Après huit mois de contestation sociale, 14 journées de mobilisation générale, de nombreuses manifs, violences et arrestations et trois 49.3, la « loi travail » a fini par passer, cet été. Elle entrera progressivement en application d’ici 2017. La contestation semble s’être éteinte.
Une rentrée sans trop de remous. Quel soulagement pour le gouvernement après un premier semestre 2016 éreintant. La loi dite « El Khomri » a finalement été adoptée à l’Assemblée nationale à la faveur de l’été. Accusé de casser les acquis sociaux par les syndicats, rejeté par l’opinion, ce texte a été passé en force par le gouvernement, malgré les grèves et les manifestations qui avaient largement perturbé le pays en mai et juin. Une grogne sociale qui est retombée avec l’été… bien que les syndicats n’aient pas officiellement déposé les armes.
Le 20 juillet, le texte réformant le code du travail, dit « loi El Khomri », repassait devant l’Assemblée nationale pour la troisième et dernière fois. N’étant pas assuré d’obtenir la majorité des votes des députés pour faire adopter le projet de loi, le Premier ministre, Manuel Valls décide de faire appel, pour la troisième fois, à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, qui permet de faire passer une décision sans avoir besoin du vote des députés.
Depuis février pourtant, les opposants à la loi exprimaient de nombreuses craintes vis-à-vis de leurs acquis sociaux. Selon eux, la réforme proposée par ce texte installait un rapport de force encore plus défavorable aux salariés face à leurs directions dans les négociations d’entreprise. Les mesures portant sur le licenciement économique, la durée du temps de travail, et les nouvelles règles liées aux accords d’entreprise ont été particulièrement décriées, car considérées comme source de précarisation des employés. Si les négociations avec les syndicats ont permis plusieurs modifications du texte original, il n’y a jamais eu de consensus ou de terrain d’entente autour des principaux points de dissension. À la fin du mois de juin, 67 % des Français se déclaraient opposés au projet de loi travail, selon une étude Harris Interactive pour LCP-Assemblée nationale. C’est pourquoi le passage en force du texte provoque un tel sentiment d’injustice.
Afin d’éviter l’enlisement de la loi, Manuel Valls avait décidé de passer en force une première fois le 10 mai avec le 49.3. Cela eut pour effet immédiat de déclencher la colère de l’opinion publique. De nouvelles manifestations et des mouvements de grève ont eu lieu au cours du mois de juin, fragilisant le gouvernement sans pour autant le faire fléchir dans sa volonté d’adopter la loi El Khomri. Celle-ci passera finalement durant l’été, une période connue pour être creuse en termes de contestation sociale.
Si l’utilisation de cette « arme » parlementaire a permis d’assurer le passage d’une loi contestée, le caractère autoritaire de la démarche exposait le gouvernement à un sursaut de la contestation à la rentrée. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé jeudi 15 septembre 2016 : pour la 14e fois depuis le début de la contestation, les syndicats ont appelé à une journée de mobilisation générale. Elle a rassemblé entre 170 000 selon les syndicats et 78 000 personnes à travers la France selon la police. À Lyon, entre 2 400 personnes selon la police et 5 000 selon les syndicats ont battu le pavé. « Mais on n’a pas encore de mot d’ordre quant à la poursuite des manifestations ou non », reconnaît cependant João Pereira Afonso, secrétaire général de la CGT du Rhône, dans le cortège de Lyon. Aucun autre appel n’a été lancé pour le moment.
La loi El Khomri devrait maintenant entrer progressivement en vigueur. Promulguée le 9 août par le président de la République, certaines mesures sont déjà applicables. Pour le reste, les dispositions entreront peu à peu en vigueur entre fin 2016 et 2017. Des dates ont déjà été arrêtées pour certaines mesures emblématiques : le 1er décembre pour les nouvelles règles relatives au licenciement économique, et le 1er janvier 2017 concernant l’entrée en application de « l’accord majoritaire à 50 % », qui permettra aux salariés de valider par référendum un accord d’entreprise.