Les femmes derrière les barreaux

L’Observatoire international des prisons (OIP) de Lyon a organisé en mars 2018 une conférence sur la réalité, peu connue, des femmes incarcérées. C’est en compagnie de la sociologue Corinne Rostaing, la psychologue Magali Ravit et l’avocate au barreau de Lyon Bettina Sacepe que la question de ces discriminations spécifiques a été lancée à la Marie du 1er arrondissement. Le LBB était présent. Retour sur cet exposé pour comprendre la situation des femmes détenues.

 

Au 1er février 2018, 80 893 détenu·es étaient recensé·es en France. Parmi e·lles/ux, 2 776 sont des femmes, soit 3,8 %. Même si ce nombre a légèrement augmenté depuis 2014, elles y restent minoritaires.

 

©ClaraDelormeau

 

Cela induit des discriminations particulières. « La prison est un lieu fait par les hommes, pour les hommes », commente Corinne Rostaing. D’après la loi, les seules règles spécifiques aux femmes en prisons sont liées à la non-mixité. Les détenues sont regroupées dans des établissements ou des quartiers distincts de ceux des hommes et sont surveillées exclusivement par du personnel féminin. Il existe également des dispositions pour prendre en charge les femmes enceintes et les mères avec de jeunes enfants : des quartiers nurseries ou quartiers mère-enfants, où elles peuvent garder leur nouveau-né jusqu’à ses 18 mois. 

Le quotidien carcéral de ces femmes est pourtant différent de ce qu’annonce la loi, en témoignent les trois intervenantes de la conférence-débat.

 

Éloignement et rupture familiale

En France métropolitaine et d’outre-mer, il y a 188 établissements pénitentiaires. Seulement deux prisons sont entièrement réservées aux femmes : le centre pénitentiaire de Rennes et la maison d’arrêt de Versailles. 56 prisons pour hommes disposent de « quartiers femmes ». Cela fait un total de 2 458 places, pour 2 265 détenues.

Ces chiffres peuvent laisser croire que les femmes ne sont donc pas concernées par la surpopulation carcérale. Ce n’est pourtant pas le cas. À cause du faible nombre de places qui leur est réservé, les établissements sont fortement éloignés les uns des autres et donc souvent du domicile des détenues. Cette mal-répartition engendre une surpopulation malgré les places disponibles. C’est notamment le cas à Nîmes (10 détenues pour 5 places) et à Toulouse-Seysses (74 détenues pour 40 places), mais aussi à Bordeaux, Perpignan, ou encore Strasbourg.

Au-delà de cette surpopulation, l’éclatement spatial des prisons accessibles aux femmes sur le territoire complexifie le maintien des liens familiaux et sociaux. Six prisons en France peuvent accueillir des femmes condamnées à de longues peines. Cinq sont dans la moitié nord du pays.

 

CARTE DES ÉTABLISSEMENTS (©Ministère de la justice, Justice.gouv.fr)

 

Bettina Sacepe parle alors d’ « éloignement financier ». Plus la prison est éloignée du domicile, plus il est coûteux pour la famille de venir en visite. « Elles sortent de prison comme elles sont entrées : seules », termine l’avocate au barreau de Lyon. La souffrance de l’isolement est une des principales préoccupations de l’Observatoire international des prisons (OIP). Pour Magali Ravit, « la prison devrait rester une privation de liberté » et non une rupture familiale ou sociale.

 

Le corps des femmes emprisonné, marqué et traumatisé

Lors de la conférence, Magali Ravit raconte une anecdote à l’apparence anodine. En détention, les teintures de cheveux sont interdites. Ainsi, lorsqu’une détenue reçoit la visite de sa famille et de ses enfants, son apparence n’est plus la même, car les racines repoussent, la couleur change. Cela peut choquer les proches et accentuer l’éloignement. Pour la détenue, il s’agit d’une situation de honte. Selon la psychologue, la prison est un lieu où le plaisir est banni et devient même subversif.

La prison étant un lieu fait par des hommes pour des hommes, le pouvoir de séduction féminin est perçu comme une arme. En les privant les femmes d’une part de leur identité construite autour de la féminité et du plaisir, on les prive finalement de leur dignité : il est impossible d’entretenir l’image que la société attend d’une femme.

Magali Ravit parle de « peine traumatique ». Le corps est marqué, traumatisé, par la détention. À la sortie, les détenues doivent retrouver une identité citoyenne, sexuelle et sexuée dans une société hétéro-normative ; une identité qui a été ignorée pendant l’incarcération. Pour les intervenantes, il est nécessaire de respecter la dignité des femmes emprisonnées. Cela commencerait par rendre la vie en prison moins artificielle, d’en faire « un espace de vie, pas de survie », d’après Bettina Sacepe. Pour elles, cela favoriserait notamment la réinsertion. Rendre la vie en prison moins artificielle pourrait passer, entre autres, par la mixité en milieu carcéral. Les femmes ne pratiquent actuellement pas les mêmes métiers ni les mêmes activités que les hommes et ne fréquentent que d’autres femmes.

 

Pour les détenues, le milieu carcéral est rempli de paradoxes, entre maintien et suppression des stéréotypes de genres.

 

 

Clara Delormeau

La rédaction

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