Deeb, rappeur égyptien : « la révolution, un long processus »

Très attendu lors du festival RévolusonR, le rappeur Deeb est venu vendredi dernier éclairer le public lyonnais sur la motivation et la situation des artistes Hip-hop égyptiens. Ces derniers prônent un art underground parfois décrié dans leur pays mais qui commence à provoquer les premiers échos au niveau international. Le lendemain, il a enflammé la salle du 6ème continent. Rencontre avec le MC Cairote.

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Deeb au studio de Radio Canut

Par quels vents musicaux es-tu le plus inspiré dans ton travail ?

Il y a deux styles : le Hip-hop américain et la musique arabe en particulier pour mes samples.

Nous faisons cela avec des morceaux de Abdelhalim Hafez, ou de Farid El Atrache très connus dans la musique populaire arabe. Les rappeurs de la nouvelle génération font bien la différence entre le rap conscient et le rap commercial, ils comprennent ses attributs et ce que sont les flows ou les punchlines. Le rap arabe n’est pas un copier-coller du rap américain mais le Hip-hop fait facilement revivre le passé ou la culture d’un pays comme l’a fait la Motown aux Etats Unis avec Marvin Gaye.

Connais- tu le rap français ?

Je n’ai pas de grandes notions du rap français mais je connais Iam et NTM qui sont incontournables. D’ailleurs, j’ai déjà eu l’honneur de faire un concert avec La Rumeur à Hanovre (Allemagne) et aux Pays Bas avec Hamé et Ekoué.

« Les médias commencent à s’intéresser à nous »

Est-il difficile de décrire la douleur et les demandes d’un pays comme l’Egypte ?

Mohamed El DeebNé le 4 Décembre 1984 au CaireDiplômé de l’Université américaine du Caire en commerceAlbums : Cairofonia (EP) (2010)The Cold Peace (2012)

Bien sûr car il y a des espoirs heurtés dans le processus révolutionnaire. J’ai écrit une chanson en août 2011 avec Ed, un rappeur libanais intitulée « Kum ya Masr » pour expliquer combien la révolution peut être longue, comme ce fut le cas avec la Révolution française et la prise de la Bastille. C’est un long processus et il faut être patient !

Le rap peut-il y être reconnu comme un art en tant que tel ?

Les médias commencent à s’intéresser à notre travail et une chaîne d’Etat a déjà produit un documentaire. Il y a aussi des pubs. Ce n’est que le début même si les maisons de disques sont très peu réceptives à la musique Hip-hop. Ce qui fait que l’on s’autoproduit complètement avec nos propres moyens. Je pense que c’est une stratégie du régime pour nous laisser dans l’underground. Mais ce n’est pas mon but. Il y a 85 millions d’habitants en Egypte et mon objectif, c’est de toucher le plus de personnes possibles.

« Les Egyptiens doivent changer »

Penses-tu que le public est prêt ?

Le public commence à se mettre en condition pour recevoir et percevoir notre message. On peut le faire passer dans notre musique à travers l’humour ou l’ironie. C’est une tradition très ancienne chez nous que l’on retrouve dans les blagues qu’on appelle la nokta, c’est une véritable institution.

Le rappeur égyptien DeebQue souhaites-tu pour l’avenir de ton pays ?

Je voudrais un Etat civil, sans extrémisme religieux ou politique. Il faut une vraie révolution et un changement au niveau des gens. Il n’y a pas seulement le gouvernement qui doit changer, les Egyptiens aussi doivent changer. C’est plus profond que ça. Je ne veux plus que les autres pointent du doigt uniquement tous les problèmes qu’il y a eu depuis la révolution. Il faut qu’ils voient aussi les avancées et ne pas voir seulement l’aspect funèbre de cette révolution.

 

Mohamed Braiki

Natif de Lyon et enfant des Minguettes, je suis diplômé de Lettres de la Fac de Lyon 2 et l’EFAP Rhône Alpes. J’ai roulé ma bosse dans des rédactions lyonnaises comme la radio Lyon Sport 98.4, Le Progrès, Foot 69.fr, Tribune de Lyon et Lyon Capitale. braikimohamed@yahoo.fr

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