En 1995, David VALLAT était impliqué dans des réseaux djihadistes. Il a purgé une peine de 5 ans d’emprisonnement pour les chefs d’accusation : « association de malfaiteurs, infractions à la législation sur les armes en relation avec une entreprise terroriste ». Aujourd’hui à 45 ans, il est épanoui et complètement réinséré dans la « société civile ». Il raconte son parcours et en fait un combat citoyen pour prévenir les jeunes.
Depuis 2015, la France est frappée d’attentats terroristes, perpétrés et orchestrés par des Français. C’est dans ce cadre que Monsieur Vallat participe à des missions de prévention et de sensibilisation au risque de dérive des jeunes.
« Un pur engagement citoyen »
On pourrait tout d’abord s’interroger sur ce « combat citoyen » pour la lutte contre la radicalisation. La « prévention du risque » par son propre témoignage est une activité personnelle ou alors une activité rémunérée.
En effet, certains des détracteurs de cet ex djihadiste mettent en avant le fait qu’il pourrait être payé pour ses missions de prévention, et a fortiori pour son témoignage.
La réalité est tout autre.
Depuis les attentats de 2015, David Vallat ne pouvait plus rester dans l’ombre. Menant pourtant une vie tranquille de cadre dans l’industrie, rien ne le prédisposait à le faire. Mais il se rend vite compte qu’un élément fondamental n’apparaît pas dans le cadre de la lutte contre la radicalisation : « On redécouvre dans ce pays, que toute action violente est précédée de la pensée. Ainsi, les appels à la haine devraient tomber sous le coup de la loi ».
C’est en étant convaincu de pouvoir contribuer à la société, d’améliorer et de mettre en avant les causes et éventuelles conséquences de ces jeunes au passé trouble passant à l’acte. Rien d’autre ne l’anime qu’« un pur engagement citoyen ». Tous ses déplacements, ses interventions portent sur ses fonds propres.
En définitive, son action sur le terrain est purement volontaire. Cette activité est exercée en parallèle de sa profession dans l’industrie.
« Elles m’ont permis de me réapproprier mon humanité »
Depuis son départ pour le Djihad à sa libération, l’absence de figure féminine marque encore plus l’idéologie dans laquelle il se trouvait.
On se rend compte au fil des témoignages de David Vallat que la place de la femme, dans sa prise de conscience, est prépondérante. Il met en avant le fait que le regard qu’une femme peut avoir sur le monde, la société, la vie lui permet de s’épanouir encore plus.
Ce sont des figures féminines qui vont lui faire prendre conscience que le chemin qu’il suivait n’était pas le bon. Finalement, cette humanité ce sont les « femmes de sa vie » qui vont la lui rendre.
Petit à petit, bouleversant les codes inculqués, il se rend compte qu’il existe un regard sur l’autre, sur le monde, qui n’est pas dans le rapport de force. Bien au contraire, ce regard est construit dans un rapport d’idée, de réflexion et d’intelligence.
« La prison : une mort sociale, mais une deuxième chance »
David Vallat considère que les 5 années passées en prison ont finalement été une deuxième chance pour lui, contrairement aux médias de masse qui mettent en avant une radicalisation des jeunes en milieu carcéral. Un travail de prévention au sein même de la prison semble a priori nécessaire.
Il remet cette thèse en question. Un accompagnement est bien évidemment nécessaire, peu importe le profil du détenu. Toutefois, il souligne bien qu’« observer des sujets captifs est très simple ». La radicalisation, en milieu carcéral est totalement différente d’une radicalisation qui se met en place à l’extérieure, souligne-t-il. Ce sont bien deux processus qui obéissent à une sociologie différente. Il précise que la prison est l’un des rares lieu où l’Etat a tous les moyens pour suivre un culte.
On apprend finalement que la prison a été « une mort sociale ». Cette « mort sociale » lui permet de se remettre en question. Elle a été une coupure dans le temps qui le rapproche des valeurs intrinsèques l’animant au début de sa conversion : la soif de connaissance et d’aller vers l’autre.
Je me rends compte que Monsieur Vallat à une culture impressionnante, des connaissances extrêmement précises sur la biologie, la chimie, les mathématiques, le droit, la philosophie, la théologie…etc. (liste non exhaustive), acquises en partie pendant son incarcération.
On admet sans hésiter, qu’en partie, la prison, en le coupant du monde extérieur, lui a permis de devenir « une arme de pensée massive ».
Au-delà de la question des jeunes qui se sont plus ou moins radicalisés, concrètement, sur le terrain, qu’est-ce qui pourrait empêcher ces jeunes de sombrer dans cette voie ?
Il faut une prise en charge de notre jeunesse dès le plus jeune âge. Le dialogue est la clé de voûte de la mise en place d’une pensée a posteriori. Comment ? L’État doit pouvoir mettre en place des rencontres, conférences et interventions dans les établissements scolaires, centres sociaux, et tous les lieux encadrant et ayant un rôle dans l’éducation des jeunes.
D’autre part, l’État doit avoir un contrôle sur le discours dirigé vers les jeunes.
« C’est quasiment une voie sans issue. La volonté de ceux-ci n’est pas de leur enseigner une science religieuse, mais de les éduquer révolutionnairement »
Dans le cadre de son travail de prévention, il est amené à être contacté par des parents dont l’enfant est parti pour le Djihad. Comment réagit-il et agit-il face à ces situations de détresse ?
Il reste honnête avec les parents. Mais le plus important dans le travail avec les parents est la déculpabilisation. « La grande souffrance qu’ils ont de ne pas l’avoir vu venir ». C’est un processus long, douloureux mais primordial.
C’est justement parce que les parents n’ont pas les outils, les capacités nécessaires et tout simplement pas de grille de lecture de la radicalité que des intervenants comme David Vallat sont indispensables dans ce travail de « détection » et de prévention.
Il faut bien comprendre le fait qu’il y ait nécessairement un relais humain qui amène au passage à l’acte, au-delà des « pseudo-connaissances » acquises par internet.
« Au mieux, nous ne pouvons produire que de la prévention »
En analysant son parcours, il est intéressant de se demander si la mère ou la famille cet ex djihadiste avait contacté « un David Vallat », est-ce que cela aurait pu ou non changer son parcours. Il y a quelques secondes de réflexion, mais sa réponse arrive sans hésitation :
« Il aurait fallu qu’il intervienne au tout début de ma conversion. Mais passé un certain stade de conviction, tu ne fais qu’alimenter cette conviction à vouloir contredire l’autre.
Cela m’aurait permis de m‘engager avec moins de virulence.
Aujourd’hui je sais que la seule vraie méthode efficace, n’est pas tant d’aller à la confrontation avec les gamins, mais plutôt de faire appel à leur capacité de réflexion. Si tu arrives à distiller un doute raisonnable dans leur esprit, c’est gagné ».
« Le seul dénominateur commun de ces profils est la jeunesse »
Après les attentats qui ont frappé la France en 2015, pour présenter les auteurs de ces actes terroristes, on met en avant le milieu dans lequel ils ont grandi, entre autre les quartiers populaires dont ils sont issus. David Vallat en est aussi issu et nous explique si cela peut être un facteur qui explique la radicalisation.
Il récuse partiellement cette affirmation. En effet, fin 2014, un rapport avait été publié avec les origines sociales des jeunes partant pour la Syrie. 16% des profils étaient issus de classes populaires et 17% du ratio de milieux aisés. « Le seul dénominateur commun de ces profils est la jeunesse avec cette propension à la révolte ».
C’est un facteur aggravant, avec cette « propension à la violence accrue et facilité car vivant déjà eux-mêmes dans un milieu où la violence s’impose comme rapport social.
En revanche, ce n’est pas une fatalité ou une règle générale. ¼ des départs vers la Syrie concernait des jeunes n’ayant rien à voir avec l’Islam, ni culturellement, ni familialement, et n’étant pas issus de l’immigration.
Ils ont répondu à un appel subversif ».
En définitive, ce que l’on retient de la mission de prévention de David Vallat est qu’il faut confronter le parcours d’un ex Djihadiste face aux jeunes. Pourquoi ? Parce qu’il connaît les processus de recrutement des jeunes partant faire le Djihad. En effet, il a lui-même été immergé dans cet « engrenage » : il faut donc stopper net la radicalisation de la pensée, point de départ vers l’extrémisme. Ce qui signifie que l’intervention, quelle qu’elle soit, doit intervenir très tôt au sein des écoles primaires, des collèges et des lycées.
D’autre part, il faut que l’État ne sous-estime pas l’importance du discours violent ou non des prédicateurs. Cela sème le doute dans le cœur des citoyens car l’État se retrouve face à une impasse : d’un côté, on ne se mêle pas du fait religieux, principe de l’État laïque, mais de l’autre la nécessité d’encadrer ces prédicateurs qui ont une influence sur notre jeunesse. D’un côté l’amalgame avec les musulmans et de l’autre côté le discours qui peut vite tomber dans l’islamophobie.
Dans tous les cas, un dialogue républicain est nécessaire avec les acteurs de notre société du dirigeant à l’enseignant.
Amena SAFIOLLAH
Article intéressant et à mediter
Merci beaucoup pour ce commentaire