Egypte : retour de flammes

Début janvier 2011, commence la révolution égyptienne qui prend exemple sur la situation analogue en Tunisie (qui a mené à la démission du président Ben Ali). Après plusieurs jours de manifestations d’égyptiens révoltés, le dénouement arrive le 11 Février avec la chute du président Moubarak. Mais en réalité ce n’est que le commencement d’une longue et douloureuse transition vers la démocratie. 
Jimmy, jeune étudiant à l’ENS revient avec nous sur la chronologie des évènements depuis le 11 février. Il a effectué plusieurs séjours en Egypte ces derniers mois. Il nous livre ses impressions brûlantes sur la situation là-bas.


10 – 11 février 2011 : le vice-président du régime de Moubarak, Omar Souleiman, transmet les pleins pouvoirs au Conseil suprême des forces armées. Ce dernier lance un communiqué expliquant qu’il tient à soutenir les « demandes légitimes de la population ». L’Armée a donc les commandes en mains afin de mener dans l’ordre la transition démocratique. A la tête de la junte militaire : le Maréchal Tantaoui (75 ans). Seulement cette fameuse transition est retardée (depuis 9 mois pas l’ombre d’une élection législative, alors qu’au départ cela ne devait durer que 6 mois), d’autant plus qu’aucune date n’a été fixée pour l’élection présidentielle. 
Cependant les violences continuent, la répression des manifestants est aussi dure que sous Moubarak (avec de nombreux morts et blessés). Mais le fait est que les égyptiens n’ont pas tant peur de la répression que ça, ils craignent surtout une société où il n’y aurait plus aucune autorité. Sans l’Armée le chaos politique et social est à craindre.

9 mars 2011 : malgré la chute de Moubarak, le camp Tahrir est toujours là. Les égyptiens se rassemblent, continuent de débattre sur l’avenir de leur pays. 
A 17h l’Armée débarque accompagnée des baltajias (civils que les autorités paient pour semer le désordre dans les foules, ils étaient généralement utilisées sous l’ancien régime, ils sont souvent les auteurs d’agressions). 18 jeunes filles sont arrêtées, emmenées dans une salle et subissent des aggresions sexuelles. Forcées à avouer qu’elles ne sont plus vierges (sous peines de nouvelles violences) afin de les décrédibiliser et d’empêcher les fuites. L’armée trouve ici le moyen de mépriser le peuple, les manifestants en les faisant passer pour  »ingrats ».

8 avril 2011 : la « Manifestation du jugement ». Moubarak n’a, en-effet, toujours pas été jugé. C’est l’une des manifestations les plus importantes depuis le début de la révolution (environ 500 000 personnes). Arrivée de 30 sous-officiers en uniforme qui préviennent les manifestants : la contre révolution est en marche au sein des Institutions. Ces soldats risquent la peine capitale pour trahison, leurs propos sont donc jugés comme très crédibles. Le soir même, l’Armée intervient et massacre les manifestants (2 morts et 79 blessés selon l’Armée, mais 19 morts annoncés officieusement). Le lendemain un communiqué officiel de l’Armée annonce qu’un dénommé Waeil Abou el Leil est recherché. Il est accusé d’être l’organisateur de la manifestation et l’instigateur des violences. Il est arrêté, ensuite acquitté mais tout de même gardé en détention pour comparaître au Tribunal Criminel.

5 – 9 octobre 2011 : un quartier du centre-ville à majorité chrétienne est le théâtre d’une nouvelle manifestation. L’Armée intervient une nouvelle fois, une vingtaine de personnes sont tuées. De nouveau un égyptien, Alaa Abdel Fattah, est arrêté et accusé des violences devant un tribunal militaire. Ce genre de comparution est le symbole de l’ancien mode de fonctionnement du régime de Moubarak. Avec notamment la persistance de ces lois d’exception.

Des élections législatives sont prévues pour le 28 novembre prochain afin de mettre en place un Parlement qui sera chargé de rédiger une nouvelle Constitution. Les laïcs et les libéraux veulent imposer au Parlement certains principes fondamentaux intouchables qui devront être inscrits dans cette nouvelle Constitution. Afin de limiter notamment le pouvoir des Frères Musulmans (des  »businessmen » qui ne veulent pas qu’on touche à leurs intérêts économiques, mais le peuple n’est pas dupe) s’ils sont élus. Cependant l’Armée veut être indépendante et refuse que le futur Parlement ait un droit de regard sur ses affaires.

Depuis le week-end dernier des émeutes très violentes font rage place Tahrir. On décompte 28 morts et plus de 1000 blessés. La principale crainte des égyptiens en vue de ces élections est celle d’un scénario à l’algérienne (en 1987 : les islamistes arrivent au pouvoir, mais s’en suit un coup d’Etat de l’Armée qui gouverne encore aujourd’hui).
Jimmy tient à faire la distinction entre l’Armée composée de conscrits (qui est une autorité très respectée au sein du pays) et le Conseil de l’Armée (auteur des violences qui sont en décalage avec les attentes du peuple). De plus la hiérarchie a toujours été proche de Moubarak, ils veulent façonner un système politique destiné à maintenir leurs privilèges.

Si cette situation de violences quotidiennes persiste, la communauté internationale a un réel poids dans la suite des évènements (intervention des Etats-Unis notamment) comparé à la Syrie. Jimmy en conclut donc que les élections de lundi prochain ne se feront pas. Le contexte de violence ne le permettra pas et la communauté internationale s’opposera à ces violences et fera comprendre à l’Armée qu’elle doit se retirer.

Jimmy dresse un portrait de cette Egypte naissante empreint de détermination et d’enthousiasme. L’espoir est toujours présent dans ses propos, selon lui, malgré les épreuves, les violences et les morts à venir, l’Egypte est sur la bonne voie. Le peuple égyptien est prêt pour ce changement démocratique et il va le mettre en place.

Julia Rodriguez et Laura Tangre

 photo : Johann Prod’homme, actuellement en Egypte.

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