Après avoir vécu cette immersion et vu de nos propres yeux, nous comprenons les causes de l’incompréhension populaire, traduite par un racisme chronique envers la communauté Rom. L’axe de notre rapport devait, par un récit plus narratif qu’engagé, lever le voile posé sur l’identité des Roms de France.
Ce voile crée une réelle distance entre la communauté Rom et les riverains, alors que nous avons pu constater une réelle proximité entre les deux entités. Si ce n’est pas une proximité, l’on trouve tout simplement une normalité qui nous pousse souvent à l’empathie plutôt que de nous engager dans le vice de l’ignorance, de l’incompréhension et du dégout.
C’est bien l’objet moral de cette chronique, ne pas montrer une communauté en cachant ses points négatifs pour rééquilibrer la balance sociale. Mais bien de montrer la communauté telle qu’elle est, avec ces bons et mauvais côtés, ne pas les expliquer mais seulement les montrer via un échantillon pour en dégager une certaine vérité inhérente.
L’indifférence, l’incompréhension ou l’ignorance nous mènent souvent à combler le vide, pour éviter de nous indigner, par une réalité faussée qui nous convient ou nous conforte. Nous avons été surpris à plusieurs reprises de la réaction des différents services publics sur ce thème.
Une ignorance mal placée
Les deux dernières semaines (du 19 Novembre au 2 Décembre), deux faits nous ont confirmé les dégâts que peut engendrer l’ignorance de l’état des Roms. Concernant le premier fait, nous avons constaté que l’un des enfants du camp était gravement blessé, après une chute à vélo. Nous avons alors décidé d’appeler les pompiers. Et nous avons été obligé de leur mentir pour qu’ils se déplacent. En effet, lors du premier appel au cours duquel nous avons raconté la situation (la vraie), ni les pompiers ni le Samu ne voulaient venir.
A leur arrivée et après leur avoir expliqué le véritable objet de leur venue, les pompiers ont refusé d’emmener l’enfant, âgé de 6 ans, à l’hôpital sur motif que les Roms disposaient déjà de moyens sociaux considérables, dont la couverture sociale. Suffisant pour s’assurer de leur santé eux même. Après leur avoir expliqué par une argumentation digne d’une plaidoirie qu’ils ne disposaient même pas tous du minimum social, qui est l’aide médicale de l’état (AME). Ils ont conclu à leur ignorance sur le sujet et tenté de s’y intéresser d’avantage en nous posant des questions sur le chemin de l’hôpital.
En effet, avant d’avoir entrepris cette immersion nous nous sommes renseigné sur les droits et devoirs de la communauté Roms, ce qui nous a été facile étant tous issu de cursus juridique. Et qu’un rapport très détaillé avait été fait par la commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Nous avons donc pu en conclure qu’en France, les Roms ne bénéficiaient pas tous de l’AME. Les conditions sont difficiles à mettre en œuvre. D’après le rapport sur les Roms de France du CNCDH, un organisme étatique d’étude et de conseil au gouvernement, l’AME ne peut être demandée qu’après trois mois de résidence ininterrompue et régulière en France. C’est à dire avoir des ressources suffisantes pour vivre, estimée à au moins 500 euros par mois, et ce pendant trois mois sans quitter le territoire. Sans ces conditions, cette aide ne leur est pas allouée. En fin de compte, quand bien même les Roms remplissent ces critères, aucun organisme ne leurs facilitent l’accès aux aides sociales, ce qui est un réel problème du fait du fossé de la langue et de la rigueur administrative Française.
Un deuxième fait a confirmé nos craintes et nous a poussé à écrire sur le sujet. Nous avons déjà évoqué ce fait dans un article précédant mais sous un autre angle. Il s’agit ici d’une intervention policière intervenue il y a deux semaines. Les services de police sont intervenus après un vol avec agression effectué non loin du camp. La police a menacé à plusieurs reprises de « tout casser s’ils recommençaient ». Même si le fait d’avoir présumé l’implication des Roms dans cette infraction est contestable, là n’est pas le problème. Le vrai sujet réside dans leur argumentation pour expliquer leurs menaces, « les Roms bénéficient de suffisamment d’aides sociales pour ne pas avoir à voler », nous dit l’officier de police au milieu de toute cette précarité : boue, odeur, maladie etc. Rebelote, nous avons, de la même façon qu’aux pompiers, expliqué à cet officier de police les droits des Roms. De manière à lui faire comprendre que s’ils bénéficiaient d’autant d’aides, comme les services de l’état peuvent le dire, ils ne vivraient pas dans un état de précarité aussi extrême. Car personne ne se plait à vivre comme cela.
Dès lors, quand même les services régaliens de l’état sont dans l’ignorance la plus totale, nous ne pouvons que comprendre le comportement de rejet des citoyens Français vis à vis des Roms. Et en même temps constater leurs tourments d’exclus par tous dans notre société.
En conclusion à cette épopée journalistique, nous avons pu constater que la population Rom issue de notre échantillon vivait un état de précarité comme on pourrait imaginer des populations du tiers monde. Ceci se passe dans notre société où l’ignorance à leur égard se rapproche de la non-assistance à personne en danger. En tant que chroniqueurs, nous sommes dans l’obligation de retranscrire cette réalité, sans folklore ni positivisme excessif, comme pour l’exemple des pompiers ou des policiers.
En espèrent vous avoir fait prendre conscience de notre proximité à un peuple qui peut paraitre si loin de nous.
Les précédents articles de Desperate Roms Life :
1.0 Un premier contact fort en impressions
1.1 Un quotidien précaire
1.2 Les occupations des grands
1.3 Une série d’expulsions
1.4 Des nouveaux camps, l’illusion d’une nouvelle vie ?
1.5 Un portrait tant attendu
1.6 Un poêle à chauffer pas comme les autres
1.7 Une intervention policière bénite