Nous continuons notre série d’entretiens avec Jean Cotte, adhérent LREM. Il a participé à la dernière campagne métropolitaine de David Kimelfeld. Jeudi 29 octobre, il revenait sur le début de mandat de Grégory Doucet, déplorant son utilisation excessive de phrases choc.
Cet entretien a été réalisé le jeudi 29 octobre 2020. Il est important de le remettre dans son contexte, notamment au regard des annonces municipales (annulation de la Fête des Lumières) ou gouvernementales (deuxième confinement).
Quel regard portez-vous sur le début de mandat de Grégory Doucet ?
C’est un mandat qui a commencé très vite avec la situation que l’on connaît en France, entre des questions sécuritaires qui se sont faites très présentes à Lyon et des questions sanitaires qui l’étaient tout autant si ce n’est plus. Face à cela, je n’avais pas d’a priori négatif sur Grégory Doucet comme je pouvais en avoir sur d’autres candidats. J’étais attentif et j’espérais qu’il réussisse.
Je dois avouer que j’ai été assez déçu. On a tout de suite commencé par une volonté de faire des phrases choc, de redoubler de déclarations assez peu concrètes et très symboliques, pour se faire entendre. Je pense à l’écriture inclusive au conseil municipal ou tout simplement sa déclaration sur le Tour de France qu’il a quand même qualifié de machiste, ou encore sa déclaration sur la ligne Lyon-Turin (sur laquelle il faut le rappeler, il n’a aucune prérogative : c’est une ligne de TGV qui a vocation à remplacer une grosse partie du fret autoroutier qui pollue énormément dans la vallée alpine). Un maire qui se dit écologiste et qui a travaillé pour des associations qui se disent aussi écologistes, qui déclare que ce projet ne devrait pas se faire, il n’a pas à le dire. Pas plus que n’importe quel autre maire.
Cela en dit beaucoup de la haute image qu’il a de lui-même. Alors qu’il s’est fait élire maire de Lyon avec une abstention record, il se pose en tant que sauveur de Lyon et grand-maître de la région en ce qui concerne la ligne TGV, je trouve que c’est un peu trop.
Quel est selon vous le dossier principal que la Mairie doit traiter en priorité et faites-vous confiance à Gregory Doucet et son équipe pour y faire face ?
Je ne sais pas s’il y en a un qui est prioritaire, on est dans une situation assez inédite. On en demande énormément à nos politiques. On est quand même dans un contexte sécuritaire très tendu, sur lequel la mairie de Lyon peut faire quelque chose. Il y a eu une tentative d’attaque à la bombe à la Gare Part-Dieu il y a un peu plus d’une semaine. On voit que Lyon est très touché par ça, je pense aussi aux attaques au mortier… On a des collectifs un peu partout dans la ville, je pense aux “pentes en colère” à la “Guillotière en colère”,… énormément de collectifs de citoyens qui se regroupent pour interpeller leurs dirigeants. Face à cela, il faut que la Mairie agisse ! Grégory Doucet a vu le Ministre de l‘Intérieur cette semaine, il est dit qu’il a obtenu une hausse de 300 policiers (c’était une demande d’abord et avant tout des parlementaires LaRem lyonnais). J’espère pour l’instant qu’il aura la stature et le sens de l’Etat pour faire les bons choix en matière de sécurité.
J’aimerais aussi parler des jeunes. Dans la situation actuelle, les jeunes sont une population vulnérable. Lyon accueille énormément d’étudiants et on a vu pendant la campagne des candidats proposer des mesures nouvelles, notamment la volonté de faire un pass pour les moins de 28 ans : “TCL + Vélo’v” à moins de 20 euros alors qu’aujourd’hui ce pass revient à plus de 35 euros. On en a entendu parler pendant la campagne, depuis : plus rien. On a un gros problème sur les transports en commun.
Aujourd’hui dire qu’on est écolo et piétonniser seulement 10 mètres devant chaque école élémentaire, ce n’est pas faire une vraie politique de piétonnisation et d’urbanisation en faveur des transports doux ! Dire qu’il n’y aura aucune décision concernant les transports en commun lyonnais avant 2022, aucun projet ne sortira de terre avant 2030-2035, aucun prolongement de métro ou de nouveau métro : les écolos ont enterré le métro ! On va se retrouver avec un ouest lyonnais qui va continuer à être dépendant de la voiture avec des écolos qui leur disent : tant pis pour vous !
Le Maire et le président de la Métropole ont demandé jeudi 1er octobre au Premier ministre l’assouplissement des mesures sanitaires dans la métropole lyonnaise. Grégory Doucet avait montré qu’il était contre la fermeture des bars, qu’avez-vous pensé de sa position sur le sujet ? Selon vous, quelles répercussions aura le couvre-feu sur les Lyonnais ?
Je pense que la réaction de Grégory Doucet est assez irresponsable. Cela me fait penser aux personnes à Marseille qui disaient qu’on en faisait trop puis quand vient le moment de durcir les mesures, ils disent qu’on en faisait pas assez avant… Il y a un double jeu très pratique lorsqu’on est dans l’opposition : tout critiquer tout le temps.
Il se trouve que Grégory Doucet n’est plus dans l’opposition, il l’est peut-être vis-à-vis du gouvernement mais il a un rôle à jouer en tant que Maire de la 3ème ville de France. Bruno Bernard en tant que président de la 2ème agglomération française envoie un très mauvais message à nos jeunes, qui est une des population qui transmet le plus le virus. Dire : “Non mais le couvre-feu et la fermeture des bars ne sont pas nécessaires”, ça n’incite pas… ils ne vont pas comprendre pourquoi ils n’ont plus le droit de se voir, de respecter les gestes barrières. Le Maire aurait pu avoir une position plus responsable en acceptant cela et en faisant en sorte que le couvre-feu soit plus efficace. On a vu qu’il a fait ses preuves dans d’autres régions françaises, je pense notamment à la Guyane.
J’espère que Grégory Doucet continuera à assumer ces propos si et quand la situation sanitaire se dégrade.
En septembre, Grégory Doucet a signé une tribune pour un moratoire sur la 5G, afin qu’il y ait avant son déploiement, un débat démocratique à son propos. Etes-vous d’accord avec cette tribune ?
Je ne suis pas d’accord avec cette tribune. Cette tribune fait fi d’énormément de recherche sur la 5G. Elle se base sur des pseudos études et ils font ce qu’on appelle du cherry picking, à savoir, prendre uniquement les informations qui vous intéressent en laissant le reste de côté. Avec cette technique on peut tourner les chiffres dans tous les sens. Pourtant on se rend bien compte que la 5G n’est pas nocive pour le corps. La théorie selon laquelle les ondes seraient mauvaises pour le corps humain n’est pas une théorie qui est prouvée.
Finalement, on se retrouve avec des gens qui utilisent une certaine hiérarchisation à leur intérêt. Admettons qu’on dise que ces ondes sont cancérigènes (et ce n’est pas le cas) : dans tous les cas, les ondes 5G sont des ondes plus courtes, donc elles ont plus de mal à passer à travers la peau. La 5G dépense moins et couvre bien mieux les zones blanches. Si on va dans leur argumentaire la 4G est pire… En terme écologique la 5G est plus productive. Je ne comprends pas comment ils étayent leur argumentaire, qu’on peut facilement qualifier de populiste !
C’est une manière de faire comme en 2013 avec les députés EELV qui étaient déjà contre la 4G. On finit par avoir des gens qui sont contre le progrès ! Il faudrait l’assumer…
Dernièrement, Grégory Doucet prévoyait de maintenir la fête des lumières à une jauge de 5000 personnes. Pensez-vous qu’il est encore possible de la maintenir, et dans quelles conditions ?
Je trouve que c’est son rôle de Maire que de vouloir conserver cette fête qui est importante. Si la situation venait à se dégrader encore plus, j’espère qu’il prendra ses responsabilités et qu’il annule si ce n’est pas possible de la maintenir. Pour le moment ça me semble logique dans son rôle, je ne vais pas lui jeter la pierre !
Voyez-vous une différence dans vos capacités à discuter avec la majorité lyonnaise depuis que les équipes de Grégory Doucet sont au pouvoir ?
Oui ! Depuis qu’ils sont au pouvoir, il y a une vraie difficulté de communication. Les membres des cabinets respectifs refusent de parler aux parlementaires tout simplement parce qu’ils ont la fâcheuse tendance d’être au groupe LREM. On est face à des gens qui préfèrent rester entre eux.
Il y a déjà des dissensions au sein de leur accord tripartite qualifié de “pastèque” avec la couche verte, la couche rose puis la couche rouge. Je me demande combien de temps leur union va durer. Pour l’instant ils refusent le dialogue.
Grégory Doucet souhaite recruter 20 policiers municipaux supplémentaires, parallèlement il projette d’implanter dans tous les quartiers une antenne de police municipale. Faites-vous confiance aux élus écologistes pour traiter les questions de sécurité et pourquoi ?
A partir du moment où Grégory Doucet demande plus d’effectifs pour la police municipale, il se place dans une posture républicaine et ça va dans la bonne direction ! S’il demande plus de policiers, la première intention est la bonne.
La Mairie souhaite renforcer son action pour l’égalité à travers la mise en place d’un “budget sensible au genre” sur l’éducation et le sport, la valorisation du travail des femmes à travers la commande publique ou encore l’ouverture d’un débat sur l’écriture inclusive. Pensez-vous que ces initiatives sont efficaces ou qu’il s’agit d’une campagne de communication ? Êtes-vous favorables à ce genre de pratiques de discrimination positive ?
Je n’ai pas l’impression que les campagnes de communications de la Mairie soient très efficaces. Mais si ça va dans le bon sens, vous ne trouverez pas dans mes propos des torts à leur attribuer. Sur la question de la discrimination positive, c’est autre chose. C’est un sujet qui est assez épineux en France, ce n’est pas dans la tradition de la démocratie et de la République telle qu’elle a été voulue dans sa théorie et dans son application qui se voulait méritocratique.
On sait que la méritocratie n’est pas parfaite en France : faut-il la corriger et l’améliorer avec de la discrimination positive ? Je ne sais pas ! J’ai peur des dérives en ce qui concerne la discrimination positive : on commence par le genre puis on finit comme dans les pays anglo-saxons par des statistiques ethniques. Cela peut partir d’une bonne intention mais ça peut aussi créer des heurts dans la société. La notion d’ethnie va à l’encontre de la notion d’universalisme !
Pour l’instant c’est une discrimination positive sur la base du genre et qu’il y ait plus de femmes dans la commande publique etc.. Je trouve que c’est bien. Que ça ne se fasse pas au détriment du talent.
La métropole de Lyon a fait plusieurs propositions d’aide aux quartiers populaires tels que la création de Maison de l’alimentation dans les 37 quartiers prioritaires de la ville ou encore l’augmentation significative du nombre de logements sociaux. Que pensez-vous du fait que la Métropole semble prendre les décisions les plus importantes en la matière ?
Sur les sujets sociaux, je ne sais pas si Bruno Bernard est un exemple. Pour l’égalité de tous, pour essayer de faire de meilleurs logements, il place son oncle ! C’est ça qu’on veut ? Du népotisme pour représenter l’œuvre sociale dans la Métropole de Lyon…
Je pense que le social doit passer par les jeunes. On nous parle vaguement d’un RSA jeune dont on a aucune précision.
On a finalement une Métropole qui est à l’arrêt, une ville qui parle beaucoup sans qu’il y ait du concret. Surtout, une Métropole qui est totalement muette et qui ne fait pas grand chose. A part Bruno Bernard qui se place lui-même à la présidence des TCL alors qu’il disait être contre les cumuls des mandats. Après il vient dire que les transports en commun ne sont pas la priorité, alors qu’on sait qu’ils sont un facteur d’une meilleure inclusion. Bruno Bernard refuse le prolongement de la ligne A et de la ligne D, du moins pas avant 2035… On espère qu’il ne sera plus là en 2026 pour que quelqu’un essaye de changer la donne. Ce sont des investissements lourds, si on ne commence pas maintenant, c’est sûr qu’on aura rien avant 2035…Sur les logements sociaux, cette histoire de népotisme m’a réellement choqué. J’ai quelques doutes sur la faculté de l’oncle de Bruno Bernard à faire avancer les choses.
Pour redynamiser la démocratie participative à Lyon, la Mairie travaille sur la création de conseils des aînés, de conseils d’arrondissement des enfants ou encore d’un baromètre du bien-être des lyonnais. On peut aussi noter la création d’un budget géré par les citoyens représentant au total 5% du budget d’investissements. Que pensez-vous de ces initiatives ? Pensez-vous qu’elles permettent réellement une meilleure participation politique des citoyens, alors que l’abstention est en hausse ces dernières années ?
Cette forme de démocratie participative va entraîner des minorités très locales qui vont se faire passer pour la majorité. Des gens qui ne sont pas forcément au fait de leur pouvoir, et qui ont, ne l’oublions pas, élu des représentants pour faire ces choix à leur place. Les conseillers municipaux sont des gens qui ont ce rôle. On va se retrouver avec des personnes qui ont voté “deux fois” et d’autres qui n’ont pas voté du tout ou juste une fois. On est dans une démocratie qui est représentative, il s’agirait de respecter cette forme-là.
S’il faut un conseil des aînés etc.. Cela peut rapprocher des gens de la politique si c’est bien fait. Pour ce qui est du budget participatif, je doute que ce soit bénéfique dans le concret.
Concrètement, quels changements espérez-vous encore dans la gestion municipale de Gregory Doucet ?
Depuis le début, s’il y a bien quelque chose qui revient : j’espère qu’il prendra ses responsabilités, qu’il arrête d’agir comme quelqu’un qui veut faire des phrases choc, qu’il agisse comme un Maire et non comme quelqu’un qui veut se faire élire. Qu’il ait à cœur le fait que Lyon reste une ville attractive ! Que l’on arrête avec les symboles, qu’il agisse enfin concrètement. J’attends beaucoup plus que ça ! Je leur souhaite toutefois une belle réussite, ils seront là jusqu’en 2026.