuse dans laquelle sont enfermés les personnages fait office d’unité de lieu. Avec l’aide de son acteur fétiche, Song Kang Ho (Memories of Murder, The Host, Snowpiercer), Parasite prend des allures de thriller où tout n’est que farce burlesque, grand théâtre des apparences et hypocrisie. Le recours à une musique classique baroque marque une théâtralisation des rapports sociaux répondant à des codes spécifiques. Des arrières pensées se dissimulent derrière les sourires de façade. Parasite est un film de genre réussissant à entremêler humour noir et rebondissements avec régularité. L’œuvre parvient, via son scénario complexe et ses personnages énigmatiques, à tenir en haleine le spectateur venu se divertir tout en l’amenant à s’interroger sur sa condition sociale.